Quantcast
Channel: Huffington Post Maghreb Athena - All
Viewing all articles
Browse latest Browse all 32453

Tunisie: Le projet de budget alternatif du Front populaire décortiqué

$
0
0
Une délégation du Front populaire menée par son porte-parole Hamma Hammami s’est rendue jeudi 6 mars auprès du ministre de l’Economie et des Finances afin de lui présenter son projet alternatif de budget pour l’année 2014.

En croissance par rapport à celui adopté par la troïka (29.000 millions de dinars (MD) contre 28.025 MD pour la Troïka), le budget présenté par le Front populaire se veut rigoureux et directement applicable. Le document brosse sur une cinquantaine de page la totalité des sujets relatifs à un budget gouvernemental. Et ne lésine pas sur les détails.

Toujours prêts à critiquer la politique gouvernementale, les principaux partis de la scène politique, minés par des luttes d’ambitions, ont cependant fait peu de propositions concrètes. A ce titre, le projet du Front populaire est d’ores et déjà un succès en soi.

Le projet vise à répondre aux fortes aspirations économiques et sociales à l’origine de la révolution tout en respectant les impératifs financiers d’une économie en crise. Objectifs: 60.000 emplois, le développement des régions et le pouvoir d’achat.

Partisan d’un Etat fort pour relancer l’économie, le Front n’en défend pas moins une rationalisation des dépenses. "Et ceci diffère de la politique d’austérité", prévient-on.

Passées les déclarations d’intentions, les mesures concrètes sont osées mais critiquables.

La dette

506 millions de dollars du FMI, 1,2 milliard de la Banque mondiale: la Tunisie s’endetterait trop à l’étranger. Le Front populaire propose d’y remédier en privilégiant le financement interne via l’émission d’un emprunt obligataire national de 2.500 MD. En d’autres mots, l’Etat emprunterait directement aux Tunisiens.

  • Problème: La réussite de ces émissions d’obligation est sujette à question puisqu’elle repose sur la volonté et la capacité de la population à y souscrire, deux éléments incertains à la vue des difficultés économiques actuelles.

    "On sait que l’argent existe, qu’il circule d'avantage dans le secteur informel que dans le secteur formel", rétorque l’expert et co-auteur du projet Lotfi Ben Aissa, contacté par le HuffPost Maghreb. Cet emprunt "est attractif pour les Tunisiens, y compris ceux de l’étranger", car les intérêts seraient non-imposables.



Concernant la dette, le Front populaire préconise une suspension du paiement en attendant une enquête qui en déterminerait la part ayant bénéficié au régime de Ben Ali.

Pour Lotfi Ben Aissa, il est important de faire la nuance entre une suspension de paiement durant la durée de l’audit (3 ans) et l’annulation totale de la dette. Passé ce délai, l'Etat honorerait ses dettes "mis à part celle s’étant révélées odieuses".

La recapitalisation des banques publiques

Le Front populaire propose de suspendre la recapitalisation à hauteur de 500 MD des trois principales banques publiques (STB, BH, BNA), au motif que l’opération de vérification des comptes de ces institutions initiée en juillet 2013 n’est pas arrivée à terme. Il incombe aux "hommes d’affaires" qui ont "profité" de ces banques de participer à leur renflouement, rappelle le parti.

  • Problème: Cette prise de position, sans préjuger de son bienfondé moral, semble difficilement soutenable économiquement vue la fragilité des banques en question (LIEN) et l’importance de leur contribution au tissu économique national.

    "Ce n’est pas le principe de la recapitalisation qui est en cause, c’est juste une vérification", répond Lotfi Ben Aissa, assurant que "l’Etat sera là" en cas de besoin.


Taxe pour taxe

Renouant avec sa tradition de gauche, le Front populaire prévoit d’instaurer une taxe exceptionnelle sur le bénéfice des entreprises de l’ordre de 5%, qui pèsera presque exclusivement sur les sociétés pétrolières. Les 495 MD engrangés viendraient compenser une annulation des nouvelles mesures fiscales comprises dans la loi de finance 2014.

Les dépenses de développement, chouchou du budget

Le point fort de ce budget réside incontestablement dans l’effort fait pour gonfler les dépenses de développement: une augmentation de 40% par rapport au budget de la troïka pour 2014, pour un total de 8 150 MD.

Parmi ces dépenses de développement, le Front populaire présente dans le détail une vingtaine de projets dont les financements s’étalent de 10 MD à 500 MD. On y compte notamment une raffinerie à Skhira, la réhabilitation de l’aciérie de Menzel Bourguiba et une unité de recyclage de déchets métalliques à Kairouan.

  • Problème: De l’aveu de Lotfi Ben Aissa, une partie de ces projets est "dans une certaine mesure" ressortie des cartons de Ben Ali.

    Mais alors que la stratégie de l’ancien régime était de laisser dépérir ces entreprises pour préparer leur privatisation, le projet du Front populaire ne compte que sur des projets 100% publics. "Le fil conducteur est la réhabilitation du rôle économique de l’Etat".


Moins d’argent pour les amnistiés et plus pour les embauches

Si la charge salariale, plus grosse dépense du budget, est maintenue à 10.500 MD, une réallocation d’une partie de cette somme risque de faire jaser vu sa portée politique.

Le Front populaire propose de supprimer le programme de réhabilitation qui permettait de dédommager les fonctionnaires lésés professionnellement sous le régime de Ben Ali pour des raisons politiques.

Les économies escomptées (431 MD) serviraient à recruter 12.000 fonctionnaires et à augmenter tous les salaires de la fonction publique à hauteur de 40 dinars par mois.

Plus de social

Le Front populaire propose finalement d’élargir l’intervention directe de l’Etat en matière sociale. Le nombre de familles nécessiteuses bénéficiant du soutien étatique passerait de 235.000 à 350.000 pour un coût de 200 MD supplémentaire. Autre proposition: réinstaurer une allocation chômage de 200 dinars mensuels au profit des 170.000 chômeurs diplômés de l’enseignement supérieur.

Un autre bémol que l’on pourrait signifier à ce budget est sa passivité vis à vis des subventions qu’il maintient à leur niveau actuel dans l’attente d’un dialogue national sur cette question au combien sensible et couteuse pour l’Etat.

S’il ne se penche pas sur une réforme de la caisse des compensations, le budget du Front populaire n’en reste pas moins expansionniste et ambitieux.

Le gouvernement a admis la nécessité d’une loi de finance complémentaire mais temporisait sur sa réalisation. Le projet du Front populaire a le mérite d’ouvrir la voie au débat sur le budget et de bousculer les agendas.

Retrouvez les articles du HuffPost Maghreb sur notre page Facebook.

Viewing all articles
Browse latest Browse all 32453

Trending Articles



<script src="https://jsc.adskeeper.com/r/s/rssing.com.1596347.js" async> </script>