Le miracle économique tunisien tant vanté et donné en exemple à d'autres pays en développement n'aura finalement pas eu lieu. Pire, le modèle emprunté et la dynamique qu'il a suscitée, auront au final conduit le pays dans le mur !
Ce n'est pas faute d'y avoir cru. A des degrés divers, le corps social et son opinion publique ont été abusés, mystifiés ! Une savante orchestration de données partielles et partiales, d'études et de rapports ont fini par convaincre, (souvent les plus critiques), que le pays était sur la voie du progrès.
Ce n'était donc qu'une affaire de temps avant que la Tunisie ne rejoigne le camp des pays développés. Seul bémol l'autoritarisme ; mais qu'à cela ne tienne! De facto, le pays a connu une croissance enviée de l'ordre de 5% pendant plus de 20 ans.
Celle-ci a entrainé dans son sillage un relèvement substantiel du niveau de vie moyen de la population. Le pays des couches moyennes...n'avait de cesse de marteler les organes de communication adossé à un appareillage statistique toujours plus sophistiqué. Une perception confortée et complaisamment relayée par les propres observations des grandes institutions internationales et par les voix autorisées de prescripteurs d'opinion.
Les mea-culpa et repentirs du FMI, de la Banque Mondiale, comme de la Commission Européenne apparaissent, -avec le recul-, bien dérisoires pour ne pas dire cyniques, quand on sait leur accès aux sources réelles d'information.
Au mieux une duplicité silencieuse et feinte, au pire une complicité active et sans états d'âme. Au final tout de même, les contradictions d'un système ont fini par exploser au grand jour! La découverte de déconvenues, de discordances, qui ne se limitent plus au seul caractère népotique concussionnaire du régime et de ses affidés, mais bien plus gravement aux dysfonctionnements du dit modèle, comme aux déséquilibres qui affectent l'ensemble de du corps social: Un ascenseur social en panne ! Une société salariale bien plus en forme de sablier que d'une montgolfière ! Des inégalités de fortune au sens immédiat comme figuré de conditions outrageusement différentiées d'accès à une vie décente et digne! Un système productif à bout de souffle et sous perfusion permanente... Toutes choses qui n'ont qu'un très lointain rapport avec la corruption des sphères dirigeantes du pays.
Le pays éberlué et abasourdi découvre depuis avec effroi l'étendue des dégâts et constate le caractère multiforme de la crise sociale et politique. Une crise systémique, diraient les économistes.
Un désarroi d'autant plus aggravé qu'il n'y a plus en ce début de 21ème siècle de référent idéologique auquel se raccrocher, d'archétype à imiter ! Le socialisme s'est effondré, le capitalisme globalisé peu ragoûtant.
Mais plus proche encore, nos concitoyens perçoivent aussi les déboires et les mésaventures de régimes tels ceux de l'Iran islamiste ou de la Turquie islamo-libérale. Effectivement pas de quoi sauter au plafond! Rien d'enthousiasmant à l'horizon ! Que faire? Dans quelles directions aller?
Comment? Désenchantement civilisationnel, il y a surement de cela... Aussi sommes nous condamner, à tâtonner, à improviser, mais non sans avoir quelques principes issus eux-mêmes de faits d'expérience.
Faudrait-il pour autant céder à ce nouvel air ambiant, en vogue et à la mode, celui du pragmatisme et du réalisme réduit à sa plus simple et caricaturale expression : celui de se soumettre à cette logique mondialisée de la compétition internationale, seule issue possible ? De nombreuses élites intellectuelles et forces politiques le pensent sincèrement.
Econduites du modèle bien évidemment la prédation, la corruption par la construction et la consolidation progressive d'un Etat de Droit, mais reconduit dans le même temps la logique d'une croissance plus vertueuse tirée par l'investissement privé, et la poursuite du désengagement organisé de l'Etat. Trop de bureaucratisme, trop de laxisme!
Certes! Mais est-ce bien la garantie sine-qua-none de la propagation d'un mieux être plus égalitaire? Rien n'est moins sûr! Experts et éditocrates sont d'ailleurs mobilisés dans ce sens: reproduire le modèle général sans ses erreurs ni excès en tous genres!
Un modèle plus solidaire et plus inclusif entend-on! Mais comment? Par une plus juste redistribution des fruits de la croissance! Un vœu pieux quand ces mêmes élites préconisent à demis mots de détricoter le droit du travail afin d'assurer -via un nouveau code des investissements-, l'attractivité et la compétitivité du "site Tunisie".
Dans le contexte international et régional de dumping tous azimuts, il apparaît douteux que l'on puisse concilier tout à la fois des avancées sociales substantielles avec les impératifs de réduction des coûts production et les exigences d'optimisation fiscale et parafiscale tant recherchés par les investisseurs. Mais il y a plus encore déplorable et plus dommageable.
