L'arrestation, le 26 février, de Imed Dghij, un des principaux responsables des LPR, dans un café du Kram, a fait couler beaucoup d'encre.
La polémique a inondé les réseaux sociaux. Certains Tunisiens ont été scandalisés par l'intervention musclée de la police contre Dghij. Parmi eux, beaucoup ont souffert d'humiliations policières, avant le14 janvier 2011. Ils redoutent surtout un retour de la matraque, arme fatale de l'ancien régime.
D'autres citoyens ont été choqués par la protestation officielle qui a suivi cette arrestation, d'élus CPR et Nahdhaouis, auprès du ministre de l'Intérieur. Les mêmes députés ont pour la plupart semblé bien tendres pour condamner nombres d'événements violents au cours des mandats des gouvernement Troïka 1 et 2.
Souvenons-nous particulièrement de la manifestation de la journée des martyrs du 9 avril 2012 avec cette milice venue en "soutien" des forces de l'ordre; des événements de Siliana en novembre 2012 avec l'usage historique de la chevrotine; du lynchage de Lotfi Nagdh par une horde sauvage dans les rues de Tataouine; ou encore de la mort suspecte de Mohamed Mufti au cours d'une manifestation de La Jabha à Gafsa.
Il sera aussi difficile d'oublier que plusieurs de ces élus conservateurs ont mis du temps pour accepter que Chokri Belaid soit considéré comme martyr de la révolution. Voyant la bêtise de leur déni, ils se sont rattrapés après l'assassinat de Mohamed Brahmi, qu'ils ont immédiatement reconnus comme martyr. De cette polémique, je retiendrai particulièrement l'intervention de deux citoyennes du Kram (le Courrier de l'Atlas du 27 février), mères de familles, qui ont pris la défense de Dghij.
Elles ont spontanément, par un cri du coeur, raconté tout ce que ce " simple citoyen" a fait pour elles, pour leur familles et pour leur ville:
Pour elles, il est un véritable Robin des Bois de la cité! Ces mères de famille ont oublié ses accointances passées avec un des symboles de l'ancien régime, oublié ses menaces et ses appels à des actions musclées contre d'autres Tunisiens aux idées différentes, oublié sa reconversion post révolutionnaire à l'islamisme, oublié son opposition à ce que les partis, autres que Ennahdha ou le CPR, organisent un meeting dans sa cité.
Elles ont exprimé ce que beaucoup de Tunisiens confinés dans des "cités dortoirs" pensent. Il possédait les clefs du paradis, clefs qui n'ont fait que changer de propriétaire, avant et après le 14 janvier. Le constat est bien amer mais, peut-on ne pas compatir avec ceux qui n'ont pas vu d'amélioration notable de leurs conditions de vie, après la révolution?
Beaucoup d'entre eux vivent dans des conditions difficiles, autour des grandes villes. Ils ont participé à cette révolution. Ils ont même payé le prix fort, comme en témoignent les photos, à l'entrée du marché du Kram, des nombreux martyrs tués les 13 et 14 janvier 2011. Ils nous rappellent que cette révolution a été faite au nom de la dignité et de la liberté mais aussi de la lutte contre le chômage. Ces citoyens se sont tournés vers des associations sectaires pour espérer un mieux vivre parce que leur déception de l'Etat est bien grande. Comme avant le 14 janvier, cet Etat leur a beaucoup promis et très peu donné.
Le constat d'échec de la troïka est patent. A défaut de trouver des solutions rapides aux moins nantis de nos concitoyens, elle a volontairement laissé des associations profiter de passe-droits, se comporter comme de véritables milices et devenir dans certaines localités les représentants officieux de l'Etat.
Sous les gouvernements Jebali puis Larayedh, ces associations appelées LPR faisaient leur loi, solutionnaient les problèmes du quotidien, trouvaient du travail voir décidaient de la respectabilité de nombres de citoyens. Elles jugeaient qui était, n'était pas, voir n'était plus conforme à l'esprit de la révolution. Le doute sur un Etat de droit s'est même posé. La responsabilité incombe, donc, en premier lieu à ceux qui dirigeaient le pays, soutenus par une majorité forte au sein de l'ANC.
De plus, par manque de courage ou par volonté politique, cette Troïka a donné l'impression d'un "deux poids, deux mesures". Elle a échoué à mettre en place les bases d'une justice transitionnelle, vœux de tous, et véritable garantie du respect des droits des opprimés, mais aussi des droits de leurs bourreaux.
