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Le sida en Tunisie n'est pas un mythe, même si on n'en parle pas

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Séropositive et SDF, elle s’est "faite belle pour l’occasion".

Elle a choisi Ghalia comme nom d’emprunt pour nous parler. "Parce que ça veut dire précieuse".

Son mari l’a infecté en 2006. Il savait qu’il portait le virus, mais ne lui avait pas dit. "Par amour, il disait". Elle s’est alors aperçue qu’il était infidèle.

Elle est attablée à la journée porte ouverte destinée aux médias et à la sensibilisation, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, mardi 2 décembre. VIH, MSM, UDI: Au pupitre, les professionnels du sida s’expriment en acronymes, et il faut s’accrocher pour suivre. Peu de journalistes se sont déplacés.

En Tunisie, la prévalence du virus du sida est faible: 3000 personnes seraient infectées selon ONUSIDA, 1900 selon le ministère de la Santé.

Double-peine pour les victimes

"Pour certains, c’est grâce aux tabous", explique le professeur Ridha Kamoun, par ailleurs directeur de l’Association tunisienne de lutte contre les MST et le Sida (ATLMST). "On fait vite le lien entre conservatisme et basse fréquence". Mais ils se sont aperçus que les tabous représentent plus un obstacle qu’une opportunité.

Car l’épidémie se concentre sur des groupes déjà fortement stigmatisés. Travailleurs du sexe, homosexuels ("MSM"), utilisateurs de drogues injectables (UDI): la société les marginalise, l’Etat les criminalise. Peine minimale d’un an pour consommation de drogue, de trois ans pour sodomie.

Légalement incapable de traiter avec des groupes criminalisés, l’Etat doit laisser le travail de prévention aux associations. Un paradoxe pour un pays qui assure par ailleurs la gratuité du traitement.

Partiellement financées par le Fonds mondial de lutte contre le sida, les quelques associations tunisiennes actives dans le domaine font du travail de proximité. Les bénévoles, pour la plupart séropositifs, entrent en contact avec les groupes sociaux dont ils sont eux-mêmes issus et y organisent des ateliers.

L’ATLMST a récemment lancé deux foyers pour les utilisateurs de drogues, dans des zones sensibles à Nabeul et à Melassine.

"Avant" et "maintenant"

Dans les locaux de l’association, des cartons remplis de lubrifiants, seringues propres et préservatifs attendent d’être déballés avant distribution. Le ruban rouge, symbole de la lutte, orne les murs et les ordinateurs.

L’association suit environ 400 personnes. Tous sont précaires. Tous parlent de "avant" et de "maintenant". "Avant", ils avaient des difficultés. "Regard social" pour les homosexuels, "police" pour les drogués, "argent" pour les prostitué(e)s, résume Ridha Kamoun.

"Maintenant", ils ont pour la plupart perdu leur travail, leur famille ou leurs amis. Ils ont tous perdu un bout de leur santé.

Avant, Ridha Kamoun encourageait les personnes infectées à le dire à leur entourage. Maintenant, il a changé d’avis. Des activistes à l’association, ils sont nombreux à être encore incognito. Les histoires sont lourdes à raconter. Une psychologue s’occupe des groupes de paroles, où elle incite les victimes à parler. C’est dur, parfois très dur à entendre, dit-elle.

Ghalia la précieuse en est une parmi d’autres. "Avant", elle était aisée, elle travaillait dans l’industrie pharmaceutique. "Maintenant", elle a fait des tentatives de suicide, et elle annonce qu’elle va recommencer bientôt. Elle a démissionné de son travail, où la discrimination n’était plus tenable. On lui interdisait notamment d’aller aux toilettes communes.

Sa famille est au courant et la tolère. Elle va de temps en temps dîner chez ses parents où habitent également ses frères et leurs familles. Après manger, ses belles sœurs jettent son assiette et ses couverts à la poubelle.

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