Ce blog présente l'intégralité du discours de l'actrice britannique Emma Watson, ambassadrice de bonne volonté à l'ONU Femmes, à l'occasion du lancement de la campagne HeForShe, samedi 20 septembre, au siège des Nations unies, à New York. La vidéo est à voir ici.
Nous lançons aujourd'hui la campagne HeForShe.
Je m'adresse à cette assemblée parce que j'ai besoin de votre aide. Nous souhaitons abolir les différences hommes-femmes, et nous avons besoin de chacun d'entre vous.
C'est la première campagne de ce type à être organisée par les Nations unies : nous souhaitons inciter un maximum d'hommes et de garçons à militer pour l'égalité des sexes. Et, au-delà des discours, nous voulons obtenir des résultats concrets.
J'ai été nommée il y a six mois. Plus je parlais de féminisme, plus je me suis rendue compte que la lutte pour les droits des femmes passait trop souvent par la haine des hommes. Une chose est sûre : il faut que cela cesse.
Pour mémoire, le féminisme se définit comme "la conviction que les hommes et les femmes doivent avoir les mêmes droits et les mêmes chances. C'est une théorie politique, économique et sociale de l'égalité des sexes."
J'ai commencé à me poser des questions sur les stéréotypes liés au genre à l'âge de huit ans, quand j'ai eu du mal à comprendre pourquoi on disait que j'étais « autoritaire » parce que je voulais mettre en scène les pièces que nous allions jouer devant nos parents, alors qu'on ne pensait pas cela des garçons.
Et à quatorze ans, quand certains journaux ont commencé à faire des allusions sexuelles sur moi.
Et à quinze ans, quand mes copines ont commencé à arrêter les sports d'équipe parce qu'elles ne voulaient pas avoir l'air « trop musclées ».
Et à dix-huit ans, quand mes copains n'arrivaient pas à parler de ce qu'ils ressentaient.
Je me suis dit que j'étais féministe, et ça m'a semblé tout naturel. Mais j'ai remarqué que le féminisme est aujourd'hui mal vu.
Apparemment, je fais partie de ces femmes que l'on trouve trop solides, trop agressives, aliénantes, en guerre contre les hommes et peu séduisantes.
Pourquoi ce mot suscite-t-il un tel malaise ?
Je suis anglaise, et je trouve normal d'être payée autant que mes collègues masculins. Je trouve normal de pouvoir disposer de mon corps comme bon me semble. Je trouve normal que des femmes participent aux prises de décisions et à la politique de mon pays. Je trouve normal que la société estime que les femmes ont autant droit au respect que les hommes. Mais je suis au regret de constater qu'il n'y a pas un pays au monde où toutes les femmes sont assurées de bénéficier de ces droits.
Aucun pays au monde ne peut se vanter d'avoir réussi à abolir les inégalités hommes-femmes.
Je considère ces droits comme faisant partie des droits fondamentaux de toute personne, mais je fais partie des privilégiées. J'ai eu de la chance que mes parents ne m'aiment pas moins parce que j'étais une fille. Que mon école ne m'empêche pas d'apprendre parce que j'étais une fille. Que mes tuteurs ne partent pas du principe que j'irais moins loin parce que j'étais susceptible d'avoir un jour des enfants. Toutes ces personnes ont été mes ambassadeurs pour l'égalité des sexes, et je leur dois d'être la femme que je suis aujourd'hui. Elles ne le savent peut-être pas, mais ce sont des féministes qui s'ignorent. Et nous avons besoin de gens comme cela. Et, si vous n'aimez toujours pas ce mot, sachez qu'il importe moins que les idées et les aspirations qu'il recouvre. Parce que toutes les femmes n'ont pas eu les mêmes droits que moi. A vrai dire, d'un point de vue statistique, je suis une exception.
En 1997, à Pékin, Hilary Clinton a prononcé un discours mémorable sur les droits des femmes. Nombre des propositions qu'elle appelait de ses vœux sont hélas restées lettre morte.
Mais ce qui m'a le plus marqué, c'est que les hommes ne représentaient que 3% de son auditoire. Comment peut-on espérer changer le monde quand la moitié de la population n'est pas invitée ou n'a pas le sentiment d'être la bienvenue ?
