Le parti du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan est largement ressorti vainqueur des élections municipales en Turquie le 30 mars dernier. Avec près de 45,5% des voix, soit presque 7% de plus qu'en 2009, le parti de la justice et du développement (AKP) peut se targuer de bénéficier d'un solide appui populaire.
Scandales politico-financiers, révélations sur les intentions de guerre en Syrie, lutte avec le mouvement de Fethullah Gülen et tensions avec certains acteurs de l'administration n'ont pas influencé les résultats des élections: l'électorat de l'AKP a affirmé son soutien clair et indéfectible à Erdogan qui n'a pas manqué de souligner, devant ses partisans le soir de l'élection, sa légitimité démocratique face aux "forces de l'ombre".
"Il n'y aura pas d'Etat dans l'Etat"
Proclamant la fin de l'Etat dans l'Etat (en référence aux partisans de Fethullah Gülen), Erdogan a affirmé avoir gagné une "nouvelle guerre d'indépendance". Ni le parti républicain du peuple (CHP) ni le parti de l'action nationaliste (MHP) avec respectivement 27,9% et 15,2% des voix, ne sont parvenus à inquiéter le parti au pouvoir depuis 2002, pourtant plus que jamais contesté dans certaines franges de la population.
En effet, traditionnellement attachées à la laïcité, une certaine bourgeoisie urbaine et étudiante ainsi que la principale minorité religieuse, les alévis, ont radicalisé leur discours vis-à-vis de l'AKP. Entre autres éléments, la décision de nommer le troisième pont du Bosphore "Yavuz Sultan Selim" -premier sultan à avoir porté le titre de Calife et auquel on attribue le massacre de milliers d'alévis entre 1512 et 1520-, a particulièrement choqué cette partie de la population percevant l'AKP comme leur étant de plus en plus hostile.
La pertinence de cette grille de lecture est démontrée par l'analyse des votes au regard du fait ethnico-religieux: l'électorat de l'AKP est essentiellement sunnite, tandis que les alévis votent majoritairement pour le CHP ou les partis plus à gauche. Le vote kurde est, quant à lui, une réalité dans certaines zones, le parti pro-kurde obtenant plusieurs mairies importantes dans l'est du pays.
Un pouvoir légitimé mais face à des dangers
La stratégie d'Erdogan depuis quelques mois, consistant à unifier sa base sans chercher le compromis avec les minorités (politique ou religieuse), s'est révélée payante à court terme, mais elle n'est pas sans danger pour la fragile démocratie turque. Le pouvoir, enivré par ses indéniables succès électoraux reposant sur ses nombreuses réussites (économiques, sociales et même démocratiques jusqu'à la fin du deuxième mandat), risque d'attiser les tensions entre les différentes Turquie, la radicalisation menaçant la stabilité du pays.
Si le soutien populaire à l'AKP et son maintien au pouvoir pour quelques années encore ne fait aucun doute, la prochaine échéance électorale sera déterminante pour l'avenir de la Turquie: en août prochain, le peuple turc sera appelé à choisir un président de la République. Pour la première fois, il s'agira d'un scrutin au suffrage universel direct à deux tours: l'opposition a l'opportunité de se structurer en élaborant une large alliance au second tour, impossible lors des autres élections durant lesquelles le scrutin est à la proportionnelle.
Une opposition qui, faute de remporter les élections, ferait douter l'AKP, permettrait de limiter les dérives autoritaires, car comme l'écrit Raymond Aron, "la tolérance naît du doute".
Tarik Yildiz est notamment président du think tank l'IRPAM
Scandales politico-financiers, révélations sur les intentions de guerre en Syrie, lutte avec le mouvement de Fethullah Gülen et tensions avec certains acteurs de l'administration n'ont pas influencé les résultats des élections: l'électorat de l'AKP a affirmé son soutien clair et indéfectible à Erdogan qui n'a pas manqué de souligner, devant ses partisans le soir de l'élection, sa légitimité démocratique face aux "forces de l'ombre".
"Il n'y aura pas d'Etat dans l'Etat"
Proclamant la fin de l'Etat dans l'Etat (en référence aux partisans de Fethullah Gülen), Erdogan a affirmé avoir gagné une "nouvelle guerre d'indépendance". Ni le parti républicain du peuple (CHP) ni le parti de l'action nationaliste (MHP) avec respectivement 27,9% et 15,2% des voix, ne sont parvenus à inquiéter le parti au pouvoir depuis 2