Quelle différence entre la Journée de la femme célébrée le 8 mars et la Journée de la fille qui a lieu le 11 octobre? La première est beaucoup plus médiatisée que la première.
Or, force est bien de constater que les thématiques se ressemblent. On parle d'inégalité, de violences, de souffrances au quotidien. On met en évidence les problèmes. On s'inquiète des reculs. On cherche des solutions. On salue les avancées. La vigilance est continuellement de mise.
Quand on aborde la situation des filles, des enfants donc, on se doit d'être plus attentif, plus préoccupé encore. Car, avec la Journée internationale de la fille, c'est de l'innocence de l'enfance dont il est question. Et un enfant n'a pas les moyens de se défendre comme un adulte; il est démuni.
Ainsi, le 19 décembre 2011, l'Assemblée des Nations Unies a décrété qu'il fallait réserver une journée consacrée aux filles. Car les discriminations à l'égard des femmes avaient des conséquences désastreuses pour les jeunes filles, pour les enfants. Car les filles devraient pouvoir participer "aux décisions qui les touchent, [qui] sont cruciaux pour briser l'engrenage de la discrimination et de la violence et pour promouvoir et protéger l'exercice plein et effectif de leurs droits fondamentaux [...] " (Nations Unies, Assemblée générale, Soixante-sixième session, Point 69, b, de l'ordre du jour, 19 décembre 2011.)
C'est donc en 2012, le 11 octobre, que la première Journée internationale de la fille a été célébrée. L'accent avait été mis sur les mariages forcés des jeunes filles qui voient leur vie complètement anéantie par une union imposée. Il fallait donc lever le voile sur les pressions, les violences, les viols, les maternités précoces, les effondrements psychologiques que des filles, des enfants, subissent au quotidien.
Depuis 2012, directement ou indirectement, le principal cheval de bataille de cette Journée internationale de la fille est axé sur l'éducation. Car, telle est bien la situation des jeunes filles dans certaines régions du monde : les enfermer volontairement, consciencieusement, dans l'ignorance et ce, afin de mieux les soumettre.
Biologiste réputée, Wangari Muta Maathai fonde en 1977 le mouvement Ceinture verte (Green Belt Movement) pour conscientiser la population à l'importance de l'environnement. D'abord, elle a planté sept arbres censés glorifier symboliquement les femmes qui sont à la tête de l'environnementalisme au Kenya. La femme des arbres comme on l'appelle se bat non seulement pour la préservation de l'environnement, mais aussi pour les droits des femmes. Elle obtient le prix Nobel de la paix en 2004. Elle est aussi active dans la défense des femmes et voudrait que le monde connaisse un leadership plus féminin.
Lors de son divorce, son mari a affirmé devant le juge qu'"elle avait un trop fort caractère pour une femme et qu'il était incapable de la maîtriser". Comme le juge approuvait les dires de son époux, Wangari Maathai s'en est plainte à la presse en l'accusant de corruption et d'incompétence, ce qui lui a valu quelques jours de prison. Reconnue mondialement, Wangari Maathai n'est plus qu'une "fille" insolente, une mineure qui doit se soumettre aux coutumes et donc, à l'autorité de son mari...
Depuis des années, des femmes, des "réussissantes" (Gold, La réussite au féminin, Editions Vitamines, Bruxelles, 2014). comme Wangari Maathai, médiatisées ou plus discrètes, sortent de l'ombre et étonnent par leur professionnalisme, par leurs prouesses. Elles sont représentées partout elles sont financières, ingénieures, médecins, astronautes, spécialistes dans toutes les branches, dans toutes les disciplines. Même si on est bien loin de la parité, un chemin prometteur s'ouvre à elles.
Cependant, toutes ces réussites au féminin ne peuvent occulter le fait que des jeunes filles -et des femmes- subissent encore le joug des traditions.
Dans des régions particulièrement défavorisées, les familles ne cherchent pas à changer leur mode d'agir. Pourquoi "investir dans une fille" qu'il faudra de toute manière marier? Pourquoi s'attacher à faire évoluer une fillette puisqu'elle devra immanquablement interrompre toute activité pendant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement,...? C'est du temps et de l'argent perdu... D'autant plus qu'elles coûtent déjà cher, les filles. Avec la dot. Avec le mariage. Alors, on leur fait payer cher leur existence. En les dénigrant. En les maltraitant. En les asservissant. En les faisant disparaître. Pour les remplacer. Pour avoir une nouvelle dot. Pour perpétuer ce cercle infernal d'infériorité réservé aux femmes, aux filles.
