Je suis heureuse et soulagée qu'Amina ait eu le cran de dire qu'elle avait menti sur sa première agression dans une lettre ouverte. Elle parle d'un "appel au secours" et réalise, enfin, qu'il s'agissait surtout d'une trahison.
Quand la nouvelle de sa première agression (Place Clichy) est sortie dans la presse, mon premier réflexe a été de lui envoyer un message de soutien comme féministe, le second fût d'attendre d'en savoir plus avant d'écrire sur cette affaire comme journaliste. Finalement, j'ai décidé de ne rien écrire. Trop d'incohérences dans son récit et trop de mauvaises expériences avec Amina par le passé.
Des collègues m'ont tout de suite appelée pour me demander s'ils pouvaient la croire. Je les ai invités à la plus grande prudence. J'ai même refusé de donner des entretiens à ce sujet. Aux politiques qui voulaient soutenir Amina, j'ai conseillé d'attendre le verdict des caméras de surveillance... qui s'est révélé implacable (mais nous ne l'avons su que tardivement). Amina est d'ailleurs poursuivie (à juste titre) pour "dénonciation calomnieuse" et la presse, déjà méfiante, s'en est fait largement l'écho.
Contrairement à ce qu'écriront les soutiens habituels du sexisme et de l'obscurantisme qui vont se régaler de cette affaire, il n'y a pas eu d'emballement médiatique, bien au contraire. Son récit a été accompagné d'une très grande suspicion dans la presse, dès le début. Au point que lorsqu'Amina a réellement été agressée à Bastille, la presse a jugé -- cette fois à tort -- qu'elle avait agressé une femme voilée" en se basant sur l'unique version de la police (échaudée par le mensonge d'Amina à propos de la Place Clichy). Elle a simplement répondu à un homme l'ayant traitée de « sale pute » avant de se faire frapper, ainsi qu'un copain (qui n'est pas son compagnon contrairement à ce qui a été écrit), par les amis de cette femme voilée, bien plus nombreux. Des témoins, depuis, ont rétabli la vérité. Mais la presse s'est emballée et une dépêche AFP a donné une version erronée de cette bagarre à partir d'une version policière biaisée.
La faute à qui ? A Amina. Rien, ni sa situation (qui est loin d'être aussi solitaire qu'elle le décrit, elle a bénéficié de très nombreux soutiens dès son arrivée en France, malgré ses déclarations délirantes tenues en Tunisie contre Femen et ceux qui s'étaient mobilisés pour elle), ni les épreuves subies ne justifient -- elle le reconnaît -- de jeter le soupçon sur la parole des femmes ou de semer la division gratuitement dans un pays déjà si tendu par de véritables agressions, souvent tues.
J'en profite pour faire une mise au point à l'intention de ceux qui ne comprennent pas mon lien avec Amina ou Femen. Il est très simple. J'ai soutenu Amina quand elle s'est levée contre le sexisme et l'intégrisme en Tunisie, envers et contre beaucoup, et je ne le regrette pas le moins du monde. Ce qu'elle a accompli, avec les Femen, est historique. Grâce à elles, on a pu dénoncer haut et fort le sort des prisonniers politiques et la chasse aux féministes et laïques qui sévissait sous le règne de la troïka unissant Ennahdha et ses alliés alibis.
J'ai soutenu Femen à son arrivée en France et je ne le regrette pas. Ce qu'elles ont accompli pour dénoncer le trafic de femmes en Ukraine, l'autoritarisme de Viktor Ianoukovitch, était historique et annonciateur du printemps ukrainien. Leurs provocations ont permis de réaliser le poids qui pèse sur le corps et les seins des femmes, à l'est comme au sud, en Occident comme en Orient. Avec leurs seins, elles ont défié aussi bien les intégristes musulmans que les intégristes chrétiens de Civitas, les députés espagnols voulant abroger le droit à l'IVG et les sénateurs français n'ayant pas voulu sanctionner les clients alimentant la prostitution. Avec panache et parfois excès, mais c'est le propre de toute provocation. Des provocations bien pacifiques au regard de ceux qu'elles ont défiés et souvent vaincus (mais pas toutes seules contrairement à ce qu'elles semblent penser).
