Lors des élections de 2011, l'enjeu politique principal portait sur l'identité islamique mise à mal par un demi-siècle de modernisation autoritaire qui marginalisa les institutions et les médiations religieuses.
La victoire électorale fut, en toute logique, le lot des partis qui revendiquèrent la réconciliation des Tunisiens avec la tradition de l'islam et qui, en même temps, développèrent un discours de rupture avec l'ancien régime.
Cette victoire fut d'autant plus large que le vote séculariste fut éparpillé et que le taux d'abstention fut élevé, notamment chez les jeunes. À l'époque, la projection par une chaîne de télévision privée d'une version en dialecte tunisien du film iranien "Persepolis" suscita, à la veille des élections de la Constituante, une mobilisation du camp islamiste et identitaire opposé à la diffusion de l'image du Prophète jugée iconoclaste. Le principe de la défense du sacré fut d'ailleurs inscrit, en même temps que la liberté de culte, dans le texte de la nouvelle Constitution de 2014. Votée à la quasi-unanimité des élus, la Charte fondamentale constitue, à l'image de la société tunisienne, un "patchwork" révélateur du compromis historique entre les islamistes et les sécularistes.
L'accès des islamistes au pouvoir au sein d'une troïka composée du parti Ennahdha allié aux partis du Congrès pour la république et d'Ettakatol révéla les limites de l'islam politique et du populisme dans la gestion des affaires de l'Etat.
La restructuration de la société civile par le biais de la montée de l'opposition et de la stratégie d'occupation des places publiques, en rapport étroit avec le développement du terrorisme et des assassinats politiques, changea la donne politique et la nature des rapports de force. Sous la pression de la société civile conduite par la Centrale syndicale ainsi que sous l'effet du coup d'Etat égyptien qui décapita l'organisation-mère des "Frères musulmans", le dialogue national permit le départ négocié des islamistes tunisiens et la constitution d'un gouvernement de technocrates chargé des affaires courantes et de l'organisation des élections.
L'enjeu des élections prévues le 26 octobre pour les législatives et le 23 novembre pour le premier tour de la présidentielle est de type inédit. Il diffère de celui des échéances précédentes dans la mesure où il n'est pas d'ordre religieux et identitaire mais plutôt de facture civile et démocratique. Le débat public porte désormais, quoique d'une manière implicite, sur la citoyenneté conçue en tant qu'ensemble de droits et de libertés accompagnées d'une volonté de restauration de l'autorité de l'Etat et d'une quête obstinée du consensus national.
Les droits et les libertés émanent des revendications du mouvement protestataire qui fut à l'origine de l'écroulement du régime de la dictature policière. Ces droits consistent dans les demandes pressantes de travail et de dignité qui n'ont pas été satisfaites par les gouvernements qui se sont succédé depuis la chute de Ben Ali.
Les Tunisiens parlent librement et aucun sujet n'est tabou au point que les médias se trouvent tiraillés entre liberté d'information exercée dans l'espace public pluraliste et éthique professionnelle de maîtrise des sujets abordés et de respect de la vie privée des citoyens.
L'événement politique majeur de ces deux dernières années de la transition est, incontestablement, la fondation par l'ancien premier ministre, Béji Caïd Essebsi, du parti de Nida Tounes ("L'Appel de la Tunisie") qui permit, en peu de temps, de créer un contrepoids au pouvoir des islamistes et de rééquilibrer la scène politique tunisienne jusque-là dominée par un pouvoir sans limites.
La réhabilitation de l'autorité de l'Etat est aujourd'hui une des principales revendications du parti de Nida Tounes qui occupe la première place au niveau des intentions de vote et possède de fortes chances de remporter le scrutin même si rien n'est absolument sûr en raison de la fragilité constitutive de l'opinion publique. En plus, la montée d'une troisième force politique (Union patriotique libre, Front populaire, Alliance démocratique...) pourrait bouleverser l'ordre des alliances au sein du futur parlement.
Erodé par trois ans de pouvoir, le parti d'Ennahdha dont les deux anciens alliés au sein de la troïka semblent en chute libre selon les sondages développe un discours conciliateur en vue de la cooptation d'un "président consensuel" et de la formation d'un "gouvernement d'union nationale" composé d'islamistes et de sécularistes, y compris des hommes de l'ancien régime.
Les deux grands partis politiques de la Tunisie actuelle que sont Nida et Ennahdha dirigés par deux leaders charismatiques sont en rude compétition pour la première place au sein du futur parlement qui autorise de facto la formation du prochain gouvernement.
En dépit de la similarité des promesses électorales concernant la création d'emplois et la résorption de la crise économique et sociale, ce sont deux projets de société qui s'affrontent: Le projet réformiste bourguibiste et le projet de moralisation islamiste. Une alliance en vue de la formation d'un gouvernement d'union nationale n'est toutefois pas à exclure, surtout en cas d'absence de majorité parlementaire et d'aggravation de la crise économique et financière, voire de montée de la contestation sociale dans les régions de l'intérieur.
En réalité, la bipolarisation de la scène politique n'est pas aussi désastreuse qu'on aurait tendance à le croire. Elle est certes porteuse de tensions mais dans la mesure où elle favorise l'alternance au pouvoir, elle aura le mérite de renforcer la démocratie naissante au lendemain des secondes élections libres dans le pays.
Au final, la citoyenneté en devenir qui se substitue à l'identité religieuse ne pourrait être réalisée que si elle réhabilite pleinement l'autorité des pouvoirs publics, en réduisant la raison d'Etat illégitime et en incluant l'ensemble des acteurs politiques dans le jeu démocratique.
