"Je ne suis pas venue ici pour les papiers. Avant de partir, je voyais la vie en rose. Il m'avait promis le bonheur avec lui".
C'est ainsi que Manel, jeune Tunisienne originaire de Bizerte, débute son histoire. Venue en France il y a trois ans, son parcours n'a en fait rien d'une romance. A l'instar de nombreuses femmes migrantes, elle porte beaucoup de préjugés contre elle. Les clichés leurs collent à la peau.
En premier lieu, de la part de la communauté maghrébine installée de longue date en France, qui les perçoit souvent comme des femmes "manipulatrices", qui se sont mariées uniquement "pour les papiers". Les hommes ne sont pas en reste. Ces épouses "venues du bled", ayant conclue un mariage "www." comme l'ont surnommé les Arabes de Marseille, seraient en quête de visa uniquement. Ces rencontres hlal se font généralement dans l'entourage familial: une cousine, un voisin de la famille que l'on voit pendant les vacances. Ou, de plus en plus, quelqu'un rencontré sur les réseaux sociaux et avec qui on entretient à distance une relation virtuelle.
Femmes-kleenex, elles sont invisibles, elles n'existent pas
Venues légalement en France via le mariage, elles déchantent rapidement, si tôt la vie de couple commencée. C'est le cas de Manel. Tout juste la vingtaine, elle a quitté sa Tunisie natale pour suivre son mari en France où elle vit depuis plus de trois ans.
La rencontre s'est faite chez sa tante, et "ça a été le coup de foudre". Restés en contact durant deux ans, ils se fiancent puis se marient en Tunisie. Ils vivaient séparés jusqu'au jour où lui décide de lui faire ses papiers et de la faire venir en France.
"Tu pourras suivre tes études, le niveau est meilleur ici", lui dit-il alors.
"Nous avions un projet de famille, faire des enfants. Mais quand je suis arrivée les choses ont rapidement changées".
Ils vivaient ensemble dans un appartement. mais au bout d'un mois, la mère du mari est venue s'y installer et s'est "immiscée" dans leur vie de couple.
Séquestrée par sa belle-famille
Un bras de fer s'engage alors entre Manel et une belle-famille qui faitpression sur elle pour qu'elle rentre au pays, à l'image d'un objet qui ne convient plus après achat.
Etrangères et récemment arrivées en France pour la plupart, les femmes migrantes ont souvent peu de repères. Si elles sont victimes de violences conjugales, elles ne disposent d'aucun recours dans la mesure où elles dépendent de leur époux pour effectuer des démarches administratives.
Le cas de Manel a atteint des extrémités dans l'isolement.
"Mon beau-frère est aussi venu s'installer chez nous. Avec ma belle-mère, ils contrôlaient tout ce que je faisais. Je n'avais pas le droit de sortir, je n'avais plus de téléphone, je ne rencontrais personne. Ils m'avaient complètement isolée. Mon mari avait même fait installer des caméras et des micros pour me surveiller dans l'appartement"
Un jour, le mari est parti. Sa belle-famille l'a séquestré. Elle a appelé la police pour qu'ils viennent la "libérer" et elle a déposé plainte pour harcèlement et séquestration".
Loin d'en finir, les problèmes s'accumulent pour elle:
Face à l'administration française, un mur d'incompréhension
Les femmes migrantes ne peuvent pas faire valoir leurs droits bien que séjournant légalement en France.
Dans l'attente d'une carte de séjour, elles sont considérées comme étrangères au regard de la loi, bien qu'elles soient arrivées légalement en France à travers le mariage. Elles doivent traiter avec la préfecture qui ne fait qu'appliquer les textes à la lettre: "Vous n'avez pas de titre de séjour, vous êtes séparée de votre conjoint, vous devez quitter le territoire".
Boualem Azahoum, militant associatif lyonnais, a été alerté de sa situation.
Pourquoi ne rentres-tu pas en Tunisie?
La question a fait grincer Manel. D'un air agacé, elle se lâche: "Tout le monde me demande ça! J'ai commencé une vie ici". La jeune femme explique ce qu'elle appelle la "mentalité arabe": "Je vais être perçue comme la responsable de l'échec de mon mariage. C'est la femme qui porte l'honneur de la famille et en même temps la responsabilité en cas d'échec. Elle n'a pas le droit à l'erreur".
