Première partie
Avoir deux nationalités c'est donc se sentir chez soi dans deux pays. C'est aimer tout autant deux patries. Il y a évidemment l'aisance irremplaçable du pays natal, une connaissance plus intime de la langue, c'est à Alger que j'ai grandi et la balance penche donc sensiblement de ce côté. Mais, jamais je ne me sens étrangère en Tunisie.
J'y suis chez moi aussi, même si je dis Mohammed Cinq au lieu de Mohammed el Khames, même si parfois je suis un peu trop directe avec mes interlocuteurs, si au milieu d'une conversation animée je demande la signification d'un mot pourtant usuel, même si je ne connais pas les paroles de toutes les chansons populaires. Je tiens ici à ajouter quitte à dévoiler mes convictions "maghrébistes" et le but caché de cette série de billets sur la Tunisie et l'Algérie - que lors d'un bref séjour au Maroc, j'ai eu une sensation similaire de familiarité. Ce n'était ni l'Algérie, ni la Tunisie, mais je m'y sentais bien.
Quels que soient les tensions réelles ou factices, actuelles ou passées entre les deux États, je peux vous assurer qu'aucun serveur, aucun passager de taxi collectif, aucun compagnon de voyage ne m'a signifié que je n'étais pas d'une certaine manière chez moi.
Et puisque l'une des compétitions les plus importantes du monde du sport a débuté il y a quelques jours, faut-il rappeler que Tunis se prépare à célébrer l'Algérie, que des maillots de l'équipe nationale algérienne se vendent et qu'en cas de victoire contre la Belgique ce mardi (victoire largement pronostiquée à Alger) les rues de Tunisie danseront et chanteront aux rythmes des klaxons et des one two three.
J'aime à imaginer qu'il en sera de même à Rabat et Casa.
Et moi me demande-t-on souvent, comment est-ce que je vis un match pendant lequel mes deux pays s'affrontent? Je dois avouer que je débute généralement la partie dans une sorte de neutralité bienveillante pour les deux équipes. Mais en réalité, je n'ai pas le souvenir que le cas se soit présenté si souvent, et si je ne me trompe pas, le dernier match en date a eu lieu lors de la coupe d'Afrique des nations et je crois bien avoir un peu plus vibré pour la Tunisie. Mon nationalisme tunisien était certainement un peu plus à fleur de peau, souffle révolutionnaire oblige depuis le 14 janvier 2011.
Une double équation passionnante à résoudre
Car il en va ainsi des exilés et des expatriés. On ne peut décider de vivre ailleurs -dans mon cas en Amérique depuis maintenant un an- sans s'efforcer de s'installer complètement dans le pays d'accueil, sans en suivre l'actualité, y faire des projets, voire même supporter sa fougueuse équipe de football lors de ce mondial (USA! USA!). On ne peut vivre le regard constamment tourné vers le pays d'origine et oublier de vivre au présent. Cela serait se condamner à une espèce de flottement, de déracinement constant, à bien des égards destructeur. C'est donc une gymnastique très particulière que de vivre aux États-Unis, d'y travailler, de s'y projeter, tout en restant attentive à ce qui se passe chez soi. Et lorsque le chez soi est double l'équation se complique d'un cran, mais je vous assure qu'elle reste passionnante à résoudre.
C'est ainsi que je connais au détail prêt les articles de la nouvelle constitution tunisienne, les débats actuels sur les prochaines échéances électorales, les forces en présence, les espoirs de mes amis tunisiens et aussi leurs peurs. C'est ainsi que j'ai suivi avec abattement et inquiétude mêlés, les dernières élections en Algérie, que j'attends avec mes proches que les choses changent qu'on amorce en douceur un début de transition démocratique. Que de véritables réformes se mettent en place. Vœux pieux diront certains, mais on ne lâche rien. J'ai écrit dans un précédant billet que la Révolution tunisienne doit obliger au recul et à l'espoir. L'Algérie peut nous surprendre, comme la Tunisie nous a bouleversés.