La victoire électorale fut, en toute logique, le lot des partis qui revendiquèrent la réconciliation des Tunisiens avec la tradition de l'islam et qui, en même temps, développèrent un discours de rupture avec l'ancien régime.
Cette victoire fut d'autant plus large que le vote séculariste fut éparpillé et que le taux d'abstention fut élevé, notamment chez les jeunes. À l'époque, la projection par une chaîne de télévision privée d'une version en dialecte tunisien du film iranien "Persepolis" suscita, à la veille des élections de la Constituante, une mobilisation du camp islamiste et identitaire opposé à la diffusion de l'image du Prophète jugée iconoclaste. Le principe de la défense du sacré fut d'ailleurs inscrit, en même temps que la liberté de culte, dans le texte de la nouvelle Constitution de 2014. Votée à la quasi-unanimité des élus, la Charte fondamentale constitue, à l'image de la société tunisienne, un "patchwork" révélateur du compromis historique entre les islamistes et les sécularistes.
L'accès des islamistes au pouvoir au sein d'une troïka composée du parti Ennahdha allié aux partis du Congrès pour la république et d'Ettakatol révéla les limites de l'islam politique et du populisme dans la gestion des affaires de l'Etat.
La restructuration de la société civile par le biais de la montée de l'opposition et de la stratégie d'occupation des places publiques, en rapport étroit avec le développement du terrorisme et des assassinats politiques, changea la donne politique et la nature des rapports de force. Sous la pression de la société civile conduite par la Centrale syndicale ainsi que sous l'effet du coup d'Etat égyptien qui décapita l'organisation-mère des "Frères musulmans", le dialogue national permit le départ négocié des islamistes tunisiens et la constitution d'un gouvernement de technocrates chargé des affaires courantes et de l'organisation des élections.
L'enjeu des élections prévues le 26 octobre pour les législatives et le 23 novembre pour le premier tour de la présidentielle est de type inédit. Il diffère de celui des échéances précédentes dans la mesure où il n'est pas d'ordre religieux et identitaire mais plutôt de facture civile et démocratique. Le débat public porte désormais, quoique d'une manière implicite, sur la citoyenneté conçue en tant qu'ensemble de droits et de libertés accompagnées d'une volonté de restauration de l'autorité de l'Etat et d'une quête obstinée du consensus national.
Les droits et les libertés émanent des revendications du mouvement protestataire qui fut à l'origine de l'écroulement du régime de la dictature policière. Ces droits consistent dans les demandes pressantes de travail et de dignité qui n'ont pas été satisfaites par les gouvernements qui se sont succédé depuis la chute de Ben Ali.
Si l'ancien régime s'est effondré, le système politique en place continue de fonctionner selon une logique répressive dont témoigne la pratique de la torture dénoncée par nombre d'associations de la société civile même si les avancées en matière de libertés sont de plus en plus assurées par la libre circulation de la parole dans l'espace public.
Les Tunisiens parlent librement et aucun sujet n'est tabou au point que les médias se trouvent tiraillés entre liberté d'information exercée dans l'espace public pluraliste et éthique professionnelle de maîtrise des sujets abordés et de respect de la vie privée des citoyens.
L'événement politique majeur de ces deux dernières années de la transition est, incontestablement, la fondation par l'ancien premier ministre, Béji Caïd Essebsi, du parti de Nida Tounes ("L'Appel de la Tunisie") qui permit, en peu de temps, de créer un contrepoids au pouvoir des islamistes et de rééquilibrer la scène politique tunisienne jusque-là dominée par un pouvoir sans limites.
La réhabilitation de l'autorité de l'Etat est aujourd'hui une des principales revendications du parti de Nida Tounes qui occupe la première place au niveau des intentions de vote et possède de fortes chances de remporter le scrutin même si rien n'est absolument sûr en raison de la fragilité constitutive de l'opinion publique. En plus, la montée d'une troisième force politique (Union patriotique libre, Front populaire, Alliance démocratique...) pourrait bouleverser l'ordre des alliances au sein du futur parlement.
Erodé par trois ans de pouvoir, le parti d'Ennahdha dont les deux anciens alliés au sein de la troïka semblent en chute libre selon les sondages développe un discours conciliateur en vue de la cooptation d'un "président consensuel" et de la formation d'un "gouvernement d'union nationale" composé d'islamistes et de sécularistes, y compris des hommes de l'ancien régime.
Les deux grands partis politiques de la Tunisie actuelle que sont Nida et Ennahdha dirigés par deux leaders charismatiques sont en rude compétition pour la première place au sein du futur parlement qui autorise de facto la formation du prochain gouvernement.
En dépit de la similarité des promesses électorales concernant la création d'emplois et la résorption de la crise économique et sociale, ce sont deux projets de société qui s'affrontent: Le projet réformiste bourguibiste et le projet de moralisation islamiste. Une alliance en vue de la formation d'un gouvernement d'union nationale n'est toutefois pas à exclure, surtout en cas d'absence de majorité parlementaire et d'aggravation de la crise économique et financière, voire de montée de la contestation sociale dans les régions de l'intérieur.
En réalité, la bipolarisation de la scène politique n'est pas aussi désastreuse qu'on aurait tendance à le croire. Elle est certes porteuse de tensions mais dans la mesure où elle favorise l'alternance au pouvoir, elle aura le mérite de renforcer la démocratie naissante au lendemain des secondes élections libres dans le pays.
Au final, la citoyenneté en devenir qui se substitue à l'identité religieuse ne pourrait être réalisée que si elle réhabilite pleinement l'autorité des pouvoirs publics, en réduisant la raison d'Etat illégitime et en incluant l'ensemble des acteurs politiques dans le jeu démocratique.