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Voter et après ? Comprendre l'abstention massive des jeunes tunisiens

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POLITIQUE - Depuis la chute l'Ancien Régime, la Tunisie s'est dotée d'une nouvelle constitution et les différents partis représentés dans l'ANC ont dans l'ensemble réussi à s'entendre pour éviter au pays de sombrer dans le chaos, comme c'est le cas dans les autres pays de la région dont les régimes autoritaires ont été renversés ou contestés par des mouvements populaires.

Les élections sont certes un des instruments d'analyse pertinent de la démocratie tunisienne naissante, mais à elles seules, elles ne suffisent pas pour mesurer la vitalité démocratique du pays surtout que la majorité des analyses consacrées à la participation lors des élections présidentielles de 23 novembre 2014 ont abouti au constat suivant : une baisse de la participation par rapport à la législative et la montée de l'abstentionnisme électoral, surtout chez les jeunes.


Cette abstention signe-t-elle une crise de confiance à l'égard de la classe politique? S'agit-il plus précisément d'une réponse négative à une offre politique dans un contexte spécifique? La compréhension du phénomène semble néanmoins graviter autour d'une idée force: l'image que les jeunes tunisiens ont de la sphère politique serait à l'origine des comportements abstentionnistes.

Ici, l'abstention électorale serait le reflet d'une transition en crise, elle constituerait en elle-même un vote sanction contre l'ensemble des candidats à la présidentielle, mais l'ampleur et la généralité du phénomène soulèvent une nouvelle realia-sociopolitique, d'autant plus que les facteurs censés faire reculer l'abstention, tels que l'augmentation du niveau d'instruction chez les jeunes ou encore l'importance de la classe moyenne, nous amène à réfléchir de nouveau la nature de la relation entre jeunes et politique.

En effet, les écarts de participation entre diplômés et non-diplômés tendraient à se réduire. Cette évolution remet en partie en cause les modèles sociologiques classiques d'interprétation de l'abstention, au sein desquels les rôles joués par le diplôme, le statut socio-économique et les conditions d'insertion sociale des individus étaient déterminants.

Pendant l'expérience de la législative comme celle de la présidentielle, les diplômés, les populations urbaines, les jeunes de la diaspora aussi se comptaient en plus grand nombre dans les rangs des abstentionnistes. Ainsi, l'abstention progresse quel que soit le niveau d'implication politique des jeunes électeurs.

L'analyse de l'abstention chez les jeunes tunisiens ne peut s'en tenir à des explications simples ou à des causalités univoques.

Et bien que certaines logiques sociales, politiques ou institutionnelles aient été mises au jour, elles ne peuvent suffire à elles seules à expliquer ce type de comportement. Les jeunes abstentionnistes ne constituent pas un bloc homogène ni d'un point de vue culturel ni d'un point de vue politique. L'abstention doit être interprétée à partir de multiples dimensions d'analyse, prenant en compte des paramètres contextuels et individuels, relevant à la fois de la sphère collective et sociale et de la sphère personnelle et privée.

Néanmoins, on peut tenter de différencier des profils d'abstentionnistes selon leurs caractéristiques sociologiques et leur rapport à la politique.

Ainsi peut-on distinguer ceux qui, en se mettant hors de la décision électorale, sont aussi "hors jeu" politiquement de ceux qui, bien que ne participant pas à l'élection, inscrivent leur décision "dans le jeu" politique.

Les premiers se comptent en plus grand nombre dans les couches populaires. Les seconds sont majoritairement diplômés et mieux insérés socialement.

Les "hors jeu" ne s'intéressent pas à la politique, ne se sentent proches d'aucun parti, et restent loin de toute forme de participation et d'implication politiques, tandis que les seconds sont politisés, en ce sens qu'ils se déclarent intéressés à ce qui se passe dans l'Agora et se situent sur l'échiquier partisan.

Le non-vote des premiers signe un détachement et un désinvestissement de la scène politique, celui des seconds cherche à peser et à exprimer une sanction à l'adresse des candidats et des partis en lice.

Les abstentionnistes "hors du jeu" politique ont trop de problèmes individuels pour investir la scène collective et peuvent se sentir incompétents.

Mais surtout, ils sont davantage porteurs que les autres d'un refus et d'une contestation de la société telle qu'elle est.

L'ordre constitue l'une de leurs valeurs de référence forte en même temps qu'un certain anti-étatisme.

C'est pourquoi on peut dire que l'abstention des jeunes s'inscrit dans une logique de refus du discours de l'ensemble des leaders politique tunisiens postrévolutionnaire.



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