Chacun cherche son Juste. Dans la vie réelle ou virtuelle, au gré des rencontres et des moments de vie, on se côtoie, on se rapproche, on se frotte à notre vérité, qu'elle soit superficielle ou intime.
La curieuse cyber-fourmilière de notre société - j'ai dénommé Facebook - agit tel un miroir grossissant sur nos chaloupées désordonnées, pour nous rapprocher de notre vérité. Chaque "like" en est la preuve: on approuve, on aime une idée qui est exprimée d'une manière dont on n'avait pas encore pensé, une idée qui nous touche, que l'on trouve vraie, proche de ce que l'on pense ou ressent. Au gré des courants et des modes, nos petites barques malmenées mais téméraires s'abritent et se cognent, charriées malgré elles par le vent collectif et convivial, au milieu d'un océan d'idées et vers une rive pour le moins ignorée.
Mais ce qui fait, heureusement, la richesse relative et humaine des réseaux sociaux reste bien ce petit jeu de bateaux-tamponneurs que sont l'échange et le débat d'idées, pourvu qu'il reste courtois et qu'il ne casse pas notre frêle embarcation. On n'en retirera pas du moins l'avantage de ne pas tous sombrer en même temps dans un Titanic de l'opinion unique: ici, la dispersion fait la force de la masse.
D'aucuns pensent que ces débats sont inutiles, puisque finalement chacun finira par s'ancrer sur ses positions initiales, et où les cyber-navigateurs désinhibés, pour certains devenus par vocation conquérants d'un nouveau monde, sont plus à même de lancer leur bombe dégoulinante d'orgueil pour partir se planquer et se bloquer. Scénario des plus pessimistes, certes.
Lors de la fête du Trône, SM le Roi Mohamed VI a déclaré: "Croire que l'on a toujours raison, ou que l'on ne se trompe jamais, c'est ouvrir la voie aux dérapages et aux dérives de la vanité".
Par orgueil ou par manque d'information, il est difficile d'admettre avoir tort... Et trouver le mot juste s'avère de plus en plus ardu. Dans l'amoncellement pléthorique et souvent chaotique d'opinions, modérées ou extrêmes, certains annoncent clairement renoncer.
C'est ainsi que j'ai lu cette semaine un statut qui m'a interpellée: "Je n'ai plus foi en l'homme. Il n'est capable que de monstruosité, de violences, d'égoïsme et d'orgueil".
Il est vrai que les actualités ne sont pas propices à une intense philanthropie, mais tout de même. En arriver à condamner l'homme dans son ensemble était pour moi le signal de trop. Heurt d'un iceberg d'une nouvelle ère. "Iceberg, encore un juif", disait l'humour juif d'antan, réactualisé à l'instant.
Constatant ce premier naufrage, je ne comptais plus par ailleurs les nombreux avis tranchés et condamnatoires sur une nation ou une autre, les schémas et parodies manichéennes, qui prêtent à sourire du chaos actuel, mais ne font qu'amplifier la désinformation. Quoiqu'on puisse dire, l'un représentera le Mal, l'autre, le Bien, et aucun mot ne pourra changer cet ordre des idées, implacablement édicté à coup de slogans savamment orientés.
Le camp d'en face, ses douleurs, son histoire et son passé, ses circonstances qui l'ont fait en arriver là, tout cela n'intéresse plus. Qu'aurait-on fait, nous, à la place de notre ennemi?
C'est tout ou c'est rien. Palestiniens ou Israéliens, tous pourris, tous à exterminer. Irakiens, des monstres. Les Russes, quelle horreur. Ces musulmans, ces juifs, ces chrétiens, des infamies à l'humanité. Guerre juste ou guerre injuste?
Dans La République, Platon établit un parallèle entre la justice de l'âme et la justice politique. La justice est en nous comme elle est dans la cité; elle est ce qui maintient chaque chose à sa place dans un ordre gouverné par l'idée de Bien.
Ainsi, si la politique échoue à faire se révéler la justice, afin qu'elle soit reconnue par tous, "l'être juste" reste, malgré tout et malgré nous, en nous-mêmes tel un instinct primaire, comme celui de l'équité, de l'empathie.