La persistance dans la toute puissante croyance, quasi intacte et peu questionnée, que l'entreprenariat privé est en mesure, (modulo les infrastructures d'essence strictement publique), de relever seul les défis majeurs qui attendent notre société.
Comme on peut l'observer tous les jours, les hommes d'affaires sont de retour, et ce à tous les étages de la société. Exécrable symbolique, s'il en est, mais non moins représentative de l'état général de la réflexion du moment, pour désigner tout à la fois l'homme-lige, quasi providentiel du développement comme la finalité associée à sa fonction sociale (fallacieuse), celle de créer emplois et richesses.
Loin de nous, bien évidemment l'idée de nier la formation puis la consolidation d'une classe sociale d'entrepreneurs qui a, de fait, densifié le tissu économique et contribué à l'amélioration du niveau de vie général.
Apparu sur le tard, au tournant des années 70, nombre de propriétaires fonciers et commerçants se sont lancés dans l'aventure industrielle. Sans devenir de véritables capitaines d'industrie (au sens étymologique du terme), ils n'en pas moins été de véritables bâtisseurs du pays. On sait ce qu'il est advenu par la suite. De très nombreux opportunistes se sont mêlés à cette première génération. D'où les confusions d'aujourd'hui. Des équivoques qui brouillent le jugement et paralysent la vision quant aux nouveaux mécanismes d'expansion économique et de régulation à instaurer et à mettre en œuvre. Faut-il laisser faire les forces du marché ? Faut-il, au nom de la liberté d'entreprendre, laisser se déployer le capital privé dans les activités de franchise, comme observé ces dernières années ? Peut-on permettre sans aucune réserve l'investissement privé dans les biens collectifs : l'eau, la santé, l'éducation, comme le laisse présager la multiplication des PPP? Est-il raisonnable de laisser le critère central de l'espérance de gain attendu conduire les destinées du pays? Autrement dit faut il n'encourager et donc ne financer que les projets qui s'inscrivent dans un horizon de demande solvable quasi immédiat? Où bien faut-il accorder la priorité aux programmes à rentabilité différée mais pourvoyeurs d'autres avantages comme ceux du rehaussement général du niveau des qualifications et des emplois durables? Tout est là !
Des enjeux considérables qu'ont tout de même un mal fou à masquer les tenants du nouveau libéralisme bon teint de la poursuite du même "modèle mais sans corruption".
De belles empoignades en perspective! A n'en pas douter
Ce n'est pas faute d'y avoir cru. A des degrés divers, le corps social et son opinion publique ont été abusés, mystifiés ! Une savante orchestration de données partielles et partiales, d'études et de rapports ont fini par convaincre, (souvent les plus critiques), que le pays était sur la voie du progrès.
Ce n'était donc qu'une affaire de temps avant que la Tunisie ne rejoigne le camp des pays développés. Seul bémol l'autoritarisme ; mais qu'à cela ne tienne! De facto, le pays a connu une croissance enviée de l'ordre de 5% pendant plus de 20 ans.
Celle-ci a entrainé dans son sillage un relèvement substantiel du niveau de vie moyen de la population. Le pays des couches moyennes...n'avait de cesse de marteler les organes de communication adossé à un appareillage statistique toujours plus sophistiqué. Une perception confortée et complaisamment relayée par les propres observations des grandes institutions internationales et par les voix autorisées de prescripteurs d'opinion.
Les mea-culpa et repentirs du FMI, de la Banque Mondiale, comme de la Commission Européenne apparaissent, -avec le recul-, bien dérisoires pour ne pas dire cyniques, quand on sait leur accès aux sources réelles d'information.
Au mieux une duplicité silencieuse et feinte, au pire une complicité active et sans états d'âme. Au final tout de même, les contradictions d'un système ont fini par exploser au grand jour! La découverte de déconvenues, de discordances, qui ne se limitent plus au seul caractère népotique concussionnaire du régime et de ses affidés, mais bien plus gravement aux dysfonctionnements du dit modèle, comme aux déséquilibres qui affectent l'ensemble de du corps social: Un ascenseur social en panne ! Une société salariale bien plus en forme de sablier que d'une montgolfière ! Des inégalités de fortune au sens immédiat comme figuré de conditions outrageusement différentiées d'accès à une vie décente et digne! Un système productif à bout de souffle et sous perfusion permanente... Toutes choses qui n'ont qu'un très lointain rapport avec la corruption des sphères dirigeantes du pays.
Le pays éberlué et abasourdi découvre depuis avec effroi l'étendue des dégâts et constate le caractère multiforme de la crise sociale et politique. Une crise systémique, diraient les économistes.
