Le 4 Juin dernier, Eya, petite Tunisienne de treize ans, rentrait tranquillement de l'école à pieds. Elle faisait un petit bout de chemin avec un camarade de classe de son âge. Son père, probablement un homme pieux qui va à la mosquée comme la majorité des hommes et des femmes de la cité populaire Ibn Khaldoun dans la banlieue de Tunis, y a vu une atteinte à son honneur. Et pour sauver son honneur bafoué par cette petite marche innocente, il a aspergé sa propre fille d'essence et a mis le feu à son corps. Trois jours après, le petit ange a succombé à ses brulures au quatrième degré.
Car voyez-vous, depuis trois ans, de braves Tunisiens ont découvert leur honneur et sa fragilité, surtout quand il est menacé par leur sœur ou leur progéniture femelle. Ils l'ont d'autant plus découvert, qu'ils ont été aidés en cela par des imams moralistes et obsédés par les choses du sexe et des politiciens dont le seul programme politique et économique est bâti sur le binôme personnel pieux/victime. Des politiciens, qui à défaut de trouver des solutions au chômage, à la misère et à la précarité, expliqueront au vivier électoral des laissés-pour-compte, que notre identité Arabo-musulmane est en danger.
Le plus choquant, c'est que ce "crime d'honneur" qui n'a eu lieu ni au Pakistan, ni en Afghanistan, ni en Somalie est pratiquement passé inaperçu. Peu de médias l'ont relevé et il a souvent été traité comme un fait divers. Les associations de la société civile, souffrant peut-être de fatigue, à moins que les crimes contre l'enfance ne soit pas de leur spécialité, n'ont pratiquement pas réagit. L'argument juridique étant qu'elles ne peuvent se porter partie civile sans y avoir été invitées par la mère de l'enfant ou un autre membre de la famille. On peut aisément imaginer les conditions de vie de la mère, avec un monstre qui a brulé sa propre fille et les pressions qu'elle doit subir de ses proches.
Il y aura bien une marche blanche silencieuse le 19 Juin et un ou deux communiqués sont apparus une semaine après le crime.
Mais le silence le plus assourdissant est venu des politiciens et des partis politiques. Un ou deux députés ont annoncé à titre personnel leur présence à la marche blanche et quelques pétitions ne tarderont pas à apparaître sur Internet.
Mais point d'acte audacieux pour alerter l'opinion publique sur la monstruosité d'une telle barbarie. Point de cri retentissant pour dénoncer les dangers permanents qui guettent les femmes et les filles au pays du code du statut personnel.
Silence pour silence, on se prend à rêver qu'un membre de l'assemblée constituante demande à ses pairs une minute de silence afin d'honorer la jeune victime. Et on se souvient qu'il y a quelques semaines, la vice-présidente de l'assemblée constituante avait demandé à ses collègues, réunis en plénière, d'avoir une pensée pour Gabriel Garcia Marquez, qui venait de mourir.
A défaut d'interpeller les consciences, une minute de silence en hommage à Eya pourrait embarrasser nos "représentants" qui ont une grande part de responsabilité dans ce drame.
Je pense bien sûr à celles et ceux qui ont proposé que la femme soit complémentaire de l'homme dans la constitution. Je pense à celles et à ceux qui ont honteusement gardé le silence quand Meriem se faisait violer par des policiers véreux et ensuite attaquer en "justice" par un procureur non moins véreux. Une pensée particulière allant au constituant Gassas, qui devant la télé nous a crédité d'une énième farce sur les épouses qui se doivent de laver les pieds de leur seigneur et maitre et la vice-présidente Maherzia Labidi qui lui avait demandé ce jour-là, de se calmer et de profiter de la totalité de son temps de parole.
Une minute de silence aurait peut-être l'avantage de bousculer un tant soit peu nos "élus" qui, deux ans après la fin de leur mandat, continuent à se gausser de leur légitimité et osent encore demander une réévaluation de leurs propres salaires mirobolants, si l'on se base sur le SMIG tunisien.