Avec tous ces évènements, je me suis réveillée un matin avec, comme un souvenir, ce passage de la Bible, qui avait marqué mon enfance. L'épisode célèbre de Sodome et Gomorrhe.
Ce passage de la Bible (Génèse -18) existe aussi dans le Coran. Il y décrit la décision divine de rayer de la carte les villes de Sodome et Gomorrhe, où les hommes ont commis trop de crimes. Abraham a alors l'extraordinaire audace de prendre la parole et de marchander avec son dieu, allant jusqu'à demander de sauver la ville pour la présence de seulement 10 justes. Prix d'ami.
"Comme le décri de Sodome et de Gomorrhe est grand ; comme leur perversité est excessive, je veux y descendre ; je veux voir si, comme la plainte en est venue jusqu'à moi, ils se sont livrés aux derniers excès ; si cela n'est pas, j'aviserai", dit l'Eternel. (...) Abraham s'avança et dit : "Anéantirais tu, d'un même coup, l'innocent avec le coupable? Peut être y a t-il cinquante justes dans cette ville: les feras-tu périr aussi, et ne pardonneras-tu pas à la contrée en faveur des cinquante justes qui s'y trouvent? Celui qui juge toute la terre serait-il un juge inique?".
Si je trouve dix amis Justes dans mes contacts Facebook, qui sauront écouter toutes les parties avant de condamner sans appel.
Si je trouve dix palestiniens Justes, dix israéliens Justes, qui rétabliront le dialogue et cesseront leurs machines de guerre.
Si je trouve dix irakiens, dix américains, dix russes, dix français et tant d'autres encore... qui tenteront de se regarder d'en-haut, de trouver cette précieuse "justice de l'âme".
Alors j'aviserais. Alors je changerais d'avis. Alors je pourrais croire que l'Homme est capable d'autre chose que de monstruosité ou d'orgueil.
Petit refrain adapté de mon Souchon de poète: "L'homme ne vaut rien... mais rien ne vaut l'homme Juste".
La curieuse cyber-fourmilière de notre société - j'ai dénommé Facebook - agit tel un miroir grossissant sur nos chaloupées désordonnées, pour nous rapprocher de notre vérité. Chaque "like" en est la preuve: on approuve, on aime une idée qui est exprimée d'une manière dont on n'avait pas encore pensé, une idée qui nous touche, que l'on trouve vraie, proche de ce que l'on pense ou ressent. Au gré des courants et des modes, nos petites barques malmenées mais téméraires s'abritent et se cognent, charriées malgré elles par le vent collectif et convivial, au milieu d'un océan d'idées et vers une rive pour le moins ignorée.
Mais ce qui fait, heureusement, la richesse relative et humaine des réseaux sociaux reste bien ce petit jeu de bateaux-tamponneurs que sont l'échange et le débat d'idées, pourvu qu'il reste courtois et qu'il ne casse pas notre frêle embarcation. On n'en retirera pas du moins l'avantage de ne pas tous sombrer en même temps dans un Titanic de l'opinion unique: ici, la dispersion fait la force de la masse.
D'aucuns pensent que ces débats sont inutiles, puisque finalement chacun finira par s'ancrer sur ses positions initiales, et où les cyber-navigateurs désinhibés, pour certains devenus par vocation conquérants d'un nouveau monde, sont plus à même de lancer leur bombe dégoulinante d'orgueil pour partir se planquer et se bloquer. Scénario des plus pessimistes, certes.
Lors de la fête du Trône, SM le Roi Mohamed VI a déclaré: "Croire que l'on a toujours raison, ou que l'on ne se trompe jamais, c'est ouvrir la voie aux dérapages et aux dérives de la vanité".
Par orgueil ou par manque d'information, il est difficile d'admettre avoir tort... Et trouver le mot juste s'avère de plus en plus ardu. Dans l'amoncellement pléthorique et souvent chaotique d'opinions, modérées ou extrêmes, certains annoncent clairement renoncer.
