"La Turquie est un bon modèle pour la Tunisie". En mai 2013, le président Marzouki pensait avoir trouver les bons mots.
Comme une passation de témoin, le ministre des Affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu renvoie la balle 9 mois plus tard: "La Tunisie est un bon modèle pour beaucoup de pays du Printemps arabe". Car entre temps, la Tunisie est montée en grade pendant que la Turquie a lentement coulée.
"Nous sommes un modèle, nous sommes un exemple"
Prononcés par Meherzia Laâbidi, ces mots auraient tout autant pu être prononcés en turc.
Depuis la révolution, la Tunisie faisait même figure de prometteur apprenti du régime turc.
Dès son retour en Tunisie le 30 janvier 2011, le président d'Ennahdha Rached Ghannouchi l'avait pris pour exemple en comparant son projet à celui de l'AKP.
Mais depuis les mouvements populaires de l'été 2013, la Turquie fait de plus en plus pâle figure. Le parti au pouvoir fait passer des lois socialement conservatrices. Une loi controversée renforçant le contrôle d'internet est entrée en vigueur hier.
Dans la "nouvelle Turquie", l'islamisme a été "ravivé" et l'autoritarisme est "réapparu", affirme Ihsan Dagi. Reporters Sans Frontières a placé la Turquie à la 154ème place sur 179 en termes de liberté de la presse.
En décembre, Rached Ghannouchi avait changé de discours. Le meilleur exemple serait désormais "les pays scandinaves", déclare-t-il dans une interview à Rue89. "Et nous comptons nous en inspirer".
Pendant ce temps, la Tunisie s'est vue pousser des ailes. Alors que la Constitution turque date du régime militaire de 1982, les qualités démocratiques de la nouvelle Constitution tunisienne sont célébrées à travers le monde.
Comment bien vendre son modèle
Pour réussir ce passage en force et clouer la grande Turquie au pilori, les portes-paroles tunisiens, Ghannouchi en tête, ont joué sur les différences.
Au Washington Post: "La Tunisie est un petit pays, mais il peut offrir au monde sa culture de transition démocratique pacifique". Mot-clé: le pacifisme.
Facilement déclinable, le pacifisme tunisien est une expression d'un esprit collectif et consensuel. Dans une tribune au Huffington Post, Ghannouchi martèle le mot "consensus" à six reprises.
Le "modèle" tunisien est ainsi clairement défini. Il s'agit d'un "modèle de coexistence" ou encore d'un "modèle de démocratie consensuelle".
"L'intense processus de transition tunisien correspond à la construction d'un consensus", assène le président d'Ennahdha.
Côté turc, on commence à faire le bilan des lacunes en se comparant à la Tunisie. Malgré la longévité de sa démocratie et la puissance de son économie, "la Turquie n'a pas les capacités de créer le consensus comme les Tunisiens", déplore le chroniqueur Mustafa Akyol dans le New York Times. "La politique turque est empoisonnée par les conflits entre des leaders pour lesquels le compromis est synonyme de lâcheté".
Deux vidéos viennent illustrer cette comparaison. Dans la première, les constituants tunisiens fêtent la Constitution dans une ambiance chaleureuse. Quelques jours plus tôt, des parlementaires turcs s'étaient battus (un blessé) en pleine séance.
"La Tunisie pourrait nous aider à nous orienter", conclut Akyol, rappelant que les députés tunisiens chantaient "Mabrouk alina" lors de l'adoption de la Constitution.
Pour Ghannouchi, l'heure est à la promotion. "La réussite du modèle tunisien de concorde et de dialogue national devient très attractive", explique-t-il à Leaders le 17 février. Comme un nouveau produit à exporter, le "modèle" tunisien, à peine né, cherche de nouveaux preneurs.
"Nombre de pays frères s'y intéressent de près et essayent de l'adopter", affirme Ghannouchi, mentionnant le Soudan, qui vient d'entamer un dialogue national, et la Libye, où "l'expérience tunisienne inspire nombre d'acteurs significatifs".
On en arriverait presque à croire que la Tunisie a inventé le dialogue. Pourtant, le Yémen avait commencé bien avant.
Selon un article du Monde paru en janvier, "il faut bien croire qu'il y a bel et bien un 'modèle tunisien'".
Après un mois, difficile d'affirmer l'existence d'un véritable "modèle" tunisien de transition démocratique. En revanche, le modèle de promotion est en plein échauffement.