Messieurs, je voudrais donc profiter de cette occasion pour vous inviter formellement. L'égalité des sexes, c'est aussi votre problème.
Parce que, jusqu'à présent, la société considérait que mon père avait un rôle moins important à jouer dans mon éducation que ma mère, alors que j'avais tout autant besoin de lui.
J'ai connu des jeunes hommes qui souffraient de troubles psychiatriques mais n'osaient pas demander de l'aide par peur de ne pas être assez « macho ». Au Royaume-Uni, le suicide est la première cause de mortalité chez les hommes de 20 à 49 ans, devant les accidents de la route, le cancer et les maladies cardiovasculaires. J'ai vu des hommes brisés en essayant de se conformer à ce qu'ils pensaient être la définition du succès au masculin. Les hommes souffrent, eux aussi, de l'inégalité des sexes.
On parle peu des hommes qui sont prisonniers de stéréotypes liés au genre mais je sais qu'ils sont nombreux, et que le jour où ils parviendront à s'en affranchir, la situation des femmes s'améliorera tout naturellement.
Si les hommes n'ont plus besoin d'être agressifs pour se faire accepter, les femmes ne se sentiront plus obligées d'être soumises. Si les hommes n'ont pas besoin de dominer, les femmes n'auront pas à être dominées.
Les hommes, comme les femmes, ont le droit d'être sensibles. Et chacun, quel que soit son sexe, devrait se sentir libre d'être fort... Il est grand temps de concevoir les relations hommes-femmes sous un autre prisme que celui de deux visions inconciliables.
Cessons de définir les autres en fonction de ce qu'ils ne sont pas, et examinons ce que nous sommes nous-mêmes. Cela nous rendra plus libres, et c'est précisément la raison d'être de HeForShe. La liberté.
J'aimerais que les hommes relèvent ce défi, afin que leurs filles, leurs sœurs et leurs mères n'aient pas à subir les a priori d'autrui, mais aussi pour que leurs fils puissent se montrer vulnérables, humains, et reprendre possession de ce qu'ils avaient mis de côté, afin de parvenir à une version plus vraie et plus complète d'eux-mêmes.
Vous êtes peut-être en train de vous dire : « Pour qui elle se prend, la petite de Harry Potter ? Et qu'est-ce qu'elle fait sur la scène des Nations unies ? » C'est une bonne question et, croyez-moi, je me la suis posée. Je ne sais pas si je suis qualifiée pour être ici. Tout ce que je sais, c'est que ce problème me tient à cœur. Et que je veux tenter de le résoudre.
Après ce que j'ai vu, et puisque l'on m'en donne l'occasion, il est de mon devoir de ne pas rester silencieuse. Le politicien anglais Edmund Burke a dit : « Pour que le mal triomphe seule suffit l'inactivité des hommes de bien. »
Quand j'avais peur de faire ce discours, et dans les moments où je doutais de moi, je me répétais : si je ne le fais pas, qui le fera ? Si ce n'est pas maintenant, alors quand ? Si le doute vous assaille quand de pareilles occasions s'offrent à vous, j'espère que ces mots vous seront utiles.
Parce que la vérité, c'est que si nous n'agissons pas, il faudra attendre 75 ans -- mon 100e anniversaire -- avant que les femmes puissent prétendre à la même rémunération que les hommes, à travail égal. Dans les seize ans à venir, 15,5 millions de filles seront mariées avant même d'être pubères. Et, au rythme où vont les choses, toutes les petites Africaines qui vivent à la campagne n'iront au collège qu'en 2086.
Si vous croyez à l'égalité des sexes, vous êtes peut-être l'un(e) de ces féministes qui s'ignorent dont je parlais précédemment.
Et, pour cela, je vous applaudis.
Nous luttons pour un monde où chacun d'entre nous pourra se sentir inclu, mais nous avons la chance d'avoir un mouvement unitaire. Il s'agit de HeForShe. Je vous invite à faire le premier pas, à défendre vos idées, à être Lui pour Elle. Et à vous demander : si je ne le fais pas, qui le fera ? Si ce n'est pas maintenant, alors quand ?