Le poids de la tradition se retrouve partout. Il écrase toujours les filles et les empêche de devenir ce qu'elles ont vraiment envie de devenir au fond d'elles. L'école est leur seule issue pour pourvoir s'échapper de l'asphyxie.
En effet, l'instruction est la bouée de sauvetage des filles emprisonnées par un quotidien bien établi pour elles.
Cependant, se rendre à l'école n'est pas aisé. Malala Yousafzai, jeune Pakistanaise, qui s'est opposée à l'analphabétisme imposé aux filles dans la région où elle vivait a failli en mourir. Sa souffrance, son courage et sa détermination pour que les filles aient accès sans réserve à l'instruction en font une candidate possible au Prix Nobel de la Paix. Comme elle, dans le monde, des jeunes sont néanmoins prêts à enjamber le pont des traditions solidement enracinées pour pouvoir s'instruire librement.
Parfois, ce n'est pas la tradition, mais les conditions de vie qui sont en cause. L'école est éloignée, difficile d'accès pour certains enfants. Ils doivent alors effectuer un long trajet pour atteindre leur but. Ils marchent pendant plusieurs heures. De nombreux dangers les guettent. Pourtant, cela ne ralentit pas leur marche, leur motivation. Ils n'ont pas peur des kilomètres journaliers. Ils ne vont pas à l'école par obligation, mais parce qu'ils ressentent la joie d'apprendre. Etudier est une victoire pour eux. On s'en rend bien compte notamment grâce au merveilleux documentaire de Pascal Plisson "Sur le chemin de l'école" (2013).
La motivation des enfants et plus particulièrement des filles que l'on tente d'intimider afin qu'elles ne se rendent pas en classe ou qu'elles interrompent leurs études est donc mise à rude épreuve.
En outre, quand les filles sont enfin acceptées à l'école, quand elles écoutent les professeurs qui leur enseignent les rudiments d'une vie digne, la folie des hommes revient comme une vague folle qui ne peut s'empêcher d'engloutir la volonté d'égalité. Ainsi, au Nigéria, le groupe Boko Haram a enlevé des jeunes filles, pendant qu'elles étudiaient, pendant la classe. Elles devaient être protégées du monde extérieur dans leurs écoles ; elles ont été livrées à la violence des hommes. Elles sont toujours leurs prisonnières.
La Journée de la fille semble quelque peu comparable aux exigences réservées chaque année pour la Journée de la femme. Le 11 octobre et le 8 mars, les mêmes remarques se succèdent quant à l'évolution des filles, des femmes dans la société, quant aux inégalités, aux violences. Une image de la femme, de la fille qui s'effrite au fil du temps. Des avancées, des reculs. Trop de reculs. Mais surtout, des femmes, des hommes positifs qui posent des barrières afin que les injustices, les horreurs cessent.
La Journée de la fille a la particularité de concerner l'enfance qui devrait appartenir à un domaine préservé, intouchable.
Puisqu'on interdit à des filles dans le monde d'aller à l'école ou de restreindre leur accès à l'enseignement, puisque des filles ici et ailleurs ont moins de droits que les garçons, puisque leur sécurité, leur intégrité physique et leur avenir sont menacés, la Journée de la fille est fondamentale pour conscientiser ceux qui doivent encore l'être et pour mettre des projets concrets en action. Car de nombreuses organisations officielles comme UN WOMEN, l'Association des Femmes parlementaires de la Francophonie ou des associations de bénévoles comme Toutes à l'école, SOS Villages d'enfants, Mothers at risk, par exemple, ont posé depuis longtemps les jalons d'une responsabilité partagée.
Oui, nous avons une obligation morale de défendre les petits, les jeunes, les filles. Nous devons protéger leur innocence. Nous devons leur garantir des lieux de paix pour qu'ils puissent s'amuser, s'instruire, s'épanouir, choisir le chemin qui leur convient.
Oui, nous en sommes toutes et tous responsables.
Car une Journée internationale pour protéger les filles n'est pas nécessaire: elle est indispensable.
Or, force est bien de constater que les thématiques se ressemblent. On parle d'inégalité, de violences, de souffrances au quotidien. On met en évidence les problèmes. On s'inquiète des reculs. On cherche des solutions. On salue les avancées. La vigilance est continuellement de mise.
