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Deux policiers condamnés pour viol, la belle affaire!

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Le 3 Septembre 2012 en fin de soirée, un jeune couple tunisien était en train de discuter et peut être même un peu plus, assis tranquillement dans une voiture. Une pratique somme toute courante dans une société profondément conservatrice qui refuse toute intimité en dehors du cadre légal du mariage.

Le cauchemar de "Mariem"

Seulement voila, ce type de situation, à la limite de la "légalité" d'usage, a dégénéré et la vie de ces deux jeunes a basculé dans le cauchemar. Une ronde policière les aborde, vérification routinière de leur identité et les trois agents constatent la fragilité de la situation dans laquelle se trouvent nos deux tourtereaux. C'est là que les réflexes de la police corrompue de la dictature reprennent le dessus et que l'opportunité de tirer quelques avantages pour les fonctionnaires de l'Etat est trop tentante pour ne pas en profiter.

Le résultat a fait la une des journaux du monde entier: La jeune "Mariem" se fait violer par deux des policiers pendant que leur troisième collègue emmène son fiancé à un distributeur automatique de billets et le force à retirer de l'argent.

Un tel "incident", somme toute assez courant, serait probablement passé sous silence si la jeune femme n'avait pas eu le courage de briser deux tabous tunisiens (le viol et la police) et n'avait pas osé porter plainte. Mais ce qui avait choqué le plus, au delà de l'horreur du crime commis en réunion par des agents des forces de l'ordre dans l'exercice de leurs fonctions, c'est la position du ministère de l'Intérieur. Son porte-parole officiel de l'époque, Monsieur Khaled Tarrouche, avait tenté de minimiser la chose en affirmant en conférence de presse que les deux jeunes gens avaient été retrouvés dans une situation "inconvenante". Et pour ajouter l'injure à l'opprobre, le ministère de la Justice s'était porté partie civile et avait inculpé les victimes "d'atteinte aux bonnes mœurs". Un non-lieu en suivra mais le mal était déjà fait.

Car c'est ainsi qu'allait la Justice de la Tunisie Post-révolutionnaire, la Tunisie du "premier gouvernement légitime, issu des élections".

Mais Mariem n'est pas un cas isolé, bien au contraire.

Bochra Bel Haj Hamida, militante des droits de l'homme et avocate dans plusieurs cas similaires, affirme que: "les premières victimes de harcèlement et tentatives de racket de la part de certains policiers ont été carrément condamnées et jugées coupables (début 2012).

La première victime 'A' attend depuis deux ans que ses agresseurs soient jugés, et c'est impossible parce que le dossier n'a pas été transféré au parquet et quand elle a réussi à le faire elle-même, les pièces essentielles ont été retirées alors qu'elles sont répertoriées. On appelle cela de la falsification.

D'autres plus tard, ont accepté en silence leur verdict injuste et ont quitté la prison complètement anéantis, désillusionnés par rapport à la justice tunisienne post-révolutionnaire.

Oui, certains agents de la sécurité pensaient bénéficié d'une impunité totale après les élections du 23 octobre 2011 et cela a continué même après le viol de Mariem. "

Au bout d'un an et demi de procédures, de reconstitution des faits et de tests ADN qui ont confirmé les crimes, le Tribunal de Première Instance de Tunis a condamné les deux violeurs à sept ans de prison et leur troisième acolyte à deux ans fermes et vingt mille dinars d'amende pour corruption.

A ce propos, Mme Bel Haj Ahmida avait conclu en disant "J'ose espérer que ce verdict, dont la victime a payé le prix fort, mettra fin à cette impunité".

Seulement voilà, je ne pense pas que ce verdict de sept ans de prison mettra fin à quoi que ce soit.

La responsabilité de l'Etat

Ce qui aurait mis définitivement fin à ce genre de pratiques aurait été l'application stricte de la loi. Car elle est absolument claire dans son article 227. Et le verdict pour un tel crime aggravé n'est autre que la peine de mort, commuée au meilleur des cas à vingt ans de prison. Et je le rappelle uniquement parce que je suis contre la peine de mort.

Mais le vrai sujet ici n'est ni le viol, ni la corruption, ni les violences policières mais la responsabilité de l'Etat dans la sécurité et le bien être de ses citoyens. La responsabilité de l'Etat quand des crimes sont commis et que les autorités détournent la tête, quand elles ne font pas tout simplement preuve d'une passivité bienveillante envers les criminels.

Souvenez-vous du climat d'intimidation de l'été 2012, établi par le gouvernement Jebali et son ministre de l'intérieur Ali Laarayedh contre les femmes qui sortaient le soir et les rumeurs d'attaques de femmes en maillot de bain sur les plages. Souvenez-vous de la pseudo-morale d'Ennahdha et des concepts de complémentarité de la femme dans la Constitution. Que des gadgets qui en réalité ne cherchaient qu'à toucher aux droits des femmes.

