"Tu sais, tu n'es pas obligé", m'a dit ma femme. Toutes nos affaires de plage étaient installées. Sienna s'amusait déjà dans le sable. C'était le moment pour moi de prendre une grande respiration.
"Je DOIS le faire", lui ai-je répondu, en regardant dans toutes les directions sauf vers elle et notre fille. Si j'avais été opéré deux fois pour corriger ma gynécomastie (développement anormal des glandes mammaires chez l'homme), ce n'était pas pour me dégonfler au dernier moment. J'ai respiré un grand coup et enlevé mon tee-shirt. J'avais fait exprès de mettre celui qui affiche Breaking Bad en pensant que je vivrais ainsi mon heure "Heisenberg". Je sais bien que Walter White n'est pas forcément le personnage que l'on se doit d'imiter, mais j'y voyais plutôt une opportunité d'avoir le contrôle, de me débarrasser de cette sale mentalité de défaitiste, par le simple fait de retirer mon tee-shirt.
J'ai grandi comme un garçon apparemment normal, un peu joufflu, qui à l'âge de 11 ans s'est retrouvé avec une poitrine de poupée gonflable à moitié dégonflée, des seins affaissés dont un visiblement plus gros que l'autre, des mamelons énormes. Pendant les 18 ans qui ont suivi, je n'ai porté que des vêtements sombres, trop grands pour moi. Je marchais voûté en étirant le haut de mon tee-shirt avec les pouces pour atténuer mes formes, me servant de tout et de n'importe quoi (oreiller, carnet de notes, veste enroulée) comme bouclier pour me protéger des regards supposément indiscrets.
Je vivais dans une honte constante, sans cesse préoccupé par mon corps
"Est-ce qu'on me regarde?" demandai-je angoissé à ma femme.
"Personne! Tout le monde s'en fout!"
"Je suis encore trop gros" dis-je. J'observais mes voisins de plage, ne m'attardant consciencieusement et systématiquement que sur ceux qui semblaient être nés dans une salle de gym ou y passer leur vie.
"Mais non, tu n'es pas gros du tout. Regarde le gars à côté de toi; il est deux fois plus gros. Tout va bien. Tu es très bien. Allez, je vais te mettre de la crème solaire."
Depuis plus de 28 ans, tout mon corps était prisonnier de ma gynécomastie, cible de tous les sarcasmes, de ce gamin qui signalait aux autres que je tirais sur le col de mon tee-shirt comme un robot chaque fois que je sortais de la maison. Il le faisait pour que tout le monde se moque de moi au moment de monter dans le bus de l'école. Plus de 28 ans à subir ce genre de scène, à cacher comme je pouvais mes imperfections et à me haïr.
Je n'avais enfin plus besoin de me cacher.
Je ne cessai de répéter à voix haute que personne ne me regardait. J'essayai de me tenir droit, exercice difficile et fatiguant pour mes épaules, habituées à être voûtées pendant des années. Nous avons pris Sienna par la main et avons marché vers l'eau pour qu'elle sente les vagues glisser et s'enrouler autour de ses pieds pour la première fois. Elle était au paradis!
"Fais-le pour elle. Fais-le pour elle. Personne ne te regarde. C'est pour elle que tu le fais".
Pendant que ma femme tenait Sienna, j'avançais prudemment dans l'eau. Elle était froide, mais pas glaciale. J'ai jeté un coup d'œil en arrière et puis j'ai plongé. J'ai nagé un peu et regardé de nouveau derrière moi. Sienna ne me lâchait pas des yeux. Ma femme lui répétait: "Regarde Papa!" Je suis retourné vers elles, puis nous sommes revenus tous les trois sur la plage. Sienna s'est jetée sur son seau et sa pelle. Je ne savais plus que faire de moi. Ma femme m'a dit que je n'avais qu'à m'allonger et me détendre.
