L'homosexualité aujourd'hui dans le monde
Si la croyance dominante de nos jours encore parmi nos croyants est que l'homosexualité est un péché capital, c'est qu'on croit à tort qu'elle l'est ainsi dans le Coran et la Sunna; or, nous venons de démontrer qu'il n'est nulle trace de tel péché dans le Livre de Dieu et la Tradition de son prophète. Aussi, force est de conclure que le consensus sur la question est le pur produit de la doctrine et de l'effort jurisprudentiel des jurisconsultes.
Indubitablement, cet effort fut judicieux à une époque où l'homosexualité était considérée comme un péché pour des raisons bien objectives. Toutefois, comme ces raisons ont été par la suite scientifiquement démenties, les visées de la Loi religieuse commandent donc de produire l'effort en vue de revoir la question de la licéité ou de l'illicéité de l'homosexualité.
Nous considérons qu'il s'agit d'un sujet relevant des affaires privatives dans la vie de l'homme, en plus d'être de ces instincts marquant la nature humaine; aussi il n'est pas possible de le traiter en termes de licéité ou d'illicéité de chose publique étant dans la sphère de la vie privée.
Aussi, pour peu que l'on souhaite être objectif, on ne peut plus aujourd'hui ignorer ce que dit la science en matière d'inclination sexuelle au semblable et admis par la majorité des pays les plus développés scientifiquement. Ma conviction étant que l'islam est une religion de science, cela nous impose donc de nous ouvrir à tout ce qu'exigent la science et l'esprit scientifique, même s'il s'avère contredire nos penchants ou susciter en nous de la répugnance.(1)
Tout ce qui est dans la nature généralement, et plus particulièrement dans la nature humaine, ne correspond pas nécessairement à nos tendances ni ne cadre avec nos convictions. Or, lorsqu'on veille véritablement à l'objectivité, la plus impérative des actions est de tenir compte de l'avis scientifique dominant et de respecter notre prochain dans son adéquation avec ses implications et son droit à cela.
L'opinion savante dominante aujourd'hui, ou du moins ce que certifient nombre de chercheurs dans le domaine sexuel ou du genre, insiste sur la vérité suivante, à savoir que l'être vivant, y compris l'humain, naît avec un instinct d'homothétie sexuelle. Ce qui veut dire que l'homme -- et c'est lui qui nous intéresse en premier lieu ici -- vient au monde avec des penchants bisexuels comprenant le désir de l'autre, au sexe opposé, mais aussi un désir de l'autre du même sexe. L'évolution vers le type majoritaire d'inclination vers le sexe différent n'est que le résultat de l'initiation, de l'éducation et de la morale dominante dans la société à laquelle on appartient. En effet, sans pareille mise en condition culturelle, il n'est pas impossible -- et il est peut-être même certain -- que notre rapport avec le sexe reste ainsi qu'il était à la naissance, c'est-à-dire sans distinction d'un sexe précis dans notre relation avec lui en son apparence intime et sexuelle.
Tel était d'ailleurs l'état des sociétés primitives, et je n'emploie pas ici ce terme dans son acception morale, plutôt dans son sens premier, c'est-à-dire celui de sociétés proches de l'instinct ou dont les membres sont restés fidèles à leur instinct. Ce fut, par exemple, la situation de la société grecque; et ce fut également le cas du mode de vue de la société arabe antéislamique.
Indubitablement, l'époque préislamique(2) n'était pas celle de la décadence des moeurs dans sa totalité, car l'islam en a extrait le meilleur, comme le sens de l'honneur ou la grandeur d'âme et la noblesse de coeur. C'est qu'on a bien retrouvé en islam, et qui existait avant sa révélation.(3) La vision islamique équilibrée du sexe n'était que le prolongement de pareille saine disposition naturelle avant qu'elle ne fut viciée par les croyances héritées de la tradition judéo-chrétienne.