Leur maladresse parfois infantile comme à Notre-Dame ou lors du Jihad Topless, le rétrécissement du mouvement à une seule leader, l'infantilisation de certaines militantes et le changement d'époque en Ukraine m'ont convaincue qu'elles avaient été utiles à bien des causes, mais qu'elles tournaient en rond. Leurs excès commençaient à faire plus de mal que de bien. J'ai donc pris le large.
Ma rupture politique puis personnelle remonte aux derniers mois de l'écriture du livre INNA, il y a plus d'un an. Très peu ont compris combien ce livre n'était pas une romance mais au contraire un livre de rupture, écrit avec le souci d'être, malgré tout, le plus juste possible.
En tant qu'éditorialiste et écrivaine, je tiens toujours à distinguer, presque maladivement (et c'était aussi l'objet d'INNA, avec l'Ukraine), ce qui relève de l'affectif et du politique, de l'engagement et du professionnalisme, de l'empathie et de la justesse des faits... Presque de la « justice des faits ». Comme une guerre intérieure, entre la passion que l'on doit mettre pour tenir bon et s'engager, et la raison qui doit être in fine nous seule conseillère quand on bataille avec une plume et non une épée.
On finit par se forger une règle. Par exemple, quand j'approuve une action de FEMEN, je le dis. Quand je l'a désapprouve, je le dis aussi. Qu'elle que soit mon humeur, tendre ou fâchée, vis-à-vis de ce groupe, ou d'Amina. Bien qu'elles aient perdu ma confiance, depuis longtemps, elles garderont toujours ma tendresse. Parce que, malgré leur jeunesse et leur maladresse, qu'elles ont payé (par des coups, des gardes à vue, de la prison et des menaces de mort quotidienne, réelles et non fictives), elles tiennent tête au sexisme, à la dictature et à l'obscurantisme. Rares sont ceux qui ont ce cran. Mais ce combat, si noble soit-il, demande de penser aux autres et à sa cause avant soi, de ne pas trahir, d'inspirer la confiance pour convaincre. Quand la confiance est brisée, c'est du courage gâché. Or la confiance est brisée.
Quand la nouvelle de sa première agression (Place Clichy) est sortie dans la presse, mon premier réflexe a été de lui envoyer un message de soutien comme féministe, le second fût d'attendre d'en savoir plus avant d'écrire sur cette affaire comme journaliste. Finalement, j'ai décidé de ne rien écrire. Trop d'incohérences dans son récit et trop de mauvaises expériences avec Amina par le passé.
Des collègues m'ont tout de suite appelée pour me demander s'ils pouvaient la croire. Je les ai invités à la plus grande prudence. J'ai même refusé de donner des entretiens à ce sujet. Aux politiques qui voulaient soutenir Amina, j'ai conseillé d'attendre le verdict des caméras de surveillance... qui s'est révélé implacable (mais nous ne l'avons su que tardivement). Amina est d'ailleurs poursuivie (à juste titre) pour "dénonciation calomnieuse" et la presse, déjà méfiante, s'en est fait largement l'écho.
LIRE AUSSI: Amina Sboui avoue avoir inventé son agression par des salafistes à Paris
Contrairement à ce qu'écriront les soutiens habituels du sexisme et de l'obscurantisme qui vont se régaler de cette affaire, il n'y a pas eu d'emballement médiatique, bien au contraire. Son récit a été accompagné d'une très grande suspicion dans la presse, dès le début. Au point que lorsqu'Amina a réellement été agressée à Bastille, la presse a jugé -- cette fois à tort -- qu'elle avait agressé une femme voilée" en se basant sur l'unique version de la police (échaudée par le mensonge d'Amina à propos de la Place Clichy). Elle a simplement répondu à un homme l'ayant traitée de « sale pute » avant de se faire frapper, ainsi qu'un copain (qui n'est pas son compagnon contrairement à ce qui a été écrit), par les amis de cette femme voilée, bien plus nombreux. Des témoins, depuis, ont rétabli la vérité. Mais la presse s'est emballée et une dépêche AFP a donné une version erronée de cette bagarre à partir d'une version policière biaisée.