C'est ainsi que j'ai lu cette semaine un statut qui m'a interpellée: "Je n'ai plus foi en l'homme. Il n'est capable que de monstruosité, de violences, d'égoïsme et d'orgueil".
Il est vrai que les actualités ne sont pas propices à une intense philanthropie, mais tout de même. En arriver à condamner l'homme dans son ensemble était pour moi le signal de trop. Heurt d'un iceberg d'une nouvelle ère. "Iceberg, encore un juif", disait l'humour juif d'antan, réactualisé à l'instant.
Constatant ce premier naufrage, je ne comptais plus par ailleurs les nombreux avis tranchés et condamnatoires sur une nation ou une autre, les schémas et parodies manichéennes, qui prêtent à sourire du chaos actuel, mais ne font qu'amplifier la désinformation. Quoiqu'on puisse dire, l'un représentera le Mal, l'autre, le Bien, et aucun mot ne pourra changer cet ordre des idées, implacablement édicté à coup de slogans savamment orientés.
Le camp d'en face, ses douleurs, son histoire et son passé, ses circonstances qui l'ont fait en arriver là, tout cela n'intéresse plus. Qu'aurait-on fait, nous, à la place de notre ennemi?
C'est tout ou c'est rien. Palestiniens ou Israéliens, tous pourris, tous à exterminer. Irakiens, des monstres. Les Russes, quelle horreur. Ces musulmans, ces juifs, ces chrétiens, des infamies à l'humanité. Guerre juste ou guerre injuste?
Dans La République, Platon établit un parallèle entre la justice de l'âme et la justice politique. La justice est en nous comme elle est dans la cité; elle est ce qui maintient chaque chose à sa place dans un ordre gouverné par l'idée de Bien.
Ainsi, si la politique échoue à faire se révéler la justice, afin qu'elle soit reconnue par tous, "l'être juste" reste, malgré tout et malgré nous, en nous-mêmes tel un instinct primaire, comme celui de l'équité, de l'empathie.
Avec tous ces évènements, je me suis réveillée un matin avec, comme un souvenir, ce passage de la Bible, qui avait marqué mon enfance. L'épisode célèbre de Sodome et Gomorrhe.
Ce passage de la Bible (Génèse -18) existe aussi dans le Coran. Il y décrit la décision divine de rayer de la carte les villes de Sodome et Gomorrhe, où les hommes ont commis trop de crimes. Abraham a alors l'extraordinaire audace de prendre la parole et de marchander avec son dieu, allant jusqu'à demander de sauver la ville pour la présence de seulement 10 justes. Prix d'ami.
"Comme le décri de Sodome et de Gomorrhe est grand ; comme leur perversité est excessive, je veux y descendre ; je veux voir si, comme la plainte en est venue jusqu'à moi, ils se sont livrés aux derniers excès ; si cela n'est pas, j'aviserai", dit l'Eternel. (...) Abraham s'avança et dit : "Anéantirais tu, d'un même coup, l'innocent avec le coupable? Peut être y a t-il cinquante justes dans cette ville: les feras-tu périr aussi, et ne pardonneras-tu pas à la contrée en faveur des cinquante justes qui s'y trouvent? Celui qui juge toute la terre serait-il un juge inique?".
Si je trouve dix amis Justes dans mes contacts Facebook, qui sauront écouter toutes les parties avant de condamner sans appel.
Si je trouve dix palestiniens Justes, dix israéliens Justes, qui rétabliront le dialogue et cesseront leurs machines de guerre.
Si je trouve dix irakiens, dix américains, dix russes, dix français et tant d'autres encore... qui tenteront de se regarder d'en-haut, de trouver cette précieuse "justice de l'âme".
Alors j'aviserais. Alors je changerais d'avis. Alors je pourrais croire que l'Homme est capable d'autre chose que de monstruosité ou d'orgueil.
Petit refrain adapté de mon Souchon de poète: "L'homme ne vaut rien... mais rien ne vaut l'homme Juste".
Retrouvez les blogs du HuffPost Maghreb sur notre page Facebook.