Au sud-ouest de l’île de Djerba, le village de Guellala est connu pour ses poteries. Habituellement cantonnés dans la zone touristique de l’autre côté de l’île, les touristes y venaient par dizaines y passer l’après-midi et faire le plein de souvenirs, pourtant difficilement transportables. Pour le reste, on aime bien rester entre soi, à Guellala.
Mais depuis 2011, le village s’est vidé. De nombreux jeunes Guellaliens ont tenté la traversée de la Méditerranée. Ils espèrent amasser assez de capital en Europe pour pouvoir s’acheter maison et voiture ou monter un projet à leur retour.
Si la plupart sont passés, plusieurs ont péri. Aujourd’hui, de nouveaux moyens de passage, plus coûteux mais moins risqués, sont de plus en plus prisés.
Quitte à partir clandestinement, il voulait le faire "proprement"
Sami Tlati aussi est parti juste après la révolution. Il a d’abord essayé, dès fin janvier, d’embarquer avec des passeurs. Il les avait payé 2.000 DT. Depuis Zarzis, près de la frontière libyenne, les passagers étaient emmenés en barque vers un bateau qui attendait au large.
Mais Sami voit un migrant se noyer après être tombé d’une barque chancelante. Père d’une fille de 6 mois, il prend peur et renonce. Il réussira à récupérer 1.500 dinars.
Alors, il change de plan. Quitte à partir clandestinement, il veut au moins le faire de manière "propre". Avec une vingtaine d’autres Guellaliens, il achète un bateau à 33.000 DT, "plus 500 dinars pour le GPS".
Ils larguent les amarres le 22 mars et arrivent à Lampedusa 24 heures après. Ils y sont très bien accueillis. On leur fournit ce dont ils ont besoin "et des Marlboros en prime". Après 10 jours, ils sont envoyés en avion à Bari.
"Là-bas, ils nous ont laissé libres de faire ce qu’on voulait". Alors, Sami est parti à Paris pour travailler dans le bâtiment.
Il est revenu à Guellala près de trois ans plus tard. Avec ses économies et les 2.000 euros offert par l’office français de l’immigration aux partants volontaires, Sami s’est acheté un petit camion. Il est aujourd’hui "transporteur".
Mais tous les jeunes évadés de Guellala n’ont pas eu la chance de Sami.
Morts en mer
Quelques jours après le 14 janvier, 8 Guellaliens tentent de rejoindre les côtes de Lampedusa à bord d’un bateau, toujours au départ de Zarzis. L’embarcation fera naufrage en pleine mer. Si de nombreux migrants seront secourus par des navires, six Guellaliens mourront noyés.
Partis une semaine après, Hamadi et Karim ont manqué de peu de subir le même sort. Partant directement de DJerba, les deux cousins n’embarquaient pas pour les mêmes raisons. Champion de boules dans son temps libre et marin-pêcheur pour gagner sa vie, Hamadi, 47 ans, avait été embauché par les passeurs comme capitaine. Il devait être payé 10.000 DT pour l’aller-retour. A 24 ans, Karim était clandestin comme les autres. Il avait payé 1.500 DT pour le passage.
Encore loin des côtes lampedusiennes, l’embarcation tombe en rade. Les passeurs avaient oublié les bidons de réserve.
"Ils avaient si peur qu’ils se sont fait pipi dessus", raconte leur oncle de Guellala. A la dérive, ils finissent pourtant par croiser un autre bateau de passeur qui acceptera de les remorquer. Après la révolution tunisienne et alors que la tension augmentait en Libye, la Méditerranée s’était transformée en autoroute de migration clandestine. Une chance dans la malchance pour Hamadi et Karim.
Et puisque le capitaine Hamadi n’avait pas d’essence pour le retour, il a fini immigrant comme les autres. Trois ans après, il est toujours à Paris.
Clandestins de luxe
Depuis les grands départs de l’après-révolution et les innombrables tragédies en mer, d’autres réseaux se sont formés. Eux préfèrent travailler les administrateurs plutôt que la mer. Pour 14.000 DT, ils procurent un visa pour Malte.
Depuis janvier 2013, ils sont plus de 200 Guellaliens à être partis ainsi, estime Sami. "On donne juste son passeport et l’argent", explique le jeune homme. Faux contrat de travail, tampons, demande auprès de l’ambassade: le réseau s’occupe de tout. Les nouveaux clandestins de Guellala ont changé de dimension. Désormais, ils prennent l’avion. Et pour réunir les 14.000 DT nécessaires, les familles font pot commun.
"C’est la faute des anciens émigrés qui reviennent frimer avec leurs voitures", affirme Habib. "Ils montrent le côté faste mais pas le côté néfaste".