"Détends-toi!" me suis-je ordonné. "Personne ne te regarde!" Mais ce n'était pas si facile. J'ai empêché mes bras de se croiser sur ma poitrine. Je me suis allongé au soleil. Sienna jouait dans le sable sous le regard attentif de ma femme.
Nous sommes restés quelques heures sur la plage avant de nous rendre compte que c'était l'heure de manger pour Sienna et de retourner à la maison pour sa sieste. Nous avons remballé nos affaires et sommes repartis vers le trottoir. Ma femme a débarrassé Sienna de sa couche de plage et l'a lavée dans la douche. Je les regardais en me demandant quel effet ça faisait de ne plus ressentir de honte. Je m'inquiétais pour Sienna. Pour rien au monde je ne voudrais qu'elle connaisse ce sentiment horrible, même si je sais très bien que je ne pourrai pas toujours le lui éviter. D'autres enfants un jour se moqueront d'elle ou la harcèleront, mais moi jamais. C'est moi qui la réconforterai et lui dirai qu'elle est belle, et si jamais il devait lui arriver quelque chose de pénible (comme ma gynécomastie), je ferai en sorte que ce soit réglé rapidement.
Nous avons mangé et sommes repartis vers la maison. Sienna s'est endormie dans la voiture. Ma femme m'a dit à quel point elle était fière de moi. Elle a posé sa main sur ma cuisse. J'ai commencé à trembler dès que nous sommes arrivés. Ma femme m'a envoyé me coucher et a mis Sienna au lit pour sa sieste. Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé entre ce moment et mon effondrement - pas une simple attaque de panique mais un véritable effondrement.
Larmes, tremblements, bégaiement
Je m'accrochai à ma femme qui me retenait dans ses bras, me disant qu'elle était fière, que j'étais courageux, que ce que je venais de faire était énorme, que j'aurais été incapable un an plus tôt de conduire jusqu'à la plage, de consacrer la journée à Sienna et de retourner à la maison sans renoncer. C'était comme si je voyais mon corps tremblant avec une autre vision, essayant de comprendre pourquoi je hurlais et je tremblais.
À un moment je me suis mis à répéter: "Mon père me disait que j'étais aussi énorme qu'une maison!" et je pleurais encore plus fort. Je ne sais plus vraiment quand il a réellement dit ça. J'ai dû l'enfouir dans ma mémoire, mais je sais qu'en grandissant je voyais mon père afficher son intolérance et son cynisme envers les personnes en surpoids; ma mère et moi nous penchions du mauvais côté. Ce n'était qu'un des aspects de la personnalité de mon père qui faisait preuve parfois d'un sarcasme et d'une dureté féroces.
Il n'est plus comme ça. Il faut absolument que ça se sache: mon père a totalement changé et nous avons maintenant tous les deux une excellente relation. Je l'aime. Je pense que c'est un père et un grand-père merveilleux. J'ai autant confiance en lui qu'en toute autre personne. Je sais qu'il ne me fera jamais de mal et qu'il regrette ce qui s'est passé dans mon enfance. Je m'adresse ici à tous les membres de ma famille qui liront ces lignes: sachez que j'ai pardonné depuis longtemps à mon père, mais que le petit garçon au fond de moi est encore blessé et que les souvenirs enfouis remontent à la surface. C'est pourquoi je continue à suivre ma thérapie et à prendre des médicaments. Je le répète: j'aime mon père. Ce N'EST PLUS la même personne.
Il m'a fallu 10 ans après avoir été opéré pour être capable d'aller à la plage et d'enlever mon tee-shirt parce que je me vois encore avec ces seins pourtant disparus et que je sens encore ces regards. Quand j'ai été opéré pour la première fois à 29 ans (18 ans après l'apparition de mon problème) et que ma poitrine ne m'a plus fait souffrir, j'ai retrouvé peu à peu confiance en moi, jusqu'à à atteindre des sommets qui m'ont permis de tomber amoureux d'une femme magnifique qui allait devenir un jour mon épouse et la mère de notre superbe fille.