Comme une passation de témoin, le ministre des Affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu renvoie la balle 9 mois plus tard: "La Tunisie est un bon modèle pour beaucoup de pays du Printemps arabe". Car entre temps, la Tunisie est montée en grade pendant que la Turquie a lentement coulée.
"Nous sommes un modèle, nous sommes un exemple"
Prononcés par Meherzia Laâbidi, ces mots auraient tout autant pu être prononcés en turc.
"Avec sa vision culturelle et sociale conservatrice couplée à un programme politique et économique 'libéral', le parti islamiste turc AKP semblait représenter la compatibilité d'Islam et démocratie", rappelle le chroniqueur Ihsan Dagi.
Depuis la révolution, la Tunisie faisait même figure de prometteur apprenti du régime turc.
Dès son retour en Tunisie le 30 janvier 2011, le président d'Ennahdha Rached Ghannouchi l'avait pris pour exemple en comparant son projet à celui de l'AKP.
Mais depuis les mouvements populaires de l'été 2013, la Turquie fait de plus en plus pâle figure. Le parti au pouvoir fait passer des lois socialement conservatrices. Une loi controversée renforçant le contrôle d'internet est entrée en vigueur hier.
Dans la "nouvelle Turquie", l'islamisme a été "ravivé" et l'autoritarisme est "réapparu", affirme Ihsan Dagi. Reporters Sans Frontières a placé la Turquie à la 154ème place sur 179 en termes de liberté de la presse.
En décembre, Rached Ghannouchi avait changé de discours. Le meilleur exemple serait désormais "les pays scandinaves", déclare-t-il dans une interview à Rue89. "Et nous comptons nous en inspirer".
Pendant ce temps, la Tunisie s'est vue pousser des ailes. Alors que la Constitution turque date du régime militaire de 1982, les qualités démocratiques de la nouvelle Constitution tunisienne sont célébrées à travers le monde.
Comment bien vendre son modèle
Pour réussir ce passage en force et clouer la grande Turquie au pilori, les portes-paroles tunisiens, Ghannouchi en tête, ont joué sur les différences.
Au Washington Post: "La Tunisie est un petit pays, mais il peut offrir au monde sa culture de transition démocratique pacifique". Mot-clé: le pacifisme.
Facilement déclinable, le pacifisme tunisien est une expression d'un esprit collectif et consensuel. Dans une tribune au Huffington Post, Ghannouchi martèle le mot "consensus" à six reprises.
Le "modèle" tunisien est ainsi clairement défini. Il s'agit d'un "modèle de coexistence" ou encore d'un "modèle de démocratie consensuelle".
"L'intense processus de transition tunisien correspond à la construction d'un consensus", assène le président d'Ennahdha.
Côté turc, on commence à faire le bilan des lacunes en se comparant à la Tunisie. Malgré la longévité de sa démocratie et la puissance de son économie, "la Turquie n'a pas les capacités de créer le consensus comme les Tunisiens", déplore le chroniqueur Mustafa Akyol dans le New York Times. "La politique turque est empoisonnée par les conflits entre des leaders pour lesquels le compromis est synonyme de lâcheté".
Deux vidéos viennent illustrer cette comparaison. Dans la première, les constituants tunisiens fêtent la Constitution dans une ambiance chaleureuse. Quelques jours plus tôt, des parlementaires turcs s'étaient battus (un blessé) en pleine séance.
"La Tunisie pourrait nous aider à nous orienter", conclut Akyol, rappelant que les députés tunisiens chantaient "Mabrouk alina" lors de l'adoption de la Constitution.
Pour Ghannouchi, l'heure est à la promotion. "La réussite du modèle tunisien de concorde et de dialogue national devient très attractive", explique-t-il à Leaders le 17 février. Comme un nouveau produit à exporter, le "modèle" tunisien, à peine né, cherche de nouveaux preneurs.
"Nombre de pays frères s'y intéressent de près et essayent de l'adopter", affirme Ghannouchi, mentionnant le Soudan, qui vient d'entamer un dialogue national, et la Libye, où "l'expérience tunisienne inspire nombre d'acteurs significatifs".
On en arriverait presque à croire que la Tunisie a inventé le dialogue. Pourtant, le Yémen avait commencé bien avant.
Selon un article du Monde paru en janvier, "il faut bien croire qu'il y a bel et bien un 'modèle tunisien'".
Après un mois, difficile d'affirmer l'existence d'un véritable "modèle" tunisien de transition démocratique. En revanche, le modèle de promotion est en plein échauffement.
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