Quand on aborde la situation des filles, des enfants donc, on se doit d'être plus attentif, plus préoccupé encore. Car, avec la Journée internationale de la fille, c'est de l'innocence de l'enfance dont il est question. Et un enfant n'a pas les moyens de se défendre comme un adulte; il est démuni.
Lire aussi:
"Femmes contre le féminisme", pourquoi ce mouvement m'agace
11 octobre, Journée internationale de la fille
Ainsi, le 19 décembre 2011, l'Assemblée des Nations Unies a décrété qu'il fallait réserver une journée consacrée aux filles. Car les discriminations à l'égard des femmes avaient des conséquences désastreuses pour les jeunes filles, pour les enfants. Car les filles devraient pouvoir participer "aux décisions qui les touchent, [qui] sont cruciaux pour briser l'engrenage de la discrimination et de la violence et pour promouvoir et protéger l'exercice plein et effectif de leurs droits fondamentaux [...] " (Nations Unies, Assemblée générale, Soixante-sixième session, Point 69, b, de l'ordre du jour, 19 décembre 2011.)
C'est donc en 2012, le 11 octobre, que la première Journée internationale de la fille a été célébrée. L'accent avait été mis sur les mariages forcés des jeunes filles qui voient leur vie complètement anéantie par une union imposée. Il fallait donc lever le voile sur les pressions, les violences, les viols, les maternités précoces, les effondrements psychologiques que des filles, des enfants, subissent au quotidien.
Depuis 2012, directement ou indirectement, le principal cheval de bataille de cette Journée internationale de la fille est axé sur l'éducation. Car, telle est bien la situation des jeunes filles dans certaines régions du monde : les enfermer volontairement, consciencieusement, dans l'ignorance et ce, afin de mieux les soumettre.
Même une Prix Nobel peut être traitée comme un enfant...
Biologiste réputée, Wangari Muta Maathai fonde en 1977 le mouvement Ceinture verte (Green Belt Movement) pour conscientiser la population à l'importance de l'environnement. D'abord, elle a planté sept arbres censés glorifier symboliquement les femmes qui sont à la tête de l'environnementalisme au Kenya. La femme des arbres comme on l'appelle se bat non seulement pour la préservation de l'environnement, mais aussi pour les droits des femmes. Elle obtient le prix Nobel de la paix en 2004. Elle est aussi active dans la défense des femmes et voudrait que le monde connaisse un leadership plus féminin.
Lors de son divorce, son mari a affirmé devant le juge qu'"elle avait un trop fort caractère pour une femme et qu'il était incapable de la maîtriser". Comme le juge approuvait les dires de son époux, Wangari Maathai s'en est plainte à la presse en l'accusant de corruption et d'incompétence, ce qui lui a valu quelques jours de prison. Reconnue mondialement, Wangari Maathai n'est plus qu'une "fille" insolente, une mineure qui doit se soumettre aux coutumes et donc, à l'autorité de son mari...
Depuis des années, des femmes, des "réussissantes" (Gold, La réussite au féminin, Editions Vitamines, Bruxelles, 2014). comme Wangari Maathai, médiatisées ou plus discrètes, sortent de l'ombre et étonnent par leur professionnalisme, par leurs prouesses. Elles sont représentées partout elles sont financières, ingénieures, médecins, astronautes, spécialistes dans toutes les branches, dans toutes les disciplines. Même si on est bien loin de la parité, un chemin prometteur s'ouvre à elles.
Cependant, toutes ces réussites au féminin ne peuvent occulter le fait que des jeunes filles -et des femmes- subissent encore le joug des traditions.
Dans des régions particulièrement défavorisées, les familles ne cherchent pas à changer leur mode d'agir. Pourquoi "investir dans une fille" qu'il faudra de toute manière marier? Pourquoi s'attacher à faire évoluer une fillette puisqu'elle devra immanquablement interrompre toute activité pendant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement,...? C'est du temps et de l'argent perdu... D'autant plus qu'elles coûtent déjà cher, les filles. Avec la dot. Avec le mariage. Alors, on leur fait payer cher leur existence. En les dénigrant. En les maltraitant. En les asservissant. En les faisant disparaître. Pour les remplacer. Pour avoir une nouvelle dot. Pour perpétuer ce cercle infernal d'infériorité réservé aux femmes, aux filles.