Mais ma joie a été de courte durée. En 2010, j'ai souffert d'une grave dépression nerveuse qui s'est manifestée par des mois de bégaiement, de tremblements, d'hyperventilation, d'un tic du visage et de grandes crises de larmes. Même si je suivais une thérapie et prenais des antidépresseurs pendant des années, je n'ai jamais vraiment fait la paix avec mon passé. Mon thérapeute et moi avons compris que c'est ma gynécomastie qui a joué le rôle le plus important dans mon anxiété permanente et ma dépression clinique.
Ma famille, les camarades d'école et mon corps me trahissaient, mais c'est ce dernier qui m'a emprisonné durant la période la plus vulnérable de ma vie, l'adolescence, moment crucial où chacun développe son identité. J'étais devenu "Le garçon avec des seins" et cette étiquette auto-infligée m'est restée collée en permanence. C'est une expérience douloureuse, mais gratifiante, pour moi d'analyser les répercussions que cela a eu sur mon psychisme et ma propre estime. Mes parents m'ont accompagné plusieurs fois à mes séances de thérapie, me permettant d'exprimer ainsi directement ma colère envers leur ignorance. Ma mère, selon mes pédiatres, disait qu'elle avait ignoré le problème pour qu'il disparaisse et s'était sentie coupable pendant des années. Mon père avait les larmes aux yeux.
Ma femme m'a dit que la crise du retour de la plage avait duré environ une heure. Je m'en suis voulu de ne pas l'aider à faire manger Sienna mais elle m'a répondu que nous formions une équipe et qu'elle s'occupait de tout. Épuisé mentalement, je me suis endormi. Je devais aller au cinéma ce soir-là, mais le copain qui devait venir avec moi s'est désisté. Quand je me suis réveillé j'ai décidé d'y aller quand même. Il fallait que je sorte. Un an plus tôt j'en aurais été incapable, je serais resté au lit pendant des jours entiers. Je reconnais ces choses-là mais je ne les ressens pas. C'est quelque chose qui me reste à résoudre. Mon thérapeute me dit toujours que mes sensations sont irrationnelles et injustifiées.
Voilà ce qu'est le traumatisme d'une gynécomastie. Selon kidshealth, la moitié des garçons qui arrivent à la puberté en souffrent et le problème se corrige presque toujours de lui-même, mais si cela ne s'arrange pas, comme dans mon cas, les conséquences sont désastreuses, peuvent entraîner une dépression clinique, des troubles d'anxiété et parfois pousser au suicide.
Je souffre encore de dépression et d'anxiété
Plusieurs facteurs sont à l'origine de la gynécomastie, par exemple l'obésité, l'abus de stéroïdes et les dérèglements chromosomiques comme le syndrome de Kinefelter. Dans mon cas, c'est un déséquilibre hormonal à la puberté qui en est la cause. La chirurgie demeure le meilleur "remède" (l'American Society for Aesthetic Plastic Surgery a signalé une augmentation de 103,6% des chirurgies pour le traitement d'une gynécomastie entre 1997 et 2012), mais peu de personnes peuvent s'offrir une opération, non assurée en général, à un coût qui varie entre 3000 et 5000 dollars.
Les parents de jeunes garçons doivent surveiller les signes probants du problème: épaules voûtés, vêtements trop larges, refus d'enlever son tee-shirt, refus de participer à des activités sportives ou à tout ce qui demande de bouger, poitrine constamment cachée derrière un objet quelconque. Vous devez en parler avec vos enfants. Sachez que pour le bien-être de votre enfant, la gynécomastie peut et doit être corrigée. Donnez-leur tout votre amour et votre compréhension, car si le problème est détecté et soigné de bonne heure, vous épargnerez à votre enfant des années de harcèlement et d'angoisse mentale, une dépression clinique et des troubles d'anxiété.
