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Le ventre, ce grand tabou du corps féminin

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"Le retour en grâce des fesses", titrait Marie-Claire en mai dernier. "Nous sommes officiellement entrés dans l'ère des grosses fesses", nous informe Vogue début septembre. Venant du célèbre magazine de mode dont les pages restent désespérément vides de fessiers rebondis, la phrase ne manque pas d'ironie.

Sans surprise, les critiques ont dénoncé avec raison le fait que les grosses fesses plaisent et ont du succès depuis toujours, notamment dans la culture afro-américaine ou latino, même si Vogue est apparemment le dernier à être au courant. Mais il est vrai qu'en ce moment, la fesse et par extension la cuisse ont le vent en poupe dans les médias de toute sorte. On les célèbre un peu partout : Jennifer Lopez et Iggy Azalea dans leur dernier clip en commun, Queen Beyoncé, Nicki Minaj et son clip Anaconda... Les fesses de la petite sœur de Kate Middleton ont été admirées lors du mariage royal anglais, même si Pippa a utilisé un postiche pour donner plus d'ampleur à son postérieur. On parle à peu près autant aujourd'hui des fesses des femmes que de leurs seins, l'autre attribut féminin par excellence qui se doit également d'être toujours plus gros et toujours plus dévoilé.

La femme parfaite a donc de gros seins, de grosses fesses... mais pourquoi n'a-t-elle pas un gros ventre ? L'estomac reste un grand tabou du corps féminin : il ne doit pas exister, il doit être le plus plat possible, et la taille doit être bien marquée, sans bourrelets disgracieux. C'est encore plus flagrant quand on observe la mode et ses mannequins. Ceux-ci se diversifient doucement et on voit de plus en plus de mannequins « grande taille » poser ou défiler pour des marques qui ne sont pas traditionnellement plus size, comme la sublime Denise Bidot (taille 42) lors de la dernière Fashion Week de New York. Pourtant, aucune des mannequins grande taille en vue n'ont de ventre. Elles ont toutes une silhouette dite en sablier ou en huit, avec une poitrine et des hanches développées, mais une taille fine et un ventre plat.

En réalité, selon une étude de la North Carolina State University publiée en 2005, seules 8% des femmes seraient les heureuses propriétaires de la fameuse silhouette en sablier. 46% d'entre elles seraient par contre dotées d'une silhouette rectangulaire, avec une taille peu marquée et sujette à l'épaississement. Ce ventre que l'on ne saurait voir est d'ailleurs devenu une source d'inquiétude et un vrai critère de beauté. Dans son étude réalisée en 2012 sur ce thème, l'institut Ipsos révèle que 41% des Français interrogés n'aiment pas leur ventre, et que celui-ci est pour 57% d'entre eux leur premier objet de complexe. En travaillant dans la lingerie féminine, notamment grande taille, j'ai tous les jours des clientes qui me demandent expressément si je n'ai pas quelque chose pour gommer leur ventre, et leur ventre seulement. Les hanches s'assument, les fesses rebondies font fureur, les cuisses charnues sont sexy. Mais il faut encore empaqueter son ventre dans une gaine extra renforcée pour l'aplatir et le rendre présentable. Comment se fait-il qu'on cristallise autant de complexes autour de notre nombril ?

Le ventre plat, signe de bonne santé physique

Aujourd'hui, on se méfie des gros ventres d'abord pour des raisons de santé. La graisse abdominale est considérée comme la plus dangereuse, car la plus liée aux risques cardio-vasculaires. Avoir un ventre plat n'est donc pas seulement une question d'esthétique, c'est d'abord un signe que l'on prend soin de soi et de sa santé. Du coup, ceux qui affichent un bedon rebondi sont rapidement accusés d'un certain laisser-aller et d'un poil dans la main qui les empêche de faire les séries d'abdos ou le vélo elliptique de rigueur pour sculpter le milieu de leur corps.

Cependant, notre ventre est bien plus qu'une (petite ou grosse) bouée. La science moderne rejoint les médecines traditionnelles et les mythologies sur l'importance de notre panse. Dans la cosmogonie chinoise, le ventre est le lieu du Qi originel, c'est-à-dire la rencontre entre notre corps énergétique et notre corps physique. Dans la philosophie hindoue, le ventre est le siège de l'âme. Pour les bouddhistes, le gros estomac du Bouddha rieur symbolise la chance et le bonheur. Notre ventre serait donc la source de notre énergie, de notre bien-être, mais aussi de nos émotions. Les douleurs physiques à ce niveau-là ont souvent une dimension psychologique, comme l'explique Mathilde Faire dans son ouvrage La symbolique du ventre. Depuis peu, la science a montré que notre intestin est le seul autre organe de notre corps, avec notre cerveau, où l'on trouve des neurones. 80% de la sérotonine, l'hormone qui influe le plus sur notre humeur, est produite à cet endroit-là. Le ventre joue donc un rôle crucial dans notre équilibre et notre santé globale, et pas seulement comme facteur de risque cardio-vasculaire.

