Depuis Mesra, son village natal à Mostaghanem où il est né, Kamled Daoud en a fait du chemin. Lui, le lycéen studieux qui a décroché un bac mathématiques, a choisi en arrivant à Oran pour ses études universitaires de se spécialiser dans la Littérature française. Un choix qui l"aidera plus tard à se consacrer totalement au journalisme. Après 20 ans dans la presse - il écrit une chronique quotidienne au Quotidien d'Oran - Kamel Daoud éprouve le besoin d’écrire autre chose. Il tient son idée. Il écrit Meursault contre-enquête et c'est un franc succès. Aujourd'hui il est dans la short-list des candidats au Goncourt et ce n'est pas si mal que cela, dit-il dans cet entretien au Huffington Post où il évoque son roman, le Goncourt mais aussi la presse.
Al Huffington Post Algérie: Un premier roman, plusieurs prix nationaux et internationaux, dans la short-list du Goncourt, cela vous fait quoi ?
Kamel Daoud : Je trouve cela bien ! Pas seulement pour moi mais pour tous les auteurs francophones algériens d’abord, mais dans les autres pays aussi. Peut-être que j’ai réussi à démontrer que la langue française a réussi à s’autonomiser ailleurs. La langue française est créative mais avec un système totalement indépendant de Paris. Cela peut aussi encourager les gens à écrire, provoquer des vocations peut-être. Pas dans l’immédiat évidemment, mais ça viendra avec le temps. Mais aussi en tant qu’Algérien, je voudrais participer à restaurer la confiance en soi et le culte du succès Algérien.
Si j’arrive à démontrer qu’en partant d’un village, j’arrive à vendre un roman dans le monde en dix langues ou plus, certainement à moindre mesure que des écrivains qui m’ont précédé, de la génération dorée mais aussi de celle venue juste avant moi je parle de Sansal, Khadra et les autres, je participerai peut être à combler ce déficit d’images saine qu’on aimerait avoir sur soi.
Maintenant pour le Goncourt, c’est une gratification, c’est une reconnaissance et puis si je l’ai, on est à la veille de son attribution, c’est une preuve que les choses peuvent être perçues autrement en France. Que ce pays qui se referme sur soi garde, quand même, quelques fenêtres ouvertes sur le monde.
Cela signifie que Kamel Daoud croit en ses chances de remporter ce Goncourt le 05 novembre ?
Ce n’est pas une question de chance. Il s’agit plutôt d’un jury qui fait partie d’un pays, d’un réseau, d’un marché éditorial, de maisons d’éditions. Il y a somme toute beaucoup de calculs derrière un prix littéraire que la simple qualité de l’ouvrage. Il y a d’autre raisons. C’est ce que je suis entrain de découvrir.
C’est ce que me disent aussi les gens qui gravitent autour de ce monde que je ne connaissais pas avant. Mais on découvre aussi qu’il y a beaucoup de prix littéraires importants en France. Il y a des calculs entre maisons d’éditions qui sera la première à décrocher un prix. Il y a un marché qu’on se partage mais en même temps il y a un souci de qualité de promouvoir et de rafraîchir l’enfermement de la littérature française. Et beaucoup d’autres facteurs que je ne cerne pas tous tout autant que mon éditeur algérien et mon éditeur français.
Vous-vous êtes défendu d’avoir voulu faire du Camus? Avez- vous donc utilisé Camus pour attirer l’attention sur votre Roman?
J’ai écrit ce roman bien avant le centenaire. D’ailleurs je ne savais même pas qu’on allait célébrer un centenaire sur Camus . J’ai commencé Meursault contre-enquête en 2010, enfin la matrice du livre a été faite en 2010. Camus fait partie des interrogatoires du 20e siècle. Il m’intéresse parce que c’est un champ polémique, parce que c’est un écrivain du malaise et parce que c’est un écrivain de la condition humaine. C’est tout ceci qui m’intéresse.
Comment vous est venue cette "sorte" de suite à un roman bien que vous contestez que ce soit le cas ?
