NDRL: Ce blog a été rédigé avant le premier tour de l'élection présidentielle en Tunisie, 23 novembre 2014.
Le 23 novembre 2014, les tunisiens iront à nouveau aux urnes pour voter élire librement pour la première dans l'histoire de la Tunisie le président de la république. Dans cet article, je présente un état des lieus des élections présidentielles et mes prédictions pour les élections à venir.
Ce que nous disent les sondages
Tous les sondages placent Beji Caied Essebsi (BCE) solidement en tête des intentions de votes depuis Décembre 2012 avec 20% à 25% des votes. Un grand pourcentage d'électeurs est encore indécis.
Quant aux résultats par institut de sondage, nous remarquons que Sigma Conseil a les sondages les plus favorables pour BCE en le plaçant régulièrement au-dessus des 30% des intentions de votes. Il est aussi intéressant de noter que la seule personnalité politique qui a momentanément rivalisé avec BCE en terme de popularité n'est pas en course pour les présidentielles. Il s'agit en l'occurrence de Mr. Mehdi Jomaa, l'actuel premier ministre qui pendant l'été 2014 a surpassé BCE selon certains sondages.
Bilan des forces après les élections législatives
Les élections législatives, que Nidaa Tounes a nettement remporté avec respectivement 37.2% des votes et 39.6% des sièges, nous fournissent les indications et indices les plus frais et tangibles sur les résultats des élections présidentielles.
Les législatives montrent que l'électorat tunisien a rejeté d'une façon claire et nette le gouvernement de la troika et a puni sévèrement les alliés d'Ennahdha au gouvernement, le CPR et Ettakatol.
Les résultats des législatives sont très pertinents pour prévoir les résultats des présidentielles car les préférences des électeurs ne changeraient pas beaucoup en un mois. En ce sens, les délais de temps très réduits (27 jours seulement) entre les élections législatives et présidentielles favorisent les partis qui ont bien performé durant les législatives et en permet pas à l'électeur de réévaluer l'échiquier politique.
Suite à défaite électorale, Ennahdha a décidé de ne pas officiellement appuyer aucun candidat. Il est toutefois clair que Mr. Marzouki va récupérer un large pourcentage du vote Nahdhaoui vu qu'Ennahdha n'a pas un candidat désigné pour les présidentielles et le CPR est devenu le seul parti pour contrer Nidaa Tounes.
Un modèle probabiliste pour estimer les résultats du premier tour
Le modèle contient deux étapes pour arriver aux prévisions finales. Premièrement, nous essayons d'unifier tous les sondages disponibles et les pondérer selon la crédibilité du sondage. Ensuite, il faut pouvoir distribuer les votes des indécis entre les divers partis Il y a eu 45 sondages présidentiels depuis les élections d'octobre 2011 avec la majorité des sondages conduits par 3C Etudes, Sigma Conseil, Emhord Consulting et l'International Republican Institute. Les critères d'évaluation des sondages sont les suivants : (1) taille de l'échantillon ou nombre de répondants, (2) la date du sondage, et (3) la fiabilité de l'organisme ou l'institution qui a conduit le sondage.
Etape 1: Ajustement et pondérations des sondages
Fiabilité des sondeurs:
Précision des élections avec l'approche des élections:
Comme prévu, les sondages sont plus précis avec l'approche des élections. En moyenne, la précision des sondages (mesurée par la somme des erreurs individuelles pour chaque parti, calculée en valeur absolu) s'améliore de 0,9% mensuellement. Nous trouvons aussi que la précision des sondages ne s'améliore pas avec la taille de l'échantillon. de 0,4% pour chaque centaine de répondants additionnels).
Etape 2: Ajustement et pondérations des sondages
Apres avoir estimé les pondérations optimales, nous agrégeons tous les sondages depuis octobre 2012 pour refléter un profile moyen ajuster sur les intentions de votes pour les élections présidentielles. Cette étape révèle qu'à moins de 4 mois des élections, 55% des électeurs étaient toujours indécis pour qui votaient et BCE caracolait largement en tête avec 21.5% des votes.
Etape 3: Attribution des votes des indécis
L'étape la plus difficile du processus est la distribution des voix des indécis aux divers partis et appliquer des corrections aux intentions de votes. Apres application de toutes les pondérations, nous avons trouvé environs 52% d'indécis. Encore une fois, la référence historique est les élections législatives de 2014.
Donc, le classement final serait BCE en tete avec 43% des votes, Moncef Marzouki deuxième avec 23% des votes, et Hamma Hammami troisième avec 8% des votes. La marge d'erreur (avec une probabilité de 95%) est +/- 3.1%.
A qui il faut s'attendre
- Il y aura probablement un deuxième tour : apprêtez-vous pour retourner aux urnes le 27 décembre. Vu la multitude de candidats, concentration des votes, un deuxième tour est fort probable.
- Le décès politique de Ahmed Nejib Chebbi et de Mustafa Ben Jaafar : Ces élections devraient aussi marquer le décès politique d'Ahmed Nejib Chebbi (Parti Republicain) et surtout de Mustafa Ben Jaafar ( Ettakatol). Le leader d'Ettakatol a déjà cher payé sa trahison aux votes aux législatives où Ettakatol est sorti des élections les mains vides. Ahmed Nejib Chebbi, victime du vote utile durant les législatives, devra réaliser un score au moins honorable lors des présidentielles pour demeurer pertinent sur le paysage politique.
- La montée en force de Hamma Hammami : depuis son interview réussie sur Nessma, Hamma Hammami a connu un essor certain qui peut être clairement ressenti sur les réseaux sociaux. le leader du Front Populaire connait surtout une vaste campagne de soutien de la part de l'ensemble du show business et de la classe aisée et bourgeoisie de gauche. Hamma Hammami pourrait aussi récupérer l'électorat qui ont voté utile lors des législatives et qui verront moins la nécessité de voter BCE à l'issue de la victoire de Nidaa. Malheureusement, l'absence de sondages récents nous empêche de clairement mesurer cet essor.
- Quelle thématique pour les présidentielles : deux thématiques semble dominer les élections présidentielles. Les partisans de Nidaa Tounes bradent le risque de maintenir Moncef Marzouki à la présidence. Les partisans d'Ennahdha et de Marzouki font garde contre la concentration de pouvoir (taghaoual) et le retour en force du RCD en cas de victoire de BCE. La victoire de Nidaa aux législatives signale que les tunisiens ont une volonté de tourner la page et que l'expérience islamiste a échoué. Sauf grande surprise, BCE devrait remporter le deuxième tour. Ceci confirmerait que le souci économique et sécuritaire est dominant et que BCE, malgré ses 88 ans, semble représenter l'assurance que les tunisiens cherchent en ce moment.
- Les candidate(s) indépendants vont réaliser des scores faibles : je pense que la logique du vote utile va encore prévaloir et que les candidate(s) indépendants(es) sans grand moyen financiers et machines électorales vont réaliser des scores très faibles.
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