Nous l'avons vécu lors des deux années de pouvoir de la troïka. Nous l'avons vécu avec les trois présidents réunis derrière un micro et jetant en pâture les artistes aux extrémistes religieux pour des œuvres d'art qui n'existaient pas. Nous l'avons vécu avec les assassinats politiques, nous l'avons vécu avec le terrorisme, nous l'avons vécu avec la montée des appels à l'excommunication Takfiriste et au meurtre dans les mosquées.

Mais les causes ont toujours des effets. Quelques semaines avant le viol de Mariem, une jeune femme indépendante, belle, éduquée et professeur universitaire avait été arrêtée, descendue de son taxi, menottée jusqu'au poste de police alors qu'elle sortait d'un restaurant dans le quartier de la Soukra. J'en parle parce qu'elle en avait elle-même parlé et qu'elle n'était pas du genre à se laisser faire. Elle a eu droit aux excuses du chef du district de la police, mais devinez quoi? Le policier qui l'avait bousculée, violentée et traitée de tous les noms et qui s'en est sorti sans même un blâme est l'un des violeurs de Mariem.

Voyez-vous pourquoi je dis que l'Etat est responsable?

Depuis la Révolution, l'Etat n'a jamais pris ses responsabilités et ne s'est jamais placé moralement du coté des victimes. A chaque occasion, il a préféré la continuité à la rupture, au nom de la sacro-sainte et mièvre "modération tunisienne", lésant au passage ceux qui souffraient le plus et permettant aux coupables de s'en sortir à bon compte. Autrement, comment expliquer le retour décomplexé des sous-fifres de la dictature déchue sur tous les médias alors que dans les mois qui ont suivi le 14 Janvier 2011, ils s'étaient terrés comme des rats dans les égouts de leur déshonneur ?

Pour le viol de Mariem, nous retrouvons les mêmes mécanismes. On permet à un avocaillon véreux, sous couvert de droit à la défense, de faire admettre les circonstances atténuantes par le tribunal. Soudain, on accepte que l'article 227, en cas de viol, soit tempéré si la victime n'est pas vierge. Espérons pour lui que ni sa femme, ni ses trois filles ne se feront jamais violées.

En même temps, pouvons-nous nous étonner de tant de bassesse quand on sait que ce monsieur s'est fait une courte carrière dans des affaires où il attaque systématiquement les causes progressistes, souille la mémoire des martyrs (affaires toutes perdues d'ailleurs) et défend des gens comme Rafik Bouchleka dans ses détournements de fonds ou le voyou Imed Dghij des milices d'Ennahdha et les criminels qui ont lynché Lotfi Nagdh.

Dans ce cas précis, il a réussi à mener le tribunal et une partie de l'opinion publique vers un mauvais débat sur les circonstances atténuantes ou pas des policiers violeurs. L'argumentaire est simple et précis et il sonne juste auprès de n'importe quel macho primitif, surtout s'il est légèrement imbibé de foi: "Elle traine le soir avec un homme qui n'est pas son mari, elle n'est pas vierge, c'est donc une trainée. Conclusion, elle l'a bien cherché".

Ne faudrait-il pas plutôt se focaliser sur le verdict? Soit la cour accepte le viol et donc elle applique la loi et c'est au minimum 20 ans de prison, soit il n'y a pas eu viol et ces pauvres policiers sont des victimes qui doivent être relaxés.

Mais il faut le dire et le redire, la responsabilité morale de ces crimes incombe à l'Etat. D'un point de vue politique, le responsable du simulacre de jugement dans l'affaire du viol d'une jeune tunisienne par des policiers pourris n'est pas uniquement le verdict d'un juge sans conscience mais c'est le ministre de l'intérieur Ali Laarayedh et son porte parole Khaled Tarrouche qui en minimisant le crime et en accusant la victime ont créé les conditions idéales pour que justice ne soit pas rendue. De même que les responsables du terrorisme ne sont pas que les terroristes de Chaambi mais encore Ali Laarayedh et Khaled Tarrouche qui en disant qu'il n'y avait rien, ont donné un feu vert au terrorisme.

Je pense qu'il serait bien que des associations de la société civile et des juristes traînent ces deux "hauts responsables" de l'Etat devant un tribunal. Je ne suis pas juriste mais il me semble qu'il y a suffisamment d'arguments pour que cela tienne la route.

Et si ce n'est pas le cas, et bien ce sera une occasion pour ne pas les laisser dormir tranquilles, en espérant qu'ils aient quelques grammes de dignité et de conscience pour rester éveillés.


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