À suivre...
Avoir deux nationalités c'est donc se sentir chez soi dans deux pays. C'est aimer tout autant deux patries. Il y a évidemment l'aisance irremplaçable du pays natal, une connaissance plus intime de la langue, c'est à Alger que j'ai grandi et la balance penche donc sensiblement de ce côté. Mais, jamais je ne me sens étrangère en Tunisie.
J'y suis chez moi aussi, même si je dis Mohammed Cinq au lieu de Mohammed el Khames, même si parfois je suis un peu trop directe avec mes interlocuteurs, si au milieu d'une conversation animée je demande la signification d'un mot pourtant usuel, même si je ne connais pas les paroles de toutes les chansons populaires. Je tiens ici à ajouter quitte à dévoiler mes convictions "maghrébistes" et le but caché de cette série de billets sur la Tunisie et l'Algérie - que lors d'un bref séjour au Maroc, j'ai eu une sensation similaire de familiarité. Ce n'était ni l'Algérie, ni la Tunisie, mais je m'y sentais bien.
Quels que soient les tensions réelles ou factices, actuelles ou passées entre les deux États, je peux vous assurer qu'aucun serveur, aucun passager de taxi collectif, aucun compagnon de voyage ne m'a signifié que je n'étais pas d'une certaine manière chez moi.
Et puisque l'une des compétitions les plus importantes du monde du sport a débuté il y a quelques jours, faut-il rappeler que Tunis se prépare à célébrer l'Algérie, que des maillots de l'équipe nationale algérienne se vendent et qu'en cas de victoire contre la Belgique ce mardi (victoire largement pronostiquée à Alger) les rues de Tunisie danseront et chanteront aux rythmes des klaxons et des one two three.
J'aime à imaginer qu'il en sera de même à Rabat et Casa.
Et moi me demande-t-on souvent, comment est-ce que je vis un match pendant lequel mes deux pays s'affrontent? Je dois avouer que je débute généralement la partie dans une sorte de neutralité bienveillante pour les deux équipes. Mais en réalité, je n'ai pas le souvenir que le cas se soit présenté si souvent, et si je ne me trompe pas, le dernier match en date a eu lieu lors de la coupe d'Afrique des nations et je crois bien avoir un peu plus vibré pour la Tunisie. Mon nationalisme tunisien était certainement un peu plus à fleur de peau, souffle révolutionnaire oblige depuis le 14 janvier 2011.
Une double équation passionnante à résoudre
Car il en va ainsi des exilés et des expatriés. On ne peut décider de vivre ailleurs -dans mon cas en Amérique depuis maintenant un an- sans s'efforcer de s'installer complètement dans le pays d'accueil, sans en suivre l'actualité, y faire des projets, voire même supporter sa fougueuse équipe de football lors de ce mondial (USA! USA!). On ne peut vivre le regard constamment tourné vers le pays d'origine et oublier de vivre au présent. Cela serait se condamner à une espèce de flottement, de déracinement constant, à bien des égards destructeur. C'est donc une gymnastique très particulière que de vivre aux États-Unis, d'y travailler, de s'y projeter, tout en restant attentive à ce qui se passe chez soi. Et lorsque le chez soi est double l'équation se complique d'un cran, mais je vous assure qu'elle reste passionnante à résoudre.
C'est ainsi que je connais au détail prêt les articles de la nouvelle constitution tunisienne, les débats actuels sur les prochaines échéances électorales, les forces en présence, les espoirs de mes amis tunisiens et aussi leurs peurs. C'est ainsi que j'ai suivi avec abattement et inquiétude mêlés, les dernières élections en Algérie, que j'attends avec mes proches que les choses changent qu'on amorce en douceur un début de transition démocratique. Que de véritables réformes se mettent en place. Vœux pieux diront certains, mais on ne lâche rien. J'ai écrit dans un précédant billet que la Révolution tunisienne doit obliger au recul et à l'espoir. L'Algérie peut nous surprendre, comme la Tunisie nous a bouleversés.
À suivre...