La faute à qui ? A Amina. Rien, ni sa situation (qui est loin d'être aussi solitaire qu'elle le décrit, elle a bénéficié de très nombreux soutiens dès son arrivée en France, malgré ses déclarations délirantes tenues en Tunisie contre Femen et ceux qui s'étaient mobilisés pour elle), ni les épreuves subies ne justifient -- elle le reconnaît -- de jeter le soupçon sur la parole des femmes ou de semer la division gratuitement dans un pays déjà si tendu par de véritables agressions, souvent tues.
J'en profite pour faire une mise au point à l'intention de ceux qui ne comprennent pas mon lien avec Amina ou Femen. Il est très simple. J'ai soutenu Amina quand elle s'est levée contre le sexisme et l'intégrisme en Tunisie, envers et contre beaucoup, et je ne le regrette pas le moins du monde. Ce qu'elle a accompli, avec les Femen, est historique. Grâce à elles, on a pu dénoncer haut et fort le sort des prisonniers politiques et la chasse aux féministes et laïques qui sévissait sous le règne de la troïka unissant Ennahdha et ses alliés alibis.
J'ai soutenu Femen à son arrivée en France et je ne le regrette pas. Ce qu'elles ont accompli pour dénoncer le trafic de femmes en Ukraine, l'autoritarisme de Viktor Ianoukovitch, était historique et annonciateur du printemps ukrainien. Leurs provocations ont permis de réaliser le poids qui pèse sur le corps et les seins des femmes, à l'est comme au sud, en Occident comme en Orient. Avec leurs seins, elles ont défié aussi bien les intégristes musulmans que les intégristes chrétiens de Civitas, les députés espagnols voulant abroger le droit à l'IVG et les sénateurs français n'ayant pas voulu sanctionner les clients alimentant la prostitution. Avec panache et parfois excès, mais c'est le propre de toute provocation. Des provocations bien pacifiques au regard de ceux qu'elles ont défiés et souvent vaincus (mais pas toutes seules contrairement à ce qu'elles semblent penser).
Leur maladresse parfois infantile comme à Notre-Dame ou lors du Jihad Topless, le rétrécissement du mouvement à une seule leader, l'infantilisation de certaines militantes et le changement d'époque en Ukraine m'ont convaincue qu'elles avaient été utiles à bien des causes, mais qu'elles tournaient en rond. Leurs excès commençaient à faire plus de mal que de bien. J'ai donc pris le large.
Ma rupture politique puis personnelle remonte aux derniers mois de l'écriture du livre INNA, il y a plus d'un an. Très peu ont compris combien ce livre n'était pas une romance mais au contraire un livre de rupture, écrit avec le souci d'être, malgré tout, le plus juste possible.
En tant qu'éditorialiste et écrivaine, je tiens toujours à distinguer, presque maladivement (et c'était aussi l'objet d'INNA, avec l'Ukraine), ce qui relève de l'affectif et du politique, de l'engagement et du professionnalisme, de l'empathie et de la justesse des faits... Presque de la « justice des faits ». Comme une guerre intérieure, entre la passion que l'on doit mettre pour tenir bon et s'engager, et la raison qui doit être in fine nous seule conseillère quand on bataille avec une plume et non une épée.
On finit par se forger une règle. Par exemple, quand j'approuve une action de FEMEN, je le dis. Quand je l'a désapprouve, je le dis aussi. Qu'elle que soit mon humeur, tendre ou fâchée, vis-à-vis de ce groupe, ou d'Amina. Bien qu'elles aient perdu ma confiance, depuis longtemps, elles garderont toujours ma tendresse. Parce que, malgré leur jeunesse et leur maladresse, qu'elles ont payé (par des coups, des gardes à vue, de la prison et des menaces de mort quotidienne, réelles et non fictives), elles tiennent tête au sexisme, à la dictature et à l'obscurantisme. Rares sont ceux qui ont ce cran. Mais ce combat, si noble soit-il, demande de penser aux autres et à sa cause avant soi, de ne pas trahir, d'inspirer la confiance pour convaincre. Quand la confiance est brisée, c'est du courage gâché. Or la confiance est brisée.
Caroline Fourest est l'auteure de INNA (Grasset), qui raconte les espoirs et les désillusions du mouvement FEMEN à travers sa leader Inna Shevchenko, depuis l'enfance en Ukraine jusqu'aux combats contre CIVITAS à Paris en passant par les campagnes avec Amina en Tunisie.
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