Vous leur éviterez une journée de cauchemar à la plage!
"Je DOIS le faire", lui ai-je répondu, en regardant dans toutes les directions sauf vers elle et notre fille. Si j'avais été opéré deux fois pour corriger ma gynécomastie (développement anormal des glandes mammaires chez l'homme), ce n'était pas pour me dégonfler au dernier moment. J'ai respiré un grand coup et enlevé mon tee-shirt. J'avais fait exprès de mettre celui qui affiche Breaking Bad en pensant que je vivrais ainsi mon heure "Heisenberg". Je sais bien que Walter White n'est pas forcément le personnage que l'on se doit d'imiter, mais j'y voyais plutôt une opportunité d'avoir le contrôle, de me débarrasser de cette sale mentalité de défaitiste, par le simple fait de retirer mon tee-shirt.
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J'ai grandi comme un garçon apparemment normal, un peu joufflu, qui à l'âge de 11 ans s'est retrouvé avec une poitrine de poupée gonflable à moitié dégonflée, des seins affaissés dont un visiblement plus gros que l'autre, des mamelons énormes. Pendant les 18 ans qui ont suivi, je n'ai porté que des vêtements sombres, trop grands pour moi. Je marchais voûté en étirant le haut de mon tee-shirt avec les pouces pour atténuer mes formes, me servant de tout et de n'importe quoi (oreiller, carnet de notes, veste enroulée) comme bouclier pour me protéger des regards supposément indiscrets.
Je vivais dans une honte constante, sans cesse préoccupé par mon corps
"Est-ce qu'on me regarde?" demandai-je angoissé à ma femme.
"Personne! Tout le monde s'en fout!"
"Je suis encore trop gros" dis-je. J'observais mes voisins de plage, ne m'attardant consciencieusement et systématiquement que sur ceux qui semblaient être nés dans une salle de gym ou y passer leur vie.
"Mais non, tu n'es pas gros du tout. Regarde le gars à côté de toi; il est deux fois plus gros. Tout va bien. Tu es très bien. Allez, je vais te mettre de la crème solaire."
Depuis plus de 28 ans, tout mon corps était prisonnier de ma gynécomastie, cible de tous les sarcasmes, de ce gamin qui signalait aux autres que je tirais sur le col de mon tee-shirt comme un robot chaque fois que je sortais de la maison. Il le faisait pour que tout le monde se moque de moi au moment de monter dans le bus de l'école. Plus de 28 ans à subir ce genre de scène, à cacher comme je pouvais mes imperfections et à me haïr.
Je n'avais enfin plus besoin de me cacher.
Je ne cessai de répéter à voix haute que personne ne me regardait. J'essayai de me tenir droit, exercice difficile et fatiguant pour mes épaules, habituées à être voûtées pendant des années. Nous avons pris Sienna par la main et avons marché vers l'eau pour qu'elle sente les vagues glisser et s'enrouler autour de ses pieds pour la première fois. Elle était au paradis!
"Fais-le pour elle. Fais-le pour elle. Personne ne te regarde. C'est pour elle que tu le fais".
Pendant que ma femme tenait Sienna, j'avançais prudemment dans l'eau. Elle était froide, mais pas glaciale. J'ai jeté un coup d'œil en arrière et puis j'ai plongé. J'ai nagé un peu et regardé de nouveau derrière moi. Sienna ne me lâchait pas des yeux. Ma femme lui répétait: "Regarde Papa!" Je suis retourné vers elles, puis nous sommes revenus tous les trois sur la plage. Sienna s'est jetée sur son seau et sa pelle. Je ne savais plus que faire de moi. Ma femme m'a dit que je n'avais qu'à m'allonger et me détendre.
"Détends-toi!" me suis-je ordonné. "Personne ne te regarde!" Mais ce n'était pas si facile. J'ai empêché mes bras de se croiser sur ma poitrine. Je me suis allongé au soleil. Sienna jouait dans le sable sous le regard attentif de ma femme.