Un désarroi d'autant plus aggravé qu'il n'y a plus en ce début de 21ème siècle de référent idéologique auquel se raccrocher, d'archétype à imiter ! Le socialisme s'est effondré, le capitalisme globalisé peu ragoûtant.
Mais plus proche encore, nos concitoyens perçoivent aussi les déboires et les mésaventures de régimes tels ceux de l'Iran islamiste ou de la Turquie islamo-libérale. Effectivement pas de quoi sauter au plafond! Rien d'enthousiasmant à l'horizon ! Que faire? Dans quelles directions aller?
Comment? Désenchantement civilisationnel, il y a surement de cela... Aussi sommes nous condamner, à tâtonner, à improviser, mais non sans avoir quelques principes issus eux-mêmes de faits d'expérience.
Faudrait-il pour autant céder à ce nouvel air ambiant, en vogue et à la mode, celui du pragmatisme et du réalisme réduit à sa plus simple et caricaturale expression : celui de se soumettre à cette logique mondialisée de la compétition internationale, seule issue possible ? De nombreuses élites intellectuelles et forces politiques le pensent sincèrement.
Econduites du modèle bien évidemment la prédation, la corruption par la construction et la consolidation progressive d'un Etat de Droit, mais reconduit dans le même temps la logique d'une croissance plus vertueuse tirée par l'investissement privé, et la poursuite du désengagement organisé de l'Etat. Trop de bureaucratisme, trop de laxisme!
Certes! Mais est-ce bien la garantie sine-qua-none de la propagation d'un mieux être plus égalitaire? Rien n'est moins sûr! Experts et éditocrates sont d'ailleurs mobilisés dans ce sens: reproduire le modèle général sans ses erreurs ni excès en tous genres!
Un modèle plus solidaire et plus inclusif entend-on! Mais comment? Par une plus juste redistribution des fruits de la croissance! Un vœu pieux quand ces mêmes élites préconisent à demis mots de détricoter le droit du travail afin d'assurer -via un nouveau code des investissements-, l'attractivité et la compétitivité du "site Tunisie".
Dans le contexte international et régional de dumping tous azimuts, il apparaît douteux que l'on puisse concilier tout à la fois des avancées sociales substantielles avec les impératifs de réduction des coûts production et les exigences d'optimisation fiscale et parafiscale tant recherchés par les investisseurs. Mais il y a plus encore déplorable et plus dommageable.
La persistance dans la toute puissante croyance, quasi intacte et peu questionnée, que l'entreprenariat privé est en mesure, (modulo les infrastructures d'essence strictement publique), de relever seul les défis majeurs qui attendent notre société.
Comme on peut l'observer tous les jours, les hommes d'affaires sont de retour, et ce à tous les étages de la société. Exécrable symbolique, s'il en est, mais non moins représentative de l'état général de la réflexion du moment, pour désigner tout à la fois l'homme-lige, quasi providentiel du développement comme la finalité associée à sa fonction sociale (fallacieuse), celle de créer emplois et richesses.
Loin de nous, bien évidemment l'idée de nier la formation puis la consolidation d'une classe sociale d'entrepreneurs qui a, de fait, densifié le tissu économique et contribué à l'amélioration du niveau de vie général.
Apparu sur le tard, au tournant des années 70, nombre de propriétaires fonciers et commerçants se sont lancés dans l'aventure industrielle. Sans devenir de véritables capitaines d'industrie (au sens étymologique du terme), ils n'en pas moins été de véritables bâtisseurs du pays. On sait ce qu'il est advenu par la suite. De très nombreux opportunistes se sont mêlés à cette première génération. D'où les confusions d'aujourd'hui. Des équivoques qui brouillent le jugement et paralysent la vision quant aux nouveaux mécanismes d'expansion économique et de régulation à instaurer et à mettre en œuvre. Faut-il laisser faire les forces du marché ? Faut-il, au nom de la liberté d'entreprendre, laisser se déployer le capital privé dans les activités de franchise, comme observé ces dernières années ? Peut-on permettre sans aucune réserve l'investissement privé dans les biens collectifs : l'eau, la santé, l'éducation, comme le laisse présager la multiplication des PPP? Est-il raisonnable de laisser le critère central de l'espérance de gain attendu conduire les destinées du pays? Autrement dit faut il n'encourager et donc ne financer que les projets qui s'inscrivent dans un horizon de demande solvable quasi immédiat? Où bien faut-il accorder la priorité aux programmes à rentabilité différée mais pourvoyeurs d'autres avantages comme ceux du rehaussement général du niveau des qualifications et des emplois durables? Tout est là !
Des enjeux considérables qu'ont tout de même un mal fou à masquer les tenants du nouveau libéralisme bon teint de la poursuite du même "modèle mais sans corruption".
De belles empoignades en perspective! A n'en pas douter
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