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Quels pouvoirs pour le nouveau président de la République tunisienne?

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La Tunisie s'apprête à élire le premier président de la République tunisienne sous la nouvelle Constitution adoptée en janvier 2014.

Bien que son élection semble générer plus d'intérêt que les législatives du 26 octobre dernier, beaucoup en Tunisie s'accordent à dire que les pouvoirs du président tunisien sont très limités, voire trop limités.

Pour mener à cette conclusion, les pouvoirs du président de la France sont souvent pris comme point de comparaison.

Une lecture détaillée des pouvoirs respectifs de ces deux présidents mène à une conclusion différente.

Comme en France, le président de la République tunisienne veille au respect de la Constitution, il garantit l'intégrité territoriale, la continuité de l'Etat, l'indépendance de l'Etat (dans le cas tunisien) ou nationale (dans le cas français).

Dans le cas tunisien, il possède les pouvoirs régaliens de déterminer les orientations générales de la défense, des affaires étrangères et d'assurer la sécurité intérieure de la République, et cela en concertation avec le chef du gouvernement. La Constitution française reste silencieuse quant aux affaires étrangères, bien que la pratique constitutionnelle attribue ces prérogatives à l'Elysée.

Les deux ratifient les traités internationaux, nomment et accréditent les ambassadeurs. Ils disposent du pouvoir de grâce.

Ils sont chefs des armées, ils président les organes supérieurs de la sécurité nationale. Ils prennent les mesures nécessaires dans les cas de circonstances exceptionnelles. Ils nomment aux hautes fonctions militaires (après consultation du chef du gouvernement dans le cas tunisien).

Le président tunisien nomme certains hauts fonctionnaires comme le Mufti de la République, le Gouverneur de la Banque Centrale sur proposition du chef du gouvernement et avec l'approbation de la majorité absolue des députés.

En Tunisie, ce pouvoir de dissolution était une prérogative demandée jusqu'à l'adoption de la Constitution par la majorité des partis représentés à l'Assemblée nationale constituante à l'exception du parti Ennahdha qui estimait que ce pouvoir était disproportionné - qu'il constituait une épée de Damoclès du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif.

Conformément à la nouvelle Constitution, l'hôte de Carthage, s'il l'estime nécessaire, pourra renvoyer des projets de lois adoptés par le Parlement pour une deuxième délibération. A la différence du président français, pour certains types de lois, une majorité spéciale sera nécessaire au Parlement pour les adopter en seconde lecture, au lieu de la majorité absolue en première lecture.

De plus, le président peut également exceptionnellement soumettre au référendum populaire les projets de lois sensibles dans le contexte tunisien : celles liées aux droits et libertés, au statut personnel ou projet de révision de la Constitution. Le pouvoir référendaire est plus encadré pour le président français et constitue en Tunisie un réel pouvoir de contournement du Parlement par le chef de l'Etat.

Les pouvoirs du président de la République après 2014 ne seront donc pas des pouvoirs mineurs, bien au contraire.

La plus grande différence entre les systèmes français et tunisien est probablement liée à la philosophie du pouvoir voulue par le constituant tunisien.

En France, les institutions, le mode de scrutin et le séquençage des élections présidentielles (en premier lieu) et législatives (en second lieu) ont été pensés de manière à favoriser l'émergence d'une majorité présidentielle au Parlement. Le contrôle de la majorité parlementaire et du gouvernement sont, sauf cas de cohabitation, exercés par le Président.

Cette configuration politique résultant des élections donne l'illusion d'un président français constitutionnellement puissant. En cas de cohabitation, ses domaines d'interventions sont beaucoup plus limités.

Le constituant tunisien a conçu une architecture institutionnelle cherchant à atteindre un équilibre au sein même du pouvoir exécutif. Le président de la République exercerait un rôle de contre-pouvoir, dans le cadre d'une cohabitation, à la coalition gouvernementale et sa majorité au Parlement avec l'espoir de voir élire un président d'une formation politique différente de celle de la majorité parlementaire et du gouvernement.

A défaut de cohabitation, et dans l'hypothèse d'une majorité parlementaire alignée politiquement sur le président tunisien, il pourrait être aussi puissant que son homologue français.

La volonté du constituant d'établir un régime politique équilibré, de type semi - présidentiel, risquera dès lors d'évoluer vers une présidentialisation du régime tunisien.



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