Alors, Manel ne veut pas abandonner. Elle ne veut rendre de compte à personne.
.
Les clichés ont la vie dure pour les femmes divorcées en Tunisie. Si l'égalité des sexes existe dans la loi, les choses ne sont pas aussi simples dans la pratique. Question de mœurs.
"Je ne veux pas être vue ni comme une victime ni comme une coupable", précise Manel.
Un cas loin d'être unique
Manel souhaite aussi prévenir les autres femmes qui comptent faire le même chemin qu'elle. "Il faut qu'elles soient prudentes, que leur famille fasse les choses dans les règles".
Car le cas de Manel est loin d'être unique.
Nombreuses sont les femmes qui se taisent face aux violences de peur de se faire expulser. La victime devient ainsi coupable. Un rapport du Centre d'Enseignement, de Documentation et de Recherche pour les Etudes Féministes (Cedref) pointe cette anomalie juridique où un vide fait office de loi.
Sensibilisée par plusieurs collectifs de militants, l'actuelle ministre française des Droits de la femme, Najat Vallaud-Belkacem, se penche actuellement sur la question.
L'administration, et plus précisément la préfecture, considèrent les femmes migrantes comme des étrangères avant de les percevoir comme des femmes battues dans le besoin de protection. La mobilisation des associations tente de faire en sorte que la loi reconnaisse le caractère particulier de ces femmes exposées à la violence.
C'est ainsi que Manel, jeune Tunisienne originaire de Bizerte, débute son histoire. Venue en France il y a trois ans, son parcours n'a en fait rien d'une romance. A l'instar de nombreuses femmes migrantes, elle porte beaucoup de préjugés contre elle. Les clichés leurs collent à la peau.
En premier lieu, de la part de la communauté maghrébine installée de longue date en France, qui les perçoit souvent comme des femmes "manipulatrices", qui se sont mariées uniquement "pour les papiers". Les hommes ne sont pas en reste. Ces épouses "venues du bled", ayant conclue un mariage "www." comme l'ont surnommé les Arabes de Marseille, seraient en quête de visa uniquement. Ces rencontres hlal se font généralement dans l'entourage familial: une cousine, un voisin de la famille que l'on voit pendant les vacances. Ou, de plus en plus, quelqu'un rencontré sur les réseaux sociaux et avec qui on entretient à distance une relation virtuelle.
Femmes-kleenex, elles sont invisibles, elles n'existent pas
Venues légalement en France via le mariage, elles déchantent rapidement, si tôt la vie de couple commencée. C'est le cas de Manel. Tout juste la vingtaine, elle a quitté sa Tunisie natale pour suivre son mari en France où elle vit depuis plus de trois ans.
La rencontre s'est faite chez sa tante, et "ça a été le coup de foudre". Restés en contact durant deux ans, ils se fiancent puis se marient en Tunisie. Ils vivaient séparés jusqu'au jour où lui décide de lui faire ses papiers et de la faire venir en France.
"Tu pourras suivre tes études, le niveau est meilleur ici", lui dit-il alors.
"Nous avions un projet de famille, faire des enfants. Mais quand je suis arrivée les choses ont rapidement changées".
Ils vivaient ensemble dans un appartement. mais au bout d'un mois, la mère du mari est venue s'y installer et s'est "immiscée" dans leur vie de couple.
"Elle me critiquait en permanence, me dévalorisait aux yeux de son fils, mon mari, avec qui la relation s'est aggravée rapidement. Il dormait dans le salon avec sa mère".
Séquestrée par sa belle-famille
Un bras de fer s'engage alors entre Manel et une belle-famille qui faitpression sur elle pour qu'elle rentre au pays, à l'image d'un objet qui ne convient plus après achat.
Etrangères et récemment arrivées en France pour la plupart, les femmes migrantes ont souvent peu de repères. Si elles sont victimes de violences conjugales, elles ne disposent d'aucun recours dans la mesure où elles dépendent de leur époux pour effectuer des démarches administratives.
Le cas de Manel a atteint des extrémités dans l'isolement.