Une sexualisation à outrance des attributs sexuels féminins

Si le ventre est le siège de l'âme et de nos émotions, pourquoi chercher à tout prix à le faire disparaître ? Chez la femme, c'est plutôt qu'il est éclipsé par les attributs sexuels biologiquement féminins : les seins et les fesses. Pour ceux-ci, la politique du « plus c'est gros, mieux c'est » s'applique joyeusement. Mais qui a décrété que les gros seins étaient plus seyants que les petits ? Principalement le male gaze, ou le regard masculin, un concept élaboré en 1975 par la critique de cinéma Laura Mulvey. Elle désigne par ce terme le regard que portent les hommes hétérosexuels sur les femmes, dans la société ou les médias. Comme le dit Laura Mulvey, « parce que la plupart des films sont faits par des hommes hétérosexuels, ils sont tournés selon la perspective d'un homme straight et obligent les spectateurs/trices à adopter cette perspective. » C'est par exemple le male gaze qui explique que le corps des femmes est très souvent, voire systématiquement, présenté et filmé de façon fragmentée : le décolleté, la cambrure, les jambes... Dans la même veine, c'est à cause du regard masculin que les personnages de femmes sont régulièrement érotisés sans raison dans les médias ou au cinéma, ou bien que les corps féminins sont utilisés dans la publicité pour vendre tout et n'importe quoi (des voitures aussi bien que des yaourts).

La vidéo ci-dessous (en anglais) est très parlante:



Ainsi, à force de décortiquer le corps des femmes pour mettre en avant leurs seins et leurs fesses, on se concentre sur eux et on en oublie le ventre, qui à son tour doit se faire oublier. Le ventre n'est pas vu en Occident comme un attribut sexuel, il n'a pas la dimension érotique de la poitrine ou du postérieur. Dans la conception en permanence érotisée des femmes qui prédomine aujourd'hui, il doit donc, au sens propre, se faire tout petit, et même le plus petit possible pour mettre en valeur le volume ravageur des seins et des fesses. Le tout pour le plus grand bonheur du spectateur/lecteur masculin hétérosexuel.

Le refus de l'évolution naturelle du corps féminin

C'est bien connu, quand la femme prend du poids, ça va directement dans les hanches ou les cuisses, et chez l'homme, tout part dans le ventre. La faute aux hormones masculines (testostérone) et féminines (estrogènes et progestérone), qui répartissent différemment la graisse dans notre corps. Cependant, au cours de la vie d'une femme, les niveaux d'hormones varient et sa silhouette aussi. Au moment de la grossesse, le ventre s'arrondit et incarne parfaitement le symbole de la mère nourricière, du réconfort, de la protection. Mais même après la naissance, il est plutôt courant pour une femme de conserver un petit ventre, pendant quelques mois ou pour toujours. A l'inverse des pages people où des jeunes mères ayant accouché il y a moins de deux mois affichent un ventre parfaitement plat, la photographe américaine Jade Beall a publié un livre photos intitulé The Bodies of Mothers (Les corps des mères). Sur ces photos, on voit des mères de tout âge et de toute silhouette porter fièrement ce ventre que la société refuse de prendre en compte, même après une grossesse. Parfois, leur peau porte la marque des vergetures ou des césariennes, et ça nous rappelle que c'est également ça, le ventre des femmes : une histoire.

De même, dès la quarantaine, la baisse d'hormones commence à chuter chez les femmes. Cela entraîne naturellement un changement de silhouette : les graisses se fixent plus facilement au niveau de l'estomac, comme chez les hommes. C'est parfaitement naturel et biologiquement inévitable, et pourtant cela peut générer un complexe : on s'éloigne de la silhouette dite « féminine », la fameuse morphologie en huit qui est jugée idéale. Mais en même temps, qu'est-ce qu'on peut bien en avoir à faire ?

Notre ventre, c'est plein de choses: un symbole universel, un organe œuvrant à notre bien-être, une source de plaisirs gustatifs, mais aussi le témoin d'une vie, la nôtre, et des évènements qui peuvent l'avoir jalonnée (grossesse, accouchement, ménopause). Si l'on en croit les médecins, il faut en prendre soin, le masser régulièrement, l'apprivoiser et faire la paix avec lui pour faire la paix avec notre corps tout entier. Il reste le grand absent des pages mode et beauté et des tapis rouges, mais il est peut-être temps de se ficher de ce qu'on nous dit : un ventre rebondi peut être joli, érotique, féminin, et si c'est le nôtre, alors il est d'autant plus temps d'apprendre à l'aimer !

(Dés)habiller son ventre !

Alors comment se sentir bien dans son ventre et dans son corps en général ? La lingerie féminine a très bien su s'adapter pour gommer ou sublimer le petit ventre des femmes, selon leurs envies et les occasions. Une gaine taille très haute, forme culotte ou shorty, permet de lisser les bourrelets au niveau de l'estomac et rend la silhouette plus harmonieuse sous une robe de soirée par exemple. Choisissez un modèle de bonne qualité, si possible avec des baleines en acier qui renforceront le tissu, pour éviter que la gaine ne roule et ne galbe pas grand-chose au final. Pour les adeptes des méthodes de grand-mère, ou pour celles qui veulent un résultat bluffant, un corset serre-taille peut vraiment faire des miracles. Encore une fois, il faut le choisir de qualité, avec des baleines en acier et des liens de serrage solides qui vont permettre de vraiment sculpter votre taille. N'hésitez pas à vous rendre en boutique pour vous faire conseiller - une bonne vendeuse vous donnera un serre-taille qui mesure 5 centimètres de moins que votre tour de taille, pour obtenir une silhouette de pin-up !

Sinon, pour le quotidien ou pour celles qui veulent laisser respirer leur nombril, ça fait quelques années qu'on est en plein dans le retour du rétro. Et qui dit rétro dit... taille haute ! Culottes affriolantes qui arrivent au-dessus du nombril, shortys bien emboîtants, il y a pour tous les goûts - La taille haute permet de se sentir « tenue » et a un côté rassurant. Elle met en valeur le creux de la taille et l'arrondi de la hanche de manière délicieuse. Mais la taille basse a l'avantage de justement dévoiler, voire souligner, ce ventre qui nous perturbe temps - et il n'en est que plus séduisant !

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