Effectivement ce n’est pas une suite à l’Etranger de Camus. J’ai écris un roman à partir de ce livre-là. C’est différent pour moi. Comment est venue cette idée ? Ce sont les mystères de l’inspiration, des fois on l’a et d’autres non. La généalogie d’une idée, il faut revenir pour comprendre sa genèse, pourquoi j’aime réécrire les maîtres de la littérature ou écrire autour d’eux. Je dirai tout simplement que l’idée est venue par hasard.
Le roman a mis cependant une année à se faire connaitre en France ?
Non, pas du tout. On le médiatise maintenant car c’est la saison des prix. Mais le roman a été un franc succès dès sa parution en Algérie. Il a été très bien commercialisé en Algérie dès novembre dernier. Le succès ne vient pas de France, il l’avait déjà en Algérie. Un succès qui n’est pas induit par sa parution en France. Celle-ci a eu lieu en mai. Donc pas une année après, c’est depuis mai qu’il rencontre un grand succès en France.
En parlant à Kamel Daoud on ne peut ne pas évoquer le journalisme. L'écrivain écrit-il ce que le journaliste ne peut pas faire?
Ce sont deux pratiques différentes. Je n’écris pas de la même manière, en plus moi je fais des chroniques. Et cet exercice journalistique est plus proche du style littéraire que du journalisme de terrain. Mais oui Daoud le romancier est le prolongement de Kamel le journaliste.
Pour revenir au journaliste, on ne peut aussi éluder la question sur la chronique où vous vous êtes démarqué de la solidarité avec Gaza. Ne pensez-vous pas que le moment était mal choisi pour le faire et au moment où des juifs sont des militants actifs du BDS et reconnaissent que la question palestinienne est une question d’injustice ?
Je ne voudrais pas aborder ce sujet à nouveau. Je n’ai pas dis que je n’étais pas solidaire avec Gaza. J’ai tout simplement dis voilà les raisons pour lesquelles je n’étais pas partisan de la solidarité du «guellal». J’ai demandé à ce que l’on réfléchisse à la question palestinienne et aux voies et moyens pour aboutir à une réelle solution. Peut-être que j’ai été mal compris, mais personne ne peut me faire douter de mon écrit. Je me suis démarqué de la solidarité momentanément mais je voulais qu’on arrête avec l’affect et que l’on soit assez puissant pour peser sur les rapports de force dans le monde.
La déclaration que vous avez faite récemment à Al Jazeera mais aussi au quotidien El Watan où vous dites que le roman écrit en arabe n’arrive pas autant que la langue à se libérer du poids du sacré en citant un constat de l’écrivain égyptien Alaâ al Aswani. Ne pensez-vous pas que des auteurs comme Ahlam Mostghanemi, Rachid Boudjedra, Bachir Mefti, Samir Kacimi, Amine Zaoui ou encore Tahar Ouettar, l’auteur arabophone le plus détesté des francophones, sont beaucoup plus audacieux que la majorité des auteurs francophones ?
Non ce n’était pas ce que j’ai dit. Je crois qu’il y a eu un malentendu. On m’a posé une question si j’écrivais en français ou en arabe. J’ai dis aussi que c’est une question de marché. Que celui de la langue arabe était faible et qu’il ne permettait pas d’évoluer. J’ai dis que si j’étais égyptien ou libanais j’écrirai en arabe car le marché du livre en langue arabe dans ces pays était porteur.
On m’a posé une question sur le rapport avec la langue arabe, j’ai dit que son problème en Algérie, et je souligne bien l’Algérie, la langue est piégée par la notion du sacré et n’arrive pas à faire évoluer la notion du roman. J’ai dit que le roman arabe ou arabophone arrive à évoluer sainement en Egypte, au Liban ou en Syrie autrefois. Pas en Algérie. On a sur-investi la langue et on l’a bloquée par la notion du sacré. Par bloquer la langue, j’entends la langue romanesque.
Les auteurs en langue arabe en Algérie ne vivent pas de leurs écrits. Les consommateurs de roman en langue arabe ne sont pas nombreux. Je ne parle pas de ces grands romanciers dont vous parlez. J’évoque la faiblesse d’un lectorat, d’un marché et d’un poids idéologique sur une langue.
Loin de moi l’idée de rabaisser le travail de mes pairs arabophones ou leur créativité. J’ai un énorme respect pour ces gens-là. Je ne juge ni les auteurs ni la langue. Ahlem Mostaghenmi a fait son audience au Liban avant de l’étendre en Algérie.