Nous sommes restés quelques heures sur la plage avant de nous rendre compte que c'était l'heure de manger pour Sienna et de retourner à la maison pour sa sieste. Nous avons remballé nos affaires et sommes repartis vers le trottoir. Ma femme a débarrassé Sienna de sa couche de plage et l'a lavée dans la douche. Je les regardais en me demandant quel effet ça faisait de ne plus ressentir de honte. Je m'inquiétais pour Sienna. Pour rien au monde je ne voudrais qu'elle connaisse ce sentiment horrible, même si je sais très bien que je ne pourrai pas toujours le lui éviter. D'autres enfants un jour se moqueront d'elle ou la harcèleront, mais moi jamais. C'est moi qui la réconforterai et lui dirai qu'elle est belle, et si jamais il devait lui arriver quelque chose de pénible (comme ma gynécomastie), je ferai en sorte que ce soit réglé rapidement.
Nous avons mangé et sommes repartis vers la maison. Sienna s'est endormie dans la voiture. Ma femme m'a dit à quel point elle était fière de moi. Elle a posé sa main sur ma cuisse. J'ai commencé à trembler dès que nous sommes arrivés. Ma femme m'a envoyé me coucher et a mis Sienna au lit pour sa sieste. Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé entre ce moment et mon effondrement - pas une simple attaque de panique mais un véritable effondrement.
Larmes, tremblements, bégaiement
Je m'accrochai à ma femme qui me retenait dans ses bras, me disant qu'elle était fière, que j'étais courageux, que ce que je venais de faire était énorme, que j'aurais été incapable un an plus tôt de conduire jusqu'à la plage, de consacrer la journée à Sienna et de retourner à la maison sans renoncer. C'était comme si je voyais mon corps tremblant avec une autre vision, essayant de comprendre pourquoi je hurlais et je tremblais.
À un moment je me suis mis à répéter: "Mon père me disait que j'étais aussi énorme qu'une maison!" et je pleurais encore plus fort. Je ne sais plus vraiment quand il a réellement dit ça. J'ai dû l'enfouir dans ma mémoire, mais je sais qu'en grandissant je voyais mon père afficher son intolérance et son cynisme envers les personnes en surpoids; ma mère et moi nous penchions du mauvais côté. Ce n'était qu'un des aspects de la personnalité de mon père qui faisait preuve parfois d'un sarcasme et d'une dureté féroces.
Il n'est plus comme ça. Il faut absolument que ça se sache: mon père a totalement changé et nous avons maintenant tous les deux une excellente relation. Je l'aime. Je pense que c'est un père et un grand-père merveilleux. J'ai autant confiance en lui qu'en toute autre personne. Je sais qu'il ne me fera jamais de mal et qu'il regrette ce qui s'est passé dans mon enfance. Je m'adresse ici à tous les membres de ma famille qui liront ces lignes: sachez que j'ai pardonné depuis longtemps à mon père, mais que le petit garçon au fond de moi est encore blessé et que les souvenirs enfouis remontent à la surface. C'est pourquoi je continue à suivre ma thérapie et à prendre des médicaments. Je le répète: j'aime mon père. Ce N'EST PLUS la même personne.
Il m'a fallu 10 ans après avoir été opéré pour être capable d'aller à la plage et d'enlever mon tee-shirt parce que je me vois encore avec ces seins pourtant disparus et que je sens encore ces regards. Quand j'ai été opéré pour la première fois à 29 ans (18 ans après l'apparition de mon problème) et que ma poitrine ne m'a plus fait souffrir, j'ai retrouvé peu à peu confiance en moi, jusqu'à à atteindre des sommets qui m'ont permis de tomber amoureux d'une femme magnifique qui allait devenir un jour mon épouse et la mère de notre superbe fille.
