- Première partie: L'islam n'est pas homophobe
- Deuxième partie: Islam: Origine de la condamnation morale de l'homosexualité
L'homosexualité dans la Tradition du prophète
Les dires du prophète ont connu par mal de confusion et d'embrouillement au point d'amener les musulmans à entourer leurs sources d'un maximum d'enquêtes et d'informations pour en assurer l'authenticité tant dans le contenu que dans la chaîne des transmetteurs. Ce fut une véritable œuvre de titan qui a permis de distinguer la tradition en dits sûrs, bons ou faibles; chacun ayant ses spécifications, les deux premiers types étant à haut degré d'exactitude, absolue dans le dit sûr et d'un degré moindre dans le dit bon, sans que l'authenticité des deux ne soit en cause.(1)
Outre cette classification en types de la Tradition ou Sunna, les premiers musulmans qui la réunirent en recueils veillèrent également à en distinguer six considérés comme les plus authentiques. Puis, parmi ces derniers, ils discernèrent deux qu'ils estimèrent comme étant les plus authentiques de tous; ce sont les recueils authentiques de Boukhari et de Mouslem. Bien mieux, poussant au plus loin l'esprit scientifique d'enquête et l'honnêteté intellectuelle, ils caractérisèrent les hadiths qu'on retrouve dans ces deux Sahihs (Authentiques) en les qualifiant comme faisant l'objet d'accord chez les deux grands compilateurs. À n'en pas douter, cela magnifie à quel point avait atteint l'attachement de nos ancêtres à la véracité de la Tradition comme référence absolue en recherchant sa présence dans leurs deux plus authentiques recueils.
Par conséquent, les musulmans ont considéré comme pratiquement du Coran révélé la tradition authentique qui figure parmi celles retenues par les deux grands compilateurs Boukhari et Mouslem, et se retrouvant simultanément dans les deux recueils; nul doute ne peut donc l'entacher. Par contre, la tradition qui ne fait pas partie des dits recueils ne saurait prétendre au même statut, même si elle peut se retrouver dans l'un des autres recueils ou même dans tous les quatre; sa valeur demeure irrémédiablement moindre.
Quelle est donc la valeur des dires rapportés de notre noble prophète en matière d'homosexualité? À n'en point douter, elle est bien éloignée du type catégorique des dires dont on a parlé, car toutes les traditions citées et se rapportant à notre sujet ne sont présentes ni dans Boukhari ni dans chez Mouslem.
Certes, on en trouve certaines chez l'un des six autres, mais sa véracité reste sujette à caution même si l'on en dit qu'elle est conforme dans sa recension aux conditions exigées par Mouslem et Boukhari. Elle reste, malgré son intérêt, un degré plus bas en valeur que les traditions ayant fait le consensus de nos deux grands compilateurs.
Alors, se pose inévitablement la question suivante: comment se fait-il que ce qu'on a considéré comme la plus grave des turpitudes ne fasse pas l'objet d'au moins une seule des traditions présentes chez les deux plus grands compilateurs ou, pour le moins, dans l'un des deux recueils les plus authentiques? Ne serait-ce pas la preuve de l'incohérence de l'argumentation de ceux qui prétendent l'existence d'une tradition prophétique en la matière?
De plus, nous savons que la Sunna est en principe venue pour confirmer le Coran et l'expliciter et non pour le contredire; aussi est-il surprenant de ne pas trouver de tradition se rapportant à un sujet que le Coran n'a traité ni d'une manière explicite ni implicite ainsi que nous l'avons vu? Pareillement, est pas étrange de lire chez Ibn Qaym Al Jawziya ce qui suit dans Zad alMia'ad : " Il n'est pas prouvé que le prophète, paix et salut de Dieu sur lui, ait décidé quoi que ce soit en matière d'homosexualité, car cela n'était pas connu chez les Arabes et il n'y a a pas eu das à lui soumis, paix et salut de Dieu sur lui"?(2)
Passons en revue les principaux dires du prophète que citent ceux qui prétendent que l'homosexualité est prohibée en islam afin de préciser qu'il n'existe, parmi cette Tradition ainsi inventoriée, aucun hadith possédant la caractéristique de la parfaite authenticité. Ils sont tous cités par Hakim (d'après Bourayda), par Ibn Maja (d'après Ibn Omar), par Albani (d'après Ibn Abbès), par Tirmidhi (d'après Ibn Abbès) et authentifié par Albani (d'après Ibn Abbès), par Tirmidhi et Ibn Maja et authentifié par Albani (d'après Jabir), par Ahmed et Ibn Maja et authentifié par Albani (d'après Ibn Abbès) et par Tirmidhi, Abou Daoud et Ibn Maja, authentifié par Albani (d'après Ibn Abbès).
Ainsi que nous le voyons, bien que l'homosexualité soit considérée comme une faute grave, un péché capital parmi les péchés mortels proscrits par Dieu, nous ne trouvons aucun hadith du prophète parmi ceux ayant fait consensus chez les deux grandes références en la matière: on n'en trouve même pas dans l'une seule des deux recensions les plus authentiques.
Si pareille absence pouvait ne pas prêter à conséquence en un temps où toute l'humanité, quelle que fût sa religion ou ses affinités, estimait que l'homosexualité était une turpitude, il ne peut en aller de même aujourd'hui au nom des principes mêmes de la religion qui appelle à l'honnêteté et à la justice. Les choses ont évolué depuis ce temps-là, surtout sur le plan de la science, amenant à une compréhension plus juste de ce phénomène, le sortant du strict cadre moral hérité de nos ancêtres.
Désormais, on ne peut plus réduire l'homosexualité à une simple opération de satisfaction d'un besoin sexuel ni à une régression du pur instinct naturel chez l'homme tel que l'aurait créé Dieu; car, justement, c'est bien ainsi qu'il a fait certaines de ses créatures. Aussi, contrarier leur nature telle qu'elle est en eux sans leur volonté, juste du fait de celle de Dieu, c'est violer les lois et les prescriptions divines en inventant l'illicite là où il ne peut point exister. Dans le même temps, c'est se révolter contre le créateur suprême par la contestation de ce qu'il a voulu chez certaines de ses créatures et la contravention de ses interdits en agressant en son nom des innocents.
Notes
- Il n'est pas inutile de rappeler ici le consensus des jurisconsultes sur l'existence d'un certain nombre de dires prophétiques n'emportant pas une totale adhésion de leur exactitude. Cela n'est pas pour étonner puisque les traditions considérées unanimement comme authentiques sont au nombre de six mille au maximum alors que le nombre total des dires consignés est au minimum de six cent mille.
- Ibn Qaym Al Jawziya ajoute toutefois concernant le prophète "mais il est prouvé qu'il a dit : "vous tuerez l'acteur et le sujet"; et Abou Bakr, le véridique, que Dieu l'agrée, s'y est appuyé dans un jugement adressé à Khalid Ibn Al Walid après consultation des Compagnons. Parmi eux, Ali était le plus sévère sur la question. Toujours est-il qu'il y a eu consensus des Compagnons sur la mise à mort, même s'ils se sont divisés sur la manière d'une telle mise à mort". Nous verrons jusqu'à quel point est avéré ledit dire du prophète.