Al Huffington Post Algérie: Un premier roman, plusieurs prix nationaux et internationaux, dans la short-list du Goncourt, cela vous fait quoi ?
Kamel Daoud : Je trouve cela bien ! Pas seulement pour moi mais pour tous les auteurs francophones algériens d’abord, mais dans les autres pays aussi. Peut-être que j’ai réussi à démontrer que la langue française a réussi à s’autonomiser ailleurs. La langue française est créative mais avec un système totalement indépendant de Paris. Cela peut aussi encourager les gens à écrire, provoquer des vocations peut-être. Pas dans l’immédiat évidemment, mais ça viendra avec le temps. Mais aussi en tant qu’Algérien, je voudrais participer à restaurer la confiance en soi et le culte du succès Algérien.
Si j’arrive à démontrer qu’en partant d’un village, j’arrive à vendre un roman dans le monde en dix langues ou plus, certainement à moindre mesure que des écrivains qui m’ont précédé, de la génération dorée mais aussi de celle venue juste avant moi je parle de Sansal, Khadra et les autres, je participerai peut être à combler ce déficit d’images saine qu’on aimerait avoir sur soi.
Maintenant pour le Goncourt, c’est une gratification, c’est une reconnaissance et puis si je l’ai, on est à la veille de son attribution, c’est une preuve que les choses peuvent être perçues autrement en France. Que ce pays qui se referme sur soi garde, quand même, quelques fenêtres ouvertes sur le monde.
Cela signifie que Kamel Daoud croit en ses chances de remporter ce Goncourt le 05 novembre ?
Ce n’est pas une question de chance. Il s’agit plutôt d’un jury qui fait partie d’un pays, d’un réseau, d’un marché éditorial, de maisons d’éditions. Il y a somme toute beaucoup de calculs derrière un prix littéraire que la simple qualité de l’ouvrage. Il y a d’autre raisons. C’est ce que je suis entrain de découvrir.
C’est ce que me disent aussi les gens qui gravitent autour de ce monde que je ne connaissais pas avant. Mais on découvre aussi qu’il y a beaucoup de prix littéraires importants en France. Il y a des calculs entre maisons d’éditions qui sera la première à décrocher un prix. Il y a un marché qu’on se partage mais en même temps il y a un souci de qualité de promouvoir et de rafraîchir l’enfermement de la littérature française. Et beaucoup d’autres facteurs que je ne cerne pas tous tout autant que mon éditeur algérien et mon éditeur français.
Vous-vous êtes défendu d’avoir voulu faire du Camus? Avez- vous donc utilisé Camus pour attirer l’attention sur votre Roman?
Non, ce n’est pas attirer l’attention sur le roman. C’est un roman avec ses propres ingrédients dans le sens où Camus était un prétexte pour moi. Il fait partie de mon patrimoine, de mon héritage, dans le sens où je l’ai lu et relu. Camus fait partie aussi de l’histoire algérienne qu’on le veuille ou non. Si on était des africains du sud par exemple on aurait peut-être érigé des statues pour Camus. Mais nous sommes ici en Algérie, et on a des rapports exclusifs avec notre histoire au lieu de rapports inclusifs. Camus je ne m’en suis pas servi.
J’ai écrit ce roman bien avant le centenaire. D’ailleurs je ne savais même pas qu’on allait célébrer un centenaire sur Camus . J’ai commencé Meursault contre-enquête en 2010, enfin la matrice du livre a été faite en 2010. Camus fait partie des interrogatoires du 20e siècle. Il m’intéresse parce que c’est un champ polémique, parce que c’est un écrivain du malaise et parce que c’est un écrivain de la condition humaine. C’est tout ceci qui m’intéresse.
Comment vous est venue cette "sorte" de suite à un roman bien que vous contestez que ce soit le cas ?
Effectivement ce n’est pas une suite à l’Etranger de Camus. J’ai écris un roman à partir de ce livre-là. C’est différent pour moi. Comment est venue cette idée ? Ce sont les mystères de l’inspiration, des fois on l’a et d’autres non. La généalogie d’une idée, il faut revenir pour comprendre sa genèse, pourquoi j’aime réécrire les maîtres de la littérature ou écrire autour d’eux. Je dirai tout simplement que l’idée est venue par hasard.