Si nous entendons aujourd'hui nous attacher à notre vraie foi, il nous est inévitable de revenir à ce qui fut de sa part et par anticipation(4) une conformité scientifique à l'ordre de la nature des choses en n'incriminant plus ce qui relève de la nature humaine. Cela suppose donc que l'on considère l'homosexualité ou ce que je qualifie d'homosensualité un droit naturel imposé par les droits de l'Homme. Et l'on ne doit pas s'y opposer par une sanction ,qu'elle soit un châtiment ou une admonestation, tant que sa pratique se fait dans le strict cadre personnel, c'est-à-dire dans les limites de ce que l'islam a consacré de l'intimité de l'enceinte de la vie privée.
Nous renchérissons en disant que le vrai musulman aujourd'hui est celui qui osera dire que l'homosensualité ou l'homosexualité relève des actes libres du croyant, lesquels ne sont commandés que par la conscience individuelle, et il n'est en relation à son propos qu'avec son Dieu. Et cette liberté est ainsi dans toutes ses manifestations, que nous la considérions dans la pratique du sexe comme relevant de la nature, du désir ou de la volonté propre.
C'est ainsi et ainsi seulement que nous serons fidèles à l'esprit de notre religion qui est à orientation scientifique et à vocation universelle; nous servirons aussi la morale authentique qu'on n'impose pas par la force, mais qui est le produit de la conviction.
Ceci du point de vue général de la science. S'agissant de celui de la sociologie, il est nécessaire de souligner que la situation est la même, d'autant plus que la vérité scientifique attestée aujourd'hui, particulièrement après les travaux du penseur français Michel Foucault, ne permet plus le moindre doute sur le fait que "la plupart des types de catégories sexuelles les plus pénétrantes ne sont que des produits ou des constructions sociales". Ce qui veut dire que l'homosexualité est le pur produit de la société et que la vision que l'on s'en fait varie avec les sociétés et les cultures dans leur évolution.(5)
Notes
- Il n'est pas sans intérêt de rappeler ici que l'idée scientifique répandue depuis les travaux de Sigmund Freud est que l'homosexualité fait partie des maladies psychiatriques, puisque ce savant a considéré l'homosexualité comme étant "un arrêt de l'évolution sexuelle". Or, cette conception ne fait plus partie des postulats scientifiques; elle est même totalement rejetée de nos jours. À noter, par ailleurs, que l'Organisation Mondiale de la Santé n'a décidé d'enlever l'homosensualité ou homosexualité de sa liste des maladies psychiques que récemment (en 1990).
- Jawad Ali assure ainsi ce qui suit : "L'inversion sexuelle est bien connue chez les préislamiques tout comme dans toutes les nations depuis la nuit des temps; aussi n'est-il pas sensé d'en exclure les préislamiques. On pourrait citer, pour preuve, la prohibition et la mise en garde contre une telle pratique dans le Coran et la Sunna. De l'inversion sexuelle fait partie ce qui en est connu de la relation intime entre deux hommes et leur accouplement ou le rapport sexuel entre deux femmes. On y inclut aussi la sodomie de la femme par l'homme ainsi que c'était le cas chez les gens de La Mecque". Cf . son histoire des Arabes avant l'islam, en arabe, p. 142.
- S'agissant de l'islam, le cheikh Keshk note dans son ouvrage : "Les efféminés existaient et étaient bien connus dans l'antéislam. Ils continuèrent d'exister un moment durant le temps de l'Envoyé de Dieu à Médine. Ils pouvaient entrer chez les femmes et officiaient comme entremetteurs... On n'en parle plus après, durant les temps inauguraux de l'État de l'islam avant qu'ils ne réapparaissent lors de la première dynastie islamique en tant qu'artistes ou chanteurs, ainsi que nous le voyons de nos temps en Occident. Le premier chanteur fut Toways qui était efféminé, portant des bijoux aux bras et un voile brillant tout en jouant du tambourin." Il suffit de revenir aux Cantilènes (Al Aghani) pour découvrir nombre d'anecdotes croustillantes à ce sujet durant diverses périodes islamiques semblables à ce qui était du temps de l'antéislam.
- Je qualifie cette modernité avant la lettre par le néologisme de Rétromodernité.
- On peut lire, à ce sujet, l'article de John Thorp traduit par Liwa Yaazji : "Construction sociale de l'homosensualité" sur le site Al Awan (Pour une culture rationaliste séculariste des Lumières), du samedi 3 octobre 2009.