VOIR PARTIE 1
II. Reddition des comptes: Création de chambres spécialisées au sein des tribunaux judiciaires
La reddition des comptes envisagée par la loi avec la création de chambres spécialisées composées de juges de l'ordre judiciaire, choisis "parmi ceux qui n'ont pas pris part à des procès politiques et qui recevront des formations spécifiques sur la justice transitionnelle" pose quant à elle le problème du sort des jugements militaires rendus à l'égard des dignitaires de l'ancien régime.
Les procès avaient été portés devant les tribunaux militaires, compétents pour juger des affaires impliquant les forces de sécurité et de l'armée. Tribunaux d'exception, ils sont dépendants de l'exécutif puisque le ministre de la défense nomme et révoque les juges militaires. Il intervient aussi pour la nomination des juges civils, la composition de ces tribunaux étant mixte.
Les anciens dignitaires ont été condamnés à des peines minimes en appel. Ben Ali a quant à lui été condamné par contumace, à perpétuité. Un grand mouvement de protestation et une grève de la faim des parents des victimes ont suivi les sentences. La cour de cassation a été saisie.
En tout état de cause et quelle que soit la décision de la Haute Cour, ces procès pourraient reprendre devant les chambres spécialisées sur saisine de l'instance vérité et dignité qui peut transférer au ministère public toute violation grave des droits de l'homme, sans que ne puisse être invoquée l'autorité de chose jugée. Mais d'ores et déjà les avocats des hauts dignitaires de l'ancien régime s'insurgent, on ne peut être jugé deux fois pour un même crime, proclament ils.
Mais il est clair que la justice militaire n'étant pas impartiale, ils peuvent être rejugés, conformément aux standards internationaux en particulier le statut de Rome (art 20: "Quiconque a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup des articles 6, 7 ou 8 ne peut être jugé par la Cour que si la procédure devant l'autre juridiction:
a) Avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence de la Cour; ou
b) N'a pas été au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d'un procès équitable prévues par le droit international, mais d'une manière qui, dans les circonstances, était incompatible avec l'intention de traduire l'intéressé en justice")
Les tribunaux judiciaires, il faut le dire, ne sont pas non plus indépendants, la réforme de la justice, les garanties de son indépendance, inscrites dans la constitution, n'ont pas été encore mises en œuvre. Bien au contraire, on a assisté durant cette période transitoire à une tentative de mise au pas, fortement contestée par les associations et syndicats de la magistrature, notamment lors de révocations arbitraires par le ministre de la justice de juges.
Il faudra donc attendre les prochaines élections et la mise en place du conseil supérieur de la magistrature (articles 106 et suivants de la constitution) garant de son indépendance. Tant que ces réformes n'ont pas été opérées, la garantie d'indépendance des chambres spécialisées elles-mêmes ne sera pas assurée et l'impunité risque de ne pouvoir être corrigée.
Elle le risque d'autant plus que les dignitaires de l'ancien régime pourront s'exiler dans un pays qui ne voudra pas les extrader, comme c'est le cas de l'Arabie Saoudite qui abrite Ben Ali ou qui ne pourra pas les extrader, parce que la Tunisie n'a pas aboli la peine de mort et n'est pas prête à l'abolir en raison de la disposition constitutionnelle qui proclame que le droit à la vie est sacré, mais qu'il peut y être porté atteinte dans des cas extrêmes fixés par la loi (article 22).
Le secteur de la sureté, impliqué dans les violations graves des droits de l'homme bénéficie toujours de l'impunité. De hauts responsables soupçonnés de violations graves des droits de l'homme seraient encore en fonction. Tortures et arrestations arbitraires continuent. L'assainissement difficile de ce secteur est elle aussi tributaire de profondes réformes qui devront elles aussi attendre les prochaines élections, prévues pour fin décembre 2014.
Dans ces conditions, la loi sur la justice transitionnelle pourra difficilement remplir ses quatre objectifs "vérité, justice pénale, réparation et garanties de non-répétition". Mais la réalisation de la justice transitionnelle est aussi tributaire de la volonté politique et des mesures institutionnelles qui seront prises, en application de la constitution, par le gouvernement issu des prochaines élections, "pour démanteler le système de corruption, de répression et de tyrannie" pour reprendre les termes de la loi de décembre 2013 et qui perdure encore.
