Janvier 2014 a été le mois de la Tunisie. Pendant que l’Egypte votait à 98% en faveur d’une Constitution orchestrée par l’armée, le gouvernement tunisien dominé par les islamistes a démissionné dans le calme, un cabinet de technocrates l’a remplacé, et la nouvelle Constitution, imparfaite mais en progrès, a été adoptée par l’Assemblée. Trois ans après la révolution, la Tunisie inaugure sa Deuxième République, entre le doute et l’espoir.
"Une nouvelle étape historique", selon Ban Ki-Moon, "un progrès important" pour Catherine Ashton: adoptée dimanche soir, la nouvelle Constitution a déjà conquis son monde.
Fruit de deux ans de concertation entre toutes les forces politiques, elle se sera fait attendre. Le chemin a été difficile. Deux assassinats de personnalités politiques de gauche, attribués à des groupes fondamentalistes, ont fait trembler la société tunisienne. Les manifestations populaires se sont multipliées. Atténuée, la violence policière n’a pas disparue. Les discussions à l’Assemblée ont été bloquées, suspendues, reprises.
Mais aujourd’hui, l’heure est à l’euphorie. Sans en oublier les difficultés, la députée progressiste Nadia Chaâbane se sent "réconciliée avec cette assemblée".
Elle a particulièrement applaudi l’article encourageant la parité homme-femme, qui avait notamment obtenu l’appui de certains députés islamistes.
Melting-Pot
Les questions identitaires ont dominé les débats constitutionnels. Car, non, la Tunisie n’est pas que "arabe" ou "musulmane". Elle est aussi berbère, romaine, phénicienne, turque, méditerranéenne. Elle est parfois juive, parfois chrétienne, parfois athéiste. La Constitution est à l’image de ce melting-pot. Les représentants du peuple ont préféré y mettre trop que pas assez.
La diversité a généré des ambigüités et des contradictions. L’Etat est civil, mais l’Islam sera sa religion. L’éducation consacrera à la fois l’héritage arabo-musulman et la culture des droits de l’Homme. Les accusations contre l’athéisme seront interdites? Alors, l’atteinte au sacré aussi.
Si l’islam reste dominant – le président de la République devra être musulman – , il ne sera pas la source de la loi.
Avec toutes ses incohérences et ses imperfections, la nouvelle Constitution est à l’image de la Tunisie.
En même temps de s’être trouvé une loi fondamentale, la Tunisie s’est trouvé un nouveau gouvernement. Au bout d’âpres négociations entre les islamistes du parti Ennahdha et les autres factions, le Premier ministre islamiste Ali Larayedh avait promis sa démission en octobre. Il transmet aujourd’hui ses pouvoirs au technocrate Mehdi Jomaâ. La signature de la Constitution a été sa dernière en tant que chef du gouvernement.
Importantes, ces avancées n’occultent pas pour autant les nombreux problèmes auxquels la Tunisie fait face.
Après l’euphorie, le travail
La Constitution ne suffit pas à renforcer une politique sécuritaire toujours en proie aux critiques. En août, huit gardes nationaux ont été tués dans des affrontements avec des groupes "terroristes" encore présents dans l’Ouest du pays. Deux attentats-suicides ont échoué au cours des derniers mois. Quant aux assassinats politiques, ils ne sont pas encore officiellement résolus.
Bien que fustigé pour ces manquements, le ministre de l’Intérieur a été reconduit. Son cas a failli faire échouer la formation du nouveau gouvernement, lequel ne présentera par ailleurs que deux femmes ministres.
La Constitution ne suffit pas non plus à réconcilier la société tunisienne avec elle-même. Des affaires de mœurs défrayent régulièrement la chronique. L’affaire du jeune Jabeur Mejri en est une des plus emblématiques. En 2012, il a été condamné à 7 ans et demi de prison pour avoir publié des caricatures du Prophète sur son compte Facebook
La Constitution ne suffit pas non plus à résoudre la crise économique. 15% des Tunisiens sont officiellement au chômage. Le tourisme reprend, mais trop lentement. Dans les régions de l’intérieur, particulièrement touchées par la crise, les mouvements de grève se sont multipliés ces dernières semaines.
Une étape, rien de plus
En janvier 2014, la Tunisie a fait un pas de plus vers une démocratie stable. Mais si la nouvelle Constitution et le nouveau gouvernement créent de l’élan, cela n’en reste pas moins une étape. Le gouvernement est "transitoire". La Constitution, rappelle le député Mahmoud El May, "est amendable, afin de l’adapter à l’air du temps". Prochaine étape: les élections. "Probablement en octobre", annonce un député Ennahdha.
Il ne s’agit pas, en Tunisie, de la consécration du Printemps arabe. Bien plus, il s’agit de la lente éclosion du Printemps tunisien.