Le poids de la tradition se retrouve partout. Il écrase toujours les filles et les empêche de devenir ce qu'elles ont vraiment envie de devenir au fond d'elles. L'école est leur seule issue pour pourvoir s'échapper de l'asphyxie.
L'enseignement, un GPS pour sortir de l'ignorance!
En effet, l'instruction est la bouée de sauvetage des filles emprisonnées par un quotidien bien établi pour elles.
Cependant, se rendre à l'école n'est pas aisé. Malala Yousafzai, jeune Pakistanaise, qui s'est opposée à l'analphabétisme imposé aux filles dans la région où elle vivait a failli en mourir. Sa souffrance, son courage et sa détermination pour que les filles aient accès sans réserve à l'instruction en font une candidate possible au Prix Nobel de la Paix. Comme elle, dans le monde, des jeunes sont néanmoins prêts à enjamber le pont des traditions solidement enracinées pour pouvoir s'instruire librement.
Parfois, ce n'est pas la tradition, mais les conditions de vie qui sont en cause. L'école est éloignée, difficile d'accès pour certains enfants. Ils doivent alors effectuer un long trajet pour atteindre leur but. Ils marchent pendant plusieurs heures. De nombreux dangers les guettent. Pourtant, cela ne ralentit pas leur marche, leur motivation. Ils n'ont pas peur des kilomètres journaliers. Ils ne vont pas à l'école par obligation, mais parce qu'ils ressentent la joie d'apprendre. Etudier est une victoire pour eux. On s'en rend bien compte notamment grâce au merveilleux documentaire de Pascal Plisson "Sur le chemin de l'école" (2013).
La motivation des enfants et plus particulièrement des filles que l'on tente d'intimider afin qu'elles ne se rendent pas en classe ou qu'elles interrompent leurs études est donc mise à rude épreuve.
En outre, quand les filles sont enfin acceptées à l'école, quand elles écoutent les professeurs qui leur enseignent les rudiments d'une vie digne, la folie des hommes revient comme une vague folle qui ne peut s'empêcher d'engloutir la volonté d'égalité. Ainsi, au Nigéria, le groupe Boko Haram a enlevé des jeunes filles, pendant qu'elles étudiaient, pendant la classe. Elles devaient être protégées du monde extérieur dans leurs écoles ; elles ont été livrées à la violence des hommes. Elles sont toujours leurs prisonnières.
Nous sommes tous responsables!
La Journée de la fille semble quelque peu comparable aux exigences réservées chaque année pour la Journée de la femme. Le 11 octobre et le 8 mars, les mêmes remarques se succèdent quant à l'évolution des filles, des femmes dans la société, quant aux inégalités, aux violences. Une image de la femme, de la fille qui s'effrite au fil du temps. Des avancées, des reculs. Trop de reculs. Mais surtout, des femmes, des hommes positifs qui posent des barrières afin que les injustices, les horreurs cessent.
La Journée de la fille a la particularité de concerner l'enfance qui devrait appartenir à un domaine préservé, intouchable.
Puisqu'on interdit à des filles dans le monde d'aller à l'école ou de restreindre leur accès à l'enseignement, puisque des filles ici et ailleurs ont moins de droits que les garçons, puisque leur sécurité, leur intégrité physique et leur avenir sont menacés, la Journée de la fille est fondamentale pour conscientiser ceux qui doivent encore l'être et pour mettre des projets concrets en action. Car de nombreuses organisations officielles comme UN WOMEN, l'Association des Femmes parlementaires de la Francophonie ou des associations de bénévoles comme Toutes à l'école, SOS Villages d'enfants, Mothers at risk, par exemple, ont posé depuis longtemps les jalons d'une responsabilité partagée.
Oui, nous avons une obligation morale de défendre les petits, les jeunes, les filles. Nous devons protéger leur innocence. Nous devons leur garantir des lieux de paix pour qu'ils puissent s'amuser, s'instruire, s'épanouir, choisir le chemin qui leur convient.
Oui, nous en sommes toutes et tous responsables.
Car une Journée internationale pour protéger les filles n'est pas nécessaire: elle est indispensable.
Anna Gold. Son essai La réussite au féminin est paru aux Editions Vitamines (Bruxelles, 2014).
Retrouvez les articles du HuffPost Maghreb sur notre page Facebook.