II. Reddition des comptes: Création de chambres spécialisées au sein des tribunaux judiciaires
La reddition des comptes envisagée par la loi avec la création de chambres spécialisées composées de juges de l'ordre judiciaire, choisis "parmi ceux qui n'ont pas pris part à des procès politiques et qui recevront des formations spécifiques sur la justice transitionnelle" pose quant à elle le problème du sort des jugements militaires rendus à l'égard des dignitaires de l'ancien régime.
Les procès avaient été portés devant les tribunaux militaires, compétents pour juger des affaires impliquant les forces de sécurité et de l'armée. Tribunaux d'exception, ils sont dépendants de l'exécutif puisque le ministre de la défense nomme et révoque les juges militaires. Il intervient aussi pour la nomination des juges civils, la composition de ces tribunaux étant mixte.
Les anciens dignitaires ont été condamnés à des peines minimes en appel. Ben Ali a quant à lui été condamné par contumace, à perpétuité. Un grand mouvement de protestation et une grève de la faim des parents des victimes ont suivi les sentences. La cour de cassation a été saisie.
En tout état de cause et quelle que soit la décision de la Haute Cour, ces procès pourraient reprendre devant les chambres spécialisées sur saisine de l'instance vérité et dignité qui peut transférer au ministère public toute violation grave des droits de l'homme, sans que ne puisse être invoquée l'autorité de chose jugée. Mais d'ores et déjà les avocats des hauts dignitaires de l'ancien régime s'insurgent, on ne peut être jugé deux fois pour un même crime, proclament ils.
Mais il est clair que la justice militaire n'étant pas impartiale, ils peuvent être rejugés, conformément aux standards internationaux en particulier le statut de Rome (art 20: "Quiconque a été jugé par une autre juridiction pour un comportement tombant aussi sous le coup des articles 6, 7 ou 8 ne peut être jugé par la Cour que si la procédure devant l'autre juridiction:
a) Avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence de la Cour; ou
b) N'a pas été au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d'un procès équitable prévues par le droit international, mais d'une manière qui, dans les circonstances, était incompatible avec l'intention de traduire l'intéressé en justice")
Les tribunaux judiciaires, il faut le dire, ne sont pas non plus indépendants, la réforme de la justice, les garanties de son indépendance, inscrites dans la constitution, n'ont pas été encore mises en œuvre. Bien au contraire, on a assisté durant cette période transitoire à une tentative de mise au pas, fortement contestée par les associations et syndicats de la magistrature, notamment lors de révocations arbitraires par le ministre de la justice de juges.
Il faudra donc attendre les prochaines élections et la mise en place du conseil supérieur de la magistrature (articles 106 et suivants de la constitution) garant de son indépendance. Tant que ces réformes n'ont pas été opérées, la garantie d'indépendance des chambres spécialisées elles-mêmes ne sera pas assurée et l'impunité risque de ne pouvoir être corrigée.
Elle le risque d'autant plus que les dignitaires de l'ancien régime pourront s'exiler dans un pays qui ne voudra pas les extrader, comme c'est le cas de l'Arabie Saoudite qui abrite Ben Ali ou qui ne pourra pas les extrader, parce que la Tunisie n'a pas aboli la peine de mort et n'est pas prête à l'abolir en raison de la disposition constitutionnelle qui proclame que le droit à la vie est sacré, mais qu'il peut y être porté atteinte dans des cas extrêmes fixés par la loi (article 22).
Le secteur de la sureté, impliqué dans les violations graves des droits de l'homme bénéficie toujours de l'impunité. De hauts responsables soupçonnés de violations graves des droits de l'homme seraient encore en fonction. Tortures et arrestations arbitraires continuent. L'assainissement difficile de ce secteur est elle aussi tributaire de profondes réformes qui devront elles aussi attendre les prochaines élections, prévues pour fin décembre 2014.
Dans ces conditions, la loi sur la justice transitionnelle pourra difficilement remplir ses quatre objectifs "vérité, justice pénale, réparation et garanties de non-répétition". Mais la réalisation de la justice transitionnelle est aussi tributaire de la volonté politique et des mesures institutionnelles qui seront prises, en application de la constitution, par le gouvernement issu des prochaines élections, "pour démanteler le système de corruption, de répression et de tyrannie" pour reprendre les termes de la loi de décembre 2013 et qui perdure encore.