Il existe dans la langue anglaise un concept qui représente la quintessence du travail politique. C'est le terme Bully Pulpit. Cette expression inventé par le président Théodore Roosevelt veut dire charge, fonction ou position qui permet d'être entendu ou d'exercer des pressions.
Cela va au-delà des pétitions et des marches de soutien. Elle est la meilleure preuve de la responsabilité politique et morale. Mais allez expliquer cela à des constituants dont la grande majorité ne cesse de démontrer qu'elle est ignare et affamée.
Le plus étrange dans tout cela, c'est que le jour ou la fillette était enterrée, dans les deux journaux télévisés du soir les plus vus, sur Watanya 1 et sur Nessma TV, pas un mot n'a été dit sur cet abominable crime. Par contre, dans une coïncidence macabrement ironique, un reportage a été consacré à la grève du personnel des services de la protection de l'enfance.
Mais depuis trois ans, nous nous sommes habitués aux incongruités de la scène politique tunisienne, de la même façon que nous nous sommes habitués à l'enlèvement de nos diplomates à l'étranger. Nous nous sommes même habitués au terrorisme et aux assassinats de nos soldats et de nos gardes nationaux.
Au-delà de l'habitude, nous sommes à un stade d'engourdissement!
Et l'on n'est même plus sûr que le père assassin écope d'une sentence à la mesure de son crime. On relativise et on accepte que le jugement ne soit pas exemplaire. Il y aura toujours quelqu'un, assis dans un café ou chez un barbier de quartier, pour dire que le pauvre bougre souffre d'avoir perdu sa fille. Et puis, si l'on y pense vraiment, quel besoin avait-elle de ne pas rentrer, tête baissée, directement chez elle. D'ailleurs, ce quelqu'un fera probablement une corrélation avec les avantages du niqab. Et ainsi, on enterrera définitivement les fillettes!
Mais voilà, si le jugement n'est pas à la mesure de l'acte, c'est la porte ouverte aux crimes d'honneur; de la même façon que le laxisme vis à vis des violences politiques a ouvert le chemin au terrorisme.
Sous d'autres cieux, un enfant tombe dans un puits et c'est tout un pays qui retient son souffle.
Mais trouvera-t-on en Tunisie, quelqu'un qui demandera une minute de silence pour Eya?
Car voyez-vous, depuis trois ans, de braves Tunisiens ont découvert leur honneur et sa fragilité, surtout quand il est menacé par leur sœur ou leur progéniture femelle. Ils l'ont d'autant plus découvert, qu'ils ont été aidés en cela par des imams moralistes et obsédés par les choses du sexe et des politiciens dont le seul programme politique et économique est bâti sur le binôme personnel pieux/victime. Des politiciens, qui à défaut de trouver des solutions au chômage, à la misère et à la précarité, expliqueront au vivier électoral des laissés-pour-compte, que notre identité Arabo-musulmane est en danger.
Le plus choquant, c'est que ce "crime d'honneur" qui n'a eu lieu ni au Pakistan, ni en Afghanistan, ni en Somalie est pratiquement passé inaperçu. Peu de médias l'ont relevé et il a souvent été traité comme un fait divers. Les associations de la société civile, souffrant peut-être de fatigue, à moins que les crimes contre l'enfance ne soit pas de leur spécialité, n'ont pratiquement pas réagit. L'argument juridique étant qu'elles ne peuvent se porter partie civile sans y avoir été invitées par la mère de l'enfant ou un autre membre de la famille. On peut aisément imaginer les conditions de vie de la mère, avec un monstre qui a brulé sa propre fille et les pressions qu'elle doit subir de ses proches.
Il y aura bien une marche blanche silencieuse le 19 Juin et un ou deux communiqués sont apparus une semaine après le crime.
LIRE AUSSI: Tunisie: Marche blanche en mémoire d'Eya, brûlée vive par son père
Mais le silence le plus assourdissant est venu des politiciens et des partis politiques. Un ou deux députés ont annoncé à titre personnel leur présence à la marche blanche et quelques pétitions ne tarderont pas à apparaître sur Internet.