"Alors la main d’œuvre s’est barrée", constate aujourd’hui le potier, ajoutant avec ironie que, pour le coup, "il y a du boulot pour ceux qui sont restés". Une ironie qui n'enlève rien à son amertume.
LIRE AUSSI: A Guellala, les poteries ne servent plus de projectiles
Mais depuis 2011, le village s’est vidé. De nombreux jeunes Guellaliens ont tenté la traversée de la Méditerranée. Ils espèrent amasser assez de capital en Europe pour pouvoir s’acheter maison et voiture ou monter un projet à leur retour.
Si la plupart sont passés, plusieurs ont péri. Aujourd’hui, de nouveaux moyens de passage, plus coûteux mais moins risqués, sont de plus en plus prisés.
Quitte à partir clandestinement, il voulait le faire "proprement"
Sami Tlati aussi est parti juste après la révolution. Il a d’abord essayé, dès fin janvier, d’embarquer avec des passeurs. Il les avait payé 2.000 DT. Depuis Zarzis, près de la frontière libyenne, les passagers étaient emmenés en barque vers un bateau qui attendait au large.
Mais Sami voit un migrant se noyer après être tombé d’une barque chancelante. Père d’une fille de 6 mois, il prend peur et renonce. Il réussira à récupérer 1.500 dinars.
Alors, il change de plan. Quitte à partir clandestinement, il veut au moins le faire de manière "propre". Avec une vingtaine d’autres Guellaliens, il achète un bateau à 33.000 DT, "plus 500 dinars pour le GPS".
Ils larguent les amarres le 22 mars et arrivent à Lampedusa 24 heures après. Ils y sont très bien accueillis. On leur fournit ce dont ils ont besoin "et des Marlboros en prime". Après 10 jours, ils sont envoyés en avion à Bari.
"Là-bas, ils nous ont laissé libres de faire ce qu’on voulait". Alors, Sami est parti à Paris pour travailler dans le bâtiment.
Il est revenu à Guellala près de trois ans plus tard. Avec ses économies et les 2.000 euros offert par l’office français de l’immigration aux partants volontaires, Sami s’est acheté un petit camion. Il est aujourd’hui "transporteur".
Mais tous les jeunes évadés de Guellala n’ont pas eu la chance de Sami.
Morts en mer
Quelques jours après le 14 janvier, 8 Guellaliens tentent de rejoindre les côtes de Lampedusa à bord d’un bateau, toujours au départ de Zarzis. L’embarcation fera naufrage en pleine mer. Si de nombreux migrants seront secourus par des navires, six Guellaliens mourront noyés.
Partis une semaine après, Hamadi et Karim ont manqué de peu de subir le même sort. Partant directement de DJerba, les deux cousins n’embarquaient pas pour les mêmes raisons. Champion de boules dans son temps libre et marin-pêcheur pour gagner sa vie, Hamadi, 47 ans, avait été embauché par les passeurs comme capitaine. Il devait être payé 10.000 DT pour l’aller-retour. A 24 ans, Karim était clandestin comme les autres. Il avait payé 1.500 DT pour le passage.
Encore loin des côtes lampedusiennes, l’embarcation tombe en rade. Les passeurs avaient oublié les bidons de réserve.
"Ils avaient si peur qu’ils se sont fait pipi dessus", raconte leur oncle de Guellala. A la dérive, ils finissent pourtant par croiser un autre bateau de passeur qui acceptera de les remorquer. Après la révolution tunisienne et alors que la tension augmentait en Libye, la Méditerranée s’était transformée en autoroute de migration clandestine. Une chance dans la malchance pour Hamadi et Karim.
Et puisque le capitaine Hamadi n’avait pas d’essence pour le retour, il a fini immigrant comme les autres. Trois ans après, il est toujours à Paris.
Clandestins de luxe
Depuis les grands départs de l’après-révolution et les innombrables tragédies en mer, d’autres réseaux se sont formés. Eux préfèrent travailler les administrateurs plutôt que la mer. Pour 14.000 DT, ils procurent un visa pour Malte.
Depuis janvier 2013, ils sont plus de 200 Guellaliens à être partis ainsi, estime Sami. "On donne juste son passeport et l’argent", explique le jeune homme. Faux contrat de travail, tampons, demande auprès de l’ambassade: le réseau s’occupe de tout. Les nouveaux clandestins de Guellala ont changé de dimension. Désormais, ils prennent l’avion. Et pour réunir les 14.000 DT nécessaires, les familles font pot commun.
"C’est la faute des anciens émigrés qui reviennent frimer avec leurs voitures", affirme Habib. "Ils montrent le côté faste mais pas le côté néfaste".
"Alors la main d’œuvre s’est barrée", constate aujourd’hui le potier, ajoutant avec ironie que, pour le coup, "il y a du boulot pour ceux qui sont restés". Une ironie qui n'enlève rien à son amertume.
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