Lors de la signature solennelle de la Constitution, deux députés étaient absents. Mohamed Brahmi, assassiné en juillet, et Mohamed Allouche, victime d’une crise cardiaque quelques jours avant l’adoption. Des photos grand format les commémorent. Et, toutes petites sur leurs sièges, leurs jeunes filles ont pris leur place. Le futur s’installe peu à peu.
"Une nouvelle étape historique", selon Ban Ki-Moon, "un progrès important" pour Catherine Ashton: adoptée dimanche soir, la nouvelle Constitution a déjà conquis son monde.
Fruit de deux ans de concertation entre toutes les forces politiques, elle se sera fait attendre. Le chemin a été difficile. Deux assassinats de personnalités politiques de gauche, attribués à des groupes fondamentalistes, ont fait trembler la société tunisienne. Les manifestations populaires se sont multipliées. Atténuée, la violence policière n’a pas disparue. Les discussions à l’Assemblée ont été bloquées, suspendues, reprises.
Mais aujourd’hui, l’heure est à l’euphorie. Sans en oublier les difficultés, la députée progressiste Nadia Chaâbane se sent "réconciliée avec cette assemblée".
Elle a particulièrement applaudi l’article encourageant la parité homme-femme, qui avait notamment obtenu l’appui de certains députés islamistes.
Melting-Pot
Les questions identitaires ont dominé les débats constitutionnels. Car, non, la Tunisie n’est pas que "arabe" ou "musulmane". Elle est aussi berbère, romaine, phénicienne, turque, méditerranéenne. Elle est parfois juive, parfois chrétienne, parfois athéiste. La Constitution est à l’image de ce melting-pot. Les représentants du peuple ont préféré y mettre trop que pas assez.
La diversité a généré des ambigüités et des contradictions. L’Etat est civil, mais l’Islam sera sa religion. L’éducation consacrera à la fois l’héritage arabo-musulman et la culture des droits de l’Homme. Les accusations contre l’athéisme seront interdites? Alors, l’atteinte au sacré aussi.
Si l’islam reste dominant – le président de la République devra être musulman – , il ne sera pas la source de la loi.
Avec toutes ses incohérences et ses imperfections, la nouvelle Constitution est à l’image de la Tunisie.
En même temps de s’être trouvé une loi fondamentale, la Tunisie s’est trouvé un nouveau gouvernement. Au bout d’âpres négociations entre les islamistes du parti Ennahdha et les autres factions, le Premier ministre islamiste Ali Larayedh avait promis sa démission en octobre. Il transmet aujourd’hui ses pouvoirs au technocrate Mehdi Jomaâ. La signature de la Constitution a été sa dernière en tant que chef du gouvernement.
Importantes, ces avancées n’occultent pas pour autant les nombreux problèmes auxquels la Tunisie fait face.
Après l’euphorie, le travail
La Constitution ne suffit pas à renforcer une politique sécuritaire toujours en proie aux critiques. En août, huit gardes nationaux ont été tués dans des affrontements avec des groupes "terroristes" encore présents dans l’Ouest du pays. Deux attentats-suicides ont échoué au cours des derniers mois. Quant aux assassinats politiques, ils ne sont pas encore officiellement résolus.
Bien que fustigé pour ces manquements, le ministre de l’Intérieur a été reconduit. Son cas a failli faire échouer la formation du nouveau gouvernement, lequel ne présentera par ailleurs que deux femmes ministres.
La Constitution ne suffit pas non plus à réconcilier la société tunisienne avec elle-même. Des affaires de mœurs défrayent régulièrement la chronique. L’affaire du jeune Jabeur Mejri en est une des plus emblématiques. En 2012, il a été condamné à 7 ans et demi de prison pour avoir publié des caricatures du Prophète sur son compte Facebook
La Constitution ne suffit pas non plus à résoudre la crise économique. 15% des Tunisiens sont officiellement au chômage. Le tourisme reprend, mais trop lentement. Dans les régions de l’intérieur, particulièrement touchées par la crise, les mouvements de grève se sont multipliés ces dernières semaines.
Une étape, rien de plus
En janvier 2014, la Tunisie a fait un pas de plus vers une démocratie stable. Mais si la nouvelle Constitution et le nouveau gouvernement créent de l’élan, cela n’en reste pas moins une étape. Le gouvernement est "transitoire". La Constitution, rappelle le député Mahmoud El May, "est amendable, afin de l’adapter à l’air du temps". Prochaine étape: les élections. "Probablement en octobre", annonce un député Ennahdha.
Il ne s’agit pas, en Tunisie, de la consécration du Printemps arabe. Bien plus, il s’agit de la lente éclosion du Printemps tunisien.
Lors de la signature solennelle de la Constitution, deux députés étaient absents. Mohamed Brahmi, assassiné en juillet, et Mohamed Allouche, victime d’une crise cardiaque quelques jours avant l’adoption. Des photos grand format les commémorent. Et, toutes petites sur leurs sièges, leurs jeunes filles ont pris leur place. Le futur s’installe peu à peu.
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