Mais point d'acte audacieux pour alerter l'opinion publique sur la monstruosité d'une telle barbarie. Point de cri retentissant pour dénoncer les dangers permanents qui guettent les femmes et les filles au pays du code du statut personnel.
Silence pour silence, on se prend à rêver qu'un membre de l'assemblée constituante demande à ses pairs une minute de silence afin d'honorer la jeune victime. Et on se souvient qu'il y a quelques semaines, la vice-présidente de l'assemblée constituante avait demandé à ses collègues, réunis en plénière, d'avoir une pensée pour Gabriel Garcia Marquez, qui venait de mourir.
A défaut d'interpeller les consciences, une minute de silence en hommage à Eya pourrait embarrasser nos "représentants" qui ont une grande part de responsabilité dans ce drame.
Je pense bien sûr à celles et ceux qui ont proposé que la femme soit complémentaire de l'homme dans la constitution. Je pense à celles et à ceux qui ont honteusement gardé le silence quand Meriem se faisait violer par des policiers véreux et ensuite attaquer en "justice" par un procureur non moins véreux. Une pensée particulière allant au constituant Gassas, qui devant la télé nous a crédité d'une énième farce sur les épouses qui se doivent de laver les pieds de leur seigneur et maitre et la vice-présidente Maherzia Labidi qui lui avait demandé ce jour-là, de se calmer et de profiter de la totalité de son temps de parole.
Une minute de silence aurait peut-être l'avantage de bousculer un tant soit peu nos "élus" qui, deux ans après la fin de leur mandat, continuent à se gausser de leur légitimité et osent encore demander une réévaluation de leurs propres salaires mirobolants, si l'on se base sur le SMIG tunisien.
Il existe dans la langue anglaise un concept qui représente la quintessence du travail politique. C'est le terme Bully Pulpit. Cette expression inventé par le président Théodore Roosevelt veut dire charge, fonction ou position qui permet d'être entendu ou d'exercer des pressions.
Cela va au-delà des pétitions et des marches de soutien. Elle est la meilleure preuve de la responsabilité politique et morale. Mais allez expliquer cela à des constituants dont la grande majorité ne cesse de démontrer qu'elle est ignare et affamée.
Le plus étrange dans tout cela, c'est que le jour ou la fillette était enterrée, dans les deux journaux télévisés du soir les plus vus, sur Watanya 1 et sur Nessma TV, pas un mot n'a été dit sur cet abominable crime. Par contre, dans une coïncidence macabrement ironique, un reportage a été consacré à la grève du personnel des services de la protection de l'enfance.
Mais depuis trois ans, nous nous sommes habitués aux incongruités de la scène politique tunisienne, de la même façon que nous nous sommes habitués à l'enlèvement de nos diplomates à l'étranger. Nous nous sommes même habitués au terrorisme et aux assassinats de nos soldats et de nos gardes nationaux.
Au-delà de l'habitude, nous sommes à un stade d'engourdissement!
Et l'on n'est même plus sûr que le père assassin écope d'une sentence à la mesure de son crime. On relativise et on accepte que le jugement ne soit pas exemplaire. Il y aura toujours quelqu'un, assis dans un café ou chez un barbier de quartier, pour dire que le pauvre bougre souffre d'avoir perdu sa fille. Et puis, si l'on y pense vraiment, quel besoin avait-elle de ne pas rentrer, tête baissée, directement chez elle. D'ailleurs, ce quelqu'un fera probablement une corrélation avec les avantages du niqab. Et ainsi, on enterrera définitivement les fillettes!
Mais voilà, si le jugement n'est pas à la mesure de l'acte, c'est la porte ouverte aux crimes d'honneur; de la même façon que le laxisme vis à vis des violences politiques a ouvert le chemin au terrorisme.
Sous d'autres cieux, un enfant tombe dans un puits et c'est tout un pays qui retient son souffle.
Mais trouvera-t-on en Tunisie, quelqu'un qui demandera une minute de silence pour Eya?
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