Rappelons aux sympathisants de cette Troika que la "commission vérité et réconciliation" en Afrique du Sud a été créé en 1995, un an après les premières élections démocratiques de ce pays. C'est vrai que n'importe qui n'est pas Nelson Mandela. Pourtant, notre Président de la République a été Président de la LTDH et notre Président de l'ANC vice-président de cette même ligue. Ils ont tous deux, au nom de la solidarité gouvernementale, "oubliés" leurs promesses faites aux électeurs, promesses d'une Tunisie plus juste, où la loi serait la même pour tous, et où personne ne pourra plus être au dessus de cette loi.
Les deux partis laïcs de la Troïka ont fait le dos rond, et permis par ce réseau parallèle que sont les LPR, à Ennahdha de se comporter comme le RCD qu'elle a combattu, soit un Etat-un Parti-une Milice.
Le constat est déroutant pour l'opposition et une grande partie de la société civile. La lutte pour l'interdiction de ces ligues est leur cheval de bataille et cette revendication est juste. Ils ont fait des efforts réels de proximité au sein des régions. Mais, à écouter ces deux Dames témoigner des raisons de leur soutien à Dghij, il faut reconnaitre que beaucoup de Tunisiens démunis, confinés dans ces cités surpeuplées autour des grandes villes, se reconnaissent peu dans cette opposition.
Le nombre de réunions publiques au Kram, des partis autres que ceux de la troïka, approche le zéro depuis la campagne électorale de 2011. Certains diront que c'est la présence de ces milices pro-gouvernementales qui les en a empêchés, mais il est juste de considérer que la volonté politique n'y était pas.
Il est urgent que tous ensemble - nouveau gouvernement de Mehdi Jomaa, partis politiques et société civile - prennent leur responsabilité. Les Tunisiens du "5 décembre" et d'autres cites urbaines "oubliées" ne doivent pas être des citoyens de seconde zone dans cette Tunisie nouvelle. Ils demandent plus de respect, du travail et une réelle intégration. Leur avenir ne dépendra alors plus du bon vouloir de miliciens, de quelques tendances qu'ils soient.
La polémique a inondé les réseaux sociaux. Certains Tunisiens ont été scandalisés par l'intervention musclée de la police contre Dghij. Parmi eux, beaucoup ont souffert d'humiliations policières, avant le14 janvier 2011. Ils redoutent surtout un retour de la matraque, arme fatale de l'ancien régime.
D'autres citoyens ont été choqués par la protestation officielle qui a suivi cette arrestation, d'élus CPR et Nahdhaouis, auprès du ministre de l'Intérieur. Les mêmes députés ont pour la plupart semblé bien tendres pour condamner nombres d'événements violents au cours des mandats des gouvernement Troïka 1 et 2.
Souvenons-nous particulièrement de la manifestation de la journée des martyrs du 9 avril 2012 avec cette milice venue en "soutien" des forces de l'ordre; des événements de Siliana en novembre 2012 avec l'usage historique de la chevrotine; du lynchage de Lotfi Nagdh par une horde sauvage dans les rues de Tataouine; ou encore de la mort suspecte de Mohamed Mufti au cours d'une manifestation de La Jabha à Gafsa.
Il sera aussi difficile d'oublier que plusieurs de ces élus conservateurs ont mis du temps pour accepter que Chokri Belaid soit considéré comme martyr de la révolution. Voyant la bêtise de leur déni, ils se sont rattrapés après l'assassinat de Mohamed Brahmi, qu'ils ont immédiatement reconnus comme martyr. De cette polémique, je retiendrai particulièrement l'intervention de deux citoyennes du Kram (le Courrier de l'Atlas du 27 février), mères de familles, qui ont pris la défense de Dghij.
Elles ont spontanément, par un cri du coeur, raconté tout ce que ce " simple citoyen" a fait pour elles, pour leur familles et pour leur ville:
"Monsieur Dghij est celui qui règle l'ordre, évite les vols, assure la sécurité de tous, permet aux jeunes d'étudier, voir de passer leur bac, cette partie du Kram est gérée comme un Magasin général."
Pour elles, il est un véritable Robin des Bois de la cité! Ces mères de famille ont oublié ses accointances passées avec un des symboles de l'ancien régime, oublié ses menaces et ses appels à des actions musclées contre d'autres Tunisiens aux idées différentes, oublié sa reconversion post révolutionnaire à l'islamisme, oublié son opposition à ce que les partis, autres que Ennahdha ou le CPR, organisent un meeting dans sa cité.
