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Bouteflika, Sissi, Bachar, les autoritarismes ont la vie dure

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Trois élections présidentielles. Trois images. Un seul message. L'autoritarisme a la vie dure. Impossible de ne pas établir la comparaison. Impossible de ne pas y voir une étrange coïncidence qui en dit long sur la nature des enjeux du pouvoir qui travaillent la société arabe. Après une pulsion démocratique qui a porté les islamistes au pouvoir, voici venir le temps des raidissements. Après une période d'espoir et d'enthousiasme, un épais rideau, un sombre réalisme s'est abattu sur l'ensemble de l'espace arabe comme si la peur de la nuit islamiste avait castré tous les espoirs.

Première image la plus récente celle de Abdelaziz Boutelflika, un président physiquement diminué, refusé par la majorité de sa classe politique et la totalité des jeunes Algériens mais qui parvient à réaliser un score soviétique. Une image qui a fait le tour de la planète, celle montrant un Bouteflika dont la maladie a entassé la taille sur une chaise roulante et qui s'accroche à l'urne avec la même détermination et la même voracité que son système militaire s'accroche au pouvoir. L'image fut accueillie par beaucoup d'Algériens comme un gage suprême d'humiliation. "Bouteflika réélu comme sur des roulettes", s'esclaffent, un brin masochiste, tous les réseaux sociaux. Abdelaziz Bouteflika, si diminué soit-il, si peu porteur de changement, si peu conducteur de dynamique, semble s'être imposé comme un stabilisateur de pulsions, un modérateur des passions. Son choix par défaut équivaut à un report volontaire du changement à des jours meilleurs, comme si le constat algérien est que la société algérienne n'est pas encore mûre pour couver la tentation démocratique.

La seconde est celle du Maréchal Sissi. L'ancien ministre de la Défense a décapité le processus démocratique égyptien sous prétexte que la gouvernance islamiste menace les fondements de la société égyptienne. Sissi aurait dû se cantonner à son rôle de "sauveur" de l'Égypte. Mais la tentation était grande de s'emparer du pouvoir. Il le fait à travers des présidentielles. Mais auparavant il construit une stature, une légende avec des outils qui sacralisent le culte de la personnalité. Lui le militaire qui se mue en civil pour mieux capter cette aspiration au changement, ce désir de démocratie né du printemps arabe mais bien vite repris au vol par la machine militaire. Abdelafatah Sissi est gauche avec l'exercice démocratique comme un militaire longtemps habitué à se vêtir avec des costumes aux plis disciplinaires impeccables qui se retrouve à dandiner sa taille et sa démarche dans du "sport wear". Maladroit, incertain, souvent invisible, le candidat Sissi se comporte encore avec ses fans avec un mélange de distance et de mépris qui en dit long sur son incapacité à se convertir à la religion de la démocratie, lui qui se veut la réincarnation de l'ordre et de l'autorité.

La troisième image provient de cette Syrie à feu et à sang depuis plus de trois ans. Des dizaines de milliers de morts, des centaines de milliers de réfugiés, des pertes économiques à la dimension incalculable et pourtant Bachar El Assad se prépare tranquillement à une présidentielle, à chevaucher une course électorale faussée à tous les niveaux. Son seul objectif est de légitimer sa poigne de fer, de faire durer son emprise, de passer en pertes et profits tous les drames et les malheurs qui frappent la société syrienne. Après avoir été le fossoyeur du printemps syrien, Bachar Al Assad entame la présidentielle comme un gigantesque coup de bluff. Sa posture porte le message suivant: les syriens s'affrontent violemment mais je demeure le seul étendard de la stabilité et de l'unité. Il renvoie par la même occasion l'opposition fracturée par des ambitions fratricides à son incapacité à trancher la bataille militaire ni à formuler une alternative crédible.

Ces trois instantanés ont en commun la victoire de la tendance autoritarisme portée - il est vrai - par les structures que certains disent imperméables à la démocratie du vieux pays. Le pays profond qui sent le changement comme une menace pour ses acquis et qui se raidit pour apporter son soutien à l'autoritarisme, quitte à calcifier l'espoir du changement. Bouteflika, Sissi, Bachar El Assad en sont les dignes représentants.

La communauté internationale observe ces raidissements au sein du monde arabe avec une forme de soulagement. Après avoir cru que seule la déclamation de la démocratie à travers un frisson exprimé dans la rue et par un peuple assoiffé de liberté, pouvait ouvrir la voie à la pratique démocratique, l'heure est à la grande désillusion.

Il est vrai que l'approche occidentale, américaine en l'occurrence, sortait d'une grande séquence où le "nation building" et la greffe de la démocratie était le slogan fédérateur. Aujourd'hui, ces pays, américains et européens, semblent s'accommoder de ce retour de bâtons autoritaire et militaire quand ils ne l'encouragent pas de façon souterraine. Qui voit d'un mauvais œil aujourd'hui le maintien de Bouteflika au pouvoir en Algérie contre toute logique politique, ou son irrésistible conquête par Sissi en Egypte et sa tentative de relégitimation en Syrie par Bachar? Personne.

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