Mais ma joie a été de courte durée. En 2010, j'ai souffert d'une grave dépression nerveuse qui s'est manifestée par des mois de bégaiement, de tremblements, d'hyperventilation, d'un tic du visage et de grandes crises de larmes. Même si je suivais une thérapie et prenais des antidépresseurs pendant des années, je n'ai jamais vraiment fait la paix avec mon passé. Mon thérapeute et moi avons compris que c'est ma gynécomastie qui a joué le rôle le plus important dans mon anxiété permanente et ma dépression clinique.
Ma famille, les camarades d'école et mon corps me trahissaient, mais c'est ce dernier qui m'a emprisonné durant la période la plus vulnérable de ma vie, l'adolescence, moment crucial où chacun développe son identité. J'étais devenu "Le garçon avec des seins" et cette étiquette auto-infligée m'est restée collée en permanence. C'est une expérience douloureuse, mais gratifiante, pour moi d'analyser les répercussions que cela a eu sur mon psychisme et ma propre estime. Mes parents m'ont accompagné plusieurs fois à mes séances de thérapie, me permettant d'exprimer ainsi directement ma colère envers leur ignorance. Ma mère, selon mes pédiatres, disait qu'elle avait ignoré le problème pour qu'il disparaisse et s'était sentie coupable pendant des années. Mon père avait les larmes aux yeux.
Ma femme m'a dit que la crise du retour de la plage avait duré environ une heure. Je m'en suis voulu de ne pas l'aider à faire manger Sienna mais elle m'a répondu que nous formions une équipe et qu'elle s'occupait de tout. Épuisé mentalement, je me suis endormi. Je devais aller au cinéma ce soir-là, mais le copain qui devait venir avec moi s'est désisté. Quand je me suis réveillé j'ai décidé d'y aller quand même. Il fallait que je sorte. Un an plus tôt j'en aurais été incapable, je serais resté au lit pendant des jours entiers. Je reconnais ces choses-là mais je ne les ressens pas. C'est quelque chose qui me reste à résoudre. Mon thérapeute me dit toujours que mes sensations sont irrationnelles et injustifiées.
Voilà ce qu'est le traumatisme d'une gynécomastie. Selon kidshealth, la moitié des garçons qui arrivent à la puberté en souffrent et le problème se corrige presque toujours de lui-même, mais si cela ne s'arrange pas, comme dans mon cas, les conséquences sont désastreuses, peuvent entraîner une dépression clinique, des troubles d'anxiété et parfois pousser au suicide.
Je souffre encore de dépression et d'anxiété
Plusieurs facteurs sont à l'origine de la gynécomastie, par exemple l'obésité, l'abus de stéroïdes et les dérèglements chromosomiques comme le syndrome de Kinefelter. Dans mon cas, c'est un déséquilibre hormonal à la puberté qui en est la cause. La chirurgie demeure le meilleur "remède" (l'American Society for Aesthetic Plastic Surgery a signalé une augmentation de 103,6% des chirurgies pour le traitement d'une gynécomastie entre 1997 et 2012), mais peu de personnes peuvent s'offrir une opération, non assurée en général, à un coût qui varie entre 3000 et 5000 dollars.
Les parents de jeunes garçons doivent surveiller les signes probants du problème: épaules voûtés, vêtements trop larges, refus d'enlever son tee-shirt, refus de participer à des activités sportives ou à tout ce qui demande de bouger, poitrine constamment cachée derrière un objet quelconque. Vous devez en parler avec vos enfants. Sachez que pour le bien-être de votre enfant, la gynécomastie peut et doit être corrigée. Donnez-leur tout votre amour et votre compréhension, car si le problème est détecté et soigné de bonne heure, vous épargnerez à votre enfant des années de harcèlement et d'angoisse mentale, une dépression clinique et des troubles d'anxiété.
Vous leur éviterez une journée de cauchemar à la plage!
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