"Mon beau-frère est aussi venu s'installer chez nous. Avec ma belle-mère, ils contrôlaient tout ce que je faisais. Je n'avais pas le droit de sortir, je n'avais plus de téléphone, je ne rencontrais personne. Ils m'avaient complètement isolée. Mon mari avait même fait installer des caméras et des micros pour me surveiller dans l'appartement"
Un jour, le mari est parti. Sa belle-famille l'a séquestré. Elle a appelé la police pour qu'ils viennent la "libérer" et elle a déposé plainte pour harcèlement et séquestration".
Loin d'en finir, les problèmes s'accumulent pour elle:
"Mon autre malheur est que mon mari est policier. Il connait les rouages de l'administration et a fait jouer ses relations pour me mettre des bâtons dans les roues quand j'ai essayé de faire des démarches administratives. Il m'avait pris mon passeport. Lorsque j'ai voulu porté plainte, on m'a dit que je n'avais pas le droit. Grâce à ses relations il m'a fermé toutes les portes".
Face à l'administration française, un mur d'incompréhension
Les femmes migrantes ne peuvent pas faire valoir leurs droits bien que séjournant légalement en France.
Dans l'attente d'une carte de séjour, elles sont considérées comme étrangères au regard de la loi, bien qu'elles soient arrivées légalement en France à travers le mariage. Elles doivent traiter avec la préfecture qui ne fait qu'appliquer les textes à la lettre: "Vous n'avez pas de titre de séjour, vous êtes séparée de votre conjoint, vous devez quitter le territoire".
Boualem Azahoum, militant associatif lyonnais, a été alerté de sa situation.
"Manel était sans ressource, sans argent, ses papiers confisqués par son mari, elle ne pouvait faire aucune démarche administrative. Les associations féministes ont été dans l'incapacité de lui venir en aide car trop surchargées et pas assez de moyens".
Pourquoi ne rentres-tu pas en Tunisie?
La question a fait grincer Manel. D'un air agacé, elle se lâche: "Tout le monde me demande ça! J'ai commencé une vie ici". La jeune femme explique ce qu'elle appelle la "mentalité arabe": "Je vais être perçue comme la responsable de l'échec de mon mariage. C'est la femme qui porte l'honneur de la famille et en même temps la responsabilité en cas d'échec. Elle n'a pas le droit à l'erreur".
Alors, Manel ne veut pas abandonner. Elle ne veut rendre de compte à personne.
.
Les clichés ont la vie dure pour les femmes divorcées en Tunisie. Si l'égalité des sexes existe dans la loi, les choses ne sont pas aussi simples dans la pratique. Question de mœurs.
"Je ne veux pas être vue ni comme une victime ni comme une coupable", précise Manel.
"Je lui ai donné ma virginité, c'était sacré pour moi! Il m'a répudié au bout d'un mois! Je ne suis pas une chienne, c'est ma dignité qui me fait tenir".
Un cas loin d'être unique
Manel souhaite aussi prévenir les autres femmes qui comptent faire le même chemin qu'elle. "Il faut qu'elles soient prudentes, que leur famille fasse les choses dans les règles".
Car le cas de Manel est loin d'être unique.
Nombreuses sont les femmes qui se taisent face aux violences de peur de se faire expulser. La victime devient ainsi coupable. Un rapport du Centre d'Enseignement, de Documentation et de Recherche pour les Etudes Féministes (Cedref) pointe cette anomalie juridique où un vide fait office de loi.
"Les migrantes et exilées rencontrent en France des situations complexes où s'imbriquent oppression subie en tant que femme et celle subie en tant qu'étrangère, ce que les groupes de femmes issus de l'immigration et des groupes de solidarité ont mis en évidence depuis des années en revendiquant l'autonomie et l'individuation des droits".
Sensibilisée par plusieurs collectifs de militants, l'actuelle ministre française des Droits de la femme, Najat Vallaud-Belkacem, se penche actuellement sur la question.
L'administration, et plus précisément la préfecture, considèrent les femmes migrantes comme des étrangères avant de les percevoir comme des femmes battues dans le besoin de protection. La mobilisation des associations tente de faire en sorte que la loi reconnaisse le caractère particulier de ces femmes exposées à la violence.
Retrouvez les articles du HuffPost Maghreb sur notre page Facebook.