Elles ont exprimé ce que beaucoup de Tunisiens confinés dans des "cités dortoirs" pensent. Il possédait les clefs du paradis, clefs qui n'ont fait que changer de propriétaire, avant et après le 14 janvier. Le constat est bien amer mais, peut-on ne pas compatir avec ceux qui n'ont pas vu d'amélioration notable de leurs conditions de vie, après la révolution?
Beaucoup d'entre eux vivent dans des conditions difficiles, autour des grandes villes. Ils ont participé à cette révolution. Ils ont même payé le prix fort, comme en témoignent les photos, à l'entrée du marché du Kram, des nombreux martyrs tués les 13 et 14 janvier 2011. Ils nous rappellent que cette révolution a été faite au nom de la dignité et de la liberté mais aussi de la lutte contre le chômage. Ces citoyens se sont tournés vers des associations sectaires pour espérer un mieux vivre parce que leur déception de l'Etat est bien grande. Comme avant le 14 janvier, cet Etat leur a beaucoup promis et très peu donné.
Le constat d'échec de la troïka est patent. A défaut de trouver des solutions rapides aux moins nantis de nos concitoyens, elle a volontairement laissé des associations profiter de passe-droits, se comporter comme de véritables milices et devenir dans certaines localités les représentants officieux de l'Etat.
Sous les gouvernements Jebali puis Larayedh, ces associations appelées LPR faisaient leur loi, solutionnaient les problèmes du quotidien, trouvaient du travail voir décidaient de la respectabilité de nombres de citoyens. Elles jugeaient qui était, n'était pas, voir n'était plus conforme à l'esprit de la révolution. Le doute sur un Etat de droit s'est même posé. La responsabilité incombe, donc, en premier lieu à ceux qui dirigeaient le pays, soutenus par une majorité forte au sein de l'ANC.
De plus, par manque de courage ou par volonté politique, cette Troïka a donné l'impression d'un "deux poids, deux mesures". Elle a échoué à mettre en place les bases d'une justice transitionnelle, vœux de tous, et véritable garantie du respect des droits des opprimés, mais aussi des droits de leurs bourreaux.
Rappelons aux sympathisants de cette Troika que la "commission vérité et réconciliation" en Afrique du Sud a été créé en 1995, un an après les premières élections démocratiques de ce pays. C'est vrai que n'importe qui n'est pas Nelson Mandela. Pourtant, notre Président de la République a été Président de la LTDH et notre Président de l'ANC vice-président de cette même ligue. Ils ont tous deux, au nom de la solidarité gouvernementale, "oubliés" leurs promesses faites aux électeurs, promesses d'une Tunisie plus juste, où la loi serait la même pour tous, et où personne ne pourra plus être au dessus de cette loi.
Les deux partis laïcs de la Troïka ont fait le dos rond, et permis par ce réseau parallèle que sont les LPR, à Ennahdha de se comporter comme le RCD qu'elle a combattu, soit un Etat-un Parti-une Milice.
Le constat est déroutant pour l'opposition et une grande partie de la société civile. La lutte pour l'interdiction de ces ligues est leur cheval de bataille et cette revendication est juste. Ils ont fait des efforts réels de proximité au sein des régions. Mais, à écouter ces deux Dames témoigner des raisons de leur soutien à Dghij, il faut reconnaitre que beaucoup de Tunisiens démunis, confinés dans ces cités surpeuplées autour des grandes villes, se reconnaissent peu dans cette opposition.
Le nombre de réunions publiques au Kram, des partis autres que ceux de la troïka, approche le zéro depuis la campagne électorale de 2011. Certains diront que c'est la présence de ces milices pro-gouvernementales qui les en a empêchés, mais il est juste de considérer que la volonté politique n'y était pas.
Il est urgent que tous ensemble - nouveau gouvernement de Mehdi Jomaa, partis politiques et société civile - prennent leur responsabilité. Les Tunisiens du "5 décembre" et d'autres cites urbaines "oubliées" ne doivent pas être des citoyens de seconde zone dans cette Tunisie nouvelle. Ils demandent plus de respect, du travail et une réelle intégration. Leur avenir ne dépendra alors plus du bon vouloir de miliciens, de quelques tendances qu'ils soient.
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