Je vous remercie de votre attention.
Nous lançons aujourd'hui la campagne HeForShe.
Je m'adresse à cette assemblée parce que j'ai besoin de votre aide. Nous souhaitons abolir les différences hommes-femmes, et nous avons besoin de chacun d'entre vous.
C'est la première campagne de ce type à être organisée par les Nations unies : nous souhaitons inciter un maximum d'hommes et de garçons à militer pour l'égalité des sexes. Et, au-delà des discours, nous voulons obtenir des résultats concrets.
J'ai été nommée il y a six mois. Plus je parlais de féminisme, plus je me suis rendue compte que la lutte pour les droits des femmes passait trop souvent par la haine des hommes. Une chose est sûre : il faut que cela cesse.
Pour mémoire, le féminisme se définit comme "la conviction que les hommes et les femmes doivent avoir les mêmes droits et les mêmes chances. C'est une théorie politique, économique et sociale de l'égalité des sexes."
J'ai commencé à me poser des questions sur les stéréotypes liés au genre à l'âge de huit ans, quand j'ai eu du mal à comprendre pourquoi on disait que j'étais « autoritaire » parce que je voulais mettre en scène les pièces que nous allions jouer devant nos parents, alors qu'on ne pensait pas cela des garçons.
Et à quatorze ans, quand certains journaux ont commencé à faire des allusions sexuelles sur moi.
Et à quinze ans, quand mes copines ont commencé à arrêter les sports d'équipe parce qu'elles ne voulaient pas avoir l'air « trop musclées ».
Et à dix-huit ans, quand mes copains n'arrivaient pas à parler de ce qu'ils ressentaient.
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Je me suis dit que j'étais féministe, et ça m'a semblé tout naturel. Mais j'ai remarqué que le féminisme est aujourd'hui mal vu.
Apparemment, je fais partie de ces femmes que l'on trouve trop solides, trop agressives, aliénantes, en guerre contre les hommes et peu séduisantes.
Pourquoi ce mot suscite-t-il un tel malaise ?
Je suis anglaise, et je trouve normal d'être payée autant que mes collègues masculins. Je trouve normal de pouvoir disposer de mon corps comme bon me semble. Je trouve normal que des femmes participent aux prises de décisions et à la politique de mon pays. Je trouve normal que la société estime que les femmes ont autant droit au respect que les hommes. Mais je suis au regret de constater qu'il n'y a pas un pays au monde où toutes les femmes sont assurées de bénéficier de ces droits.
Aucun pays au monde ne peut se vanter d'avoir réussi à abolir les inégalités hommes-femmes.
Je considère ces droits comme faisant partie des droits fondamentaux de toute personne, mais je fais partie des privilégiées. J'ai eu de la chance que mes parents ne m'aiment pas moins parce que j'étais une fille. Que mon école ne m'empêche pas d'apprendre parce que j'étais une fille. Que mes tuteurs ne partent pas du principe que j'irais moins loin parce que j'étais susceptible d'avoir un jour des enfants. Toutes ces personnes ont été mes ambassadeurs pour l'égalité des sexes, et je leur dois d'être la femme que je suis aujourd'hui. Elles ne le savent peut-être pas, mais ce sont des féministes qui s'ignorent. Et nous avons besoin de gens comme cela. Et, si vous n'aimez toujours pas ce mot, sachez qu'il importe moins que les idées et les aspirations qu'il recouvre. Parce que toutes les femmes n'ont pas eu les mêmes droits que moi. A vrai dire, d'un point de vue statistique, je suis une exception.
En 1997, à Pékin, Hilary Clinton a prononcé un discours mémorable sur les droits des femmes. Nombre des propositions qu'elle appelait de ses vœux sont hélas restées lettre morte.
Mais ce qui m'a le plus marqué, c'est que les hommes ne représentaient que 3% de son auditoire. Comment peut-on espérer changer le monde quand la moitié de la population n'est pas invitée ou n'a pas le sentiment d'être la bienvenue ?