Le roman a mis cependant une année à se faire connaitre en France ?
Non, pas du tout. On le médiatise maintenant car c’est la saison des prix. Mais le roman a été un franc succès dès sa parution en Algérie. Il a été très bien commercialisé en Algérie dès novembre dernier. Le succès ne vient pas de France, il l’avait déjà en Algérie. Un succès qui n’est pas induit par sa parution en France. Celle-ci a eu lieu en mai. Donc pas une année après, c’est depuis mai qu’il rencontre un grand succès en France.
En parlant à Kamel Daoud on ne peut ne pas évoquer le journalisme. L'écrivain écrit-il ce que le journaliste ne peut pas faire?
Ce sont deux pratiques différentes. Je n’écris pas de la même manière, en plus moi je fais des chroniques. Et cet exercice journalistique est plus proche du style littéraire que du journalisme de terrain. Mais oui Daoud le romancier est le prolongement de Kamel le journaliste.
Pour revenir au journaliste, on ne peut aussi éluder la question sur la chronique où vous vous êtes démarqué de la solidarité avec Gaza. Ne pensez-vous pas que le moment était mal choisi pour le faire et au moment où des juifs sont des militants actifs du BDS et reconnaissent que la question palestinienne est une question d’injustice ?
Je ne voudrais pas aborder ce sujet à nouveau. Je n’ai pas dis que je n’étais pas solidaire avec Gaza. J’ai tout simplement dis voilà les raisons pour lesquelles je n’étais pas partisan de la solidarité du «guellal». J’ai demandé à ce que l’on réfléchisse à la question palestinienne et aux voies et moyens pour aboutir à une réelle solution. Peut-être que j’ai été mal compris, mais personne ne peut me faire douter de mon écrit. Je me suis démarqué de la solidarité momentanément mais je voulais qu’on arrête avec l’affect et que l’on soit assez puissant pour peser sur les rapports de force dans le monde.
La déclaration que vous avez faite récemment à Al Jazeera mais aussi au quotidien El Watan où vous dites que le roman écrit en arabe n’arrive pas autant que la langue à se libérer du poids du sacré en citant un constat de l’écrivain égyptien Alaâ al Aswani. Ne pensez-vous pas que des auteurs comme Ahlam Mostghanemi, Rachid Boudjedra, Bachir Mefti, Samir Kacimi, Amine Zaoui ou encore Tahar Ouettar, l’auteur arabophone le plus détesté des francophones, sont beaucoup plus audacieux que la majorité des auteurs francophones ?
Non ce n’était pas ce que j’ai dit. Je crois qu’il y a eu un malentendu. On m’a posé une question si j’écrivais en français ou en arabe. J’ai dis aussi que c’est une question de marché. Que celui de la langue arabe était faible et qu’il ne permettait pas d’évoluer. J’ai dis que si j’étais égyptien ou libanais j’écrirai en arabe car le marché du livre en langue arabe dans ces pays était porteur.
On m’a posé une question sur le rapport avec la langue arabe, j’ai dit que son problème en Algérie, et je souligne bien l’Algérie, la langue est piégée par la notion du sacré et n’arrive pas à faire évoluer la notion du roman. J’ai dit que le roman arabe ou arabophone arrive à évoluer sainement en Egypte, au Liban ou en Syrie autrefois. Pas en Algérie. On a sur-investi la langue et on l’a bloquée par la notion du sacré. Par bloquer la langue, j’entends la langue romanesque.
Les auteurs en langue arabe en Algérie ne vivent pas de leurs écrits. Les consommateurs de roman en langue arabe ne sont pas nombreux. Je ne parle pas de ces grands romanciers dont vous parlez. J’évoque la faiblesse d’un lectorat, d’un marché et d’un poids idéologique sur une langue.
Loin de moi l’idée de rabaisser le travail de mes pairs arabophones ou leur créativité. J’ai un énorme respect pour ces gens-là. Je ne juge ni les auteurs ni la langue. Ahlem Mostaghenmi a fait son audience au Liban avant de l’étendre en Algérie.
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Kamel Daoud parle de sa manière d'écrire à Lotfi Mokdad pour le Huffington Post Algérie
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