Messieurs, je voudrais donc profiter de cette occasion pour vous inviter formellement. L'égalité des sexes, c'est aussi votre problème.
Parce que, jusqu'à présent, la société considérait que mon père avait un rôle moins important à jouer dans mon éducation que ma mère, alors que j'avais tout autant besoin de lui.
J'ai connu des jeunes hommes qui souffraient de troubles psychiatriques mais n'osaient pas demander de l'aide par peur de ne pas être assez « macho ». Au Royaume-Uni, le suicide est la première cause de mortalité chez les hommes de 20 à 49 ans, devant les accidents de la route, le cancer et les maladies cardiovasculaires. J'ai vu des hommes brisés en essayant de se conformer à ce qu'ils pensaient être la définition du succès au masculin. Les hommes souffrent, eux aussi, de l'inégalité des sexes.
On parle peu des hommes qui sont prisonniers de stéréotypes liés au genre mais je sais qu'ils sont nombreux, et que le jour où ils parviendront à s'en affranchir, la situation des femmes s'améliorera tout naturellement.
Si les hommes n'ont plus besoin d'être agressifs pour se faire accepter, les femmes ne se sentiront plus obligées d'être soumises. Si les hommes n'ont pas besoin de dominer, les femmes n'auront pas à être dominées.
Les hommes, comme les femmes, ont le droit d'être sensibles. Et chacun, quel que soit son sexe, devrait se sentir libre d'être fort... Il est grand temps de concevoir les relations hommes-femmes sous un autre prisme que celui de deux visions inconciliables.
Cessons de définir les autres en fonction de ce qu'ils ne sont pas, et examinons ce que nous sommes nous-mêmes. Cela nous rendra plus libres, et c'est précisément la raison d'être de HeForShe. La liberté.
J'aimerais que les hommes relèvent ce défi, afin que leurs filles, leurs sœurs et leurs mères n'aient pas à subir les a priori d'autrui, mais aussi pour que leurs fils puissent se montrer vulnérables, humains, et reprendre possession de ce qu'ils avaient mis de côté, afin de parvenir à une version plus vraie et plus complète d'eux-mêmes.
Vous êtes peut-être en train de vous dire : « Pour qui elle se prend, la petite de Harry Potter ? Et qu'est-ce qu'elle fait sur la scène des Nations unies ? » C'est une bonne question et, croyez-moi, je me la suis posée. Je ne sais pas si je suis qualifiée pour être ici. Tout ce que je sais, c'est que ce problème me tient à cœur. Et que je veux tenter de le résoudre.
Après ce que j'ai vu, et puisque l'on m'en donne l'occasion, il est de mon devoir de ne pas rester silencieuse. Le politicien anglais Edmund Burke a dit : « Pour que le mal triomphe seule suffit l'inactivité des hommes de bien. »
Quand j'avais peur de faire ce discours, et dans les moments où je doutais de moi, je me répétais : si je ne le fais pas, qui le fera ? Si ce n'est pas maintenant, alors quand ? Si le doute vous assaille quand de pareilles occasions s'offrent à vous, j'espère que ces mots vous seront utiles.
Parce que la vérité, c'est que si nous n'agissons pas, il faudra attendre 75 ans -- mon 100e anniversaire -- avant que les femmes puissent prétendre à la même rémunération que les hommes, à travail égal. Dans les seize ans à venir, 15,5 millions de filles seront mariées avant même d'être pubères. Et, au rythme où vont les choses, toutes les petites Africaines qui vivent à la campagne n'iront au collège qu'en 2086.
Si vous croyez à l'égalité des sexes, vous êtes peut-être l'un(e) de ces féministes qui s'ignorent dont je parlais précédemment.
Et, pour cela, je vous applaudis.
Nous luttons pour un monde où chacun d'entre nous pourra se sentir inclu, mais nous avons la chance d'avoir un mouvement unitaire. Il s'agit de HeForShe. Je vous invite à faire le premier pas, à défendre vos idées, à être Lui pour Elle. Et à vous demander : si je ne le fais pas, qui le fera ? Si ce n'est pas maintenant, alors quand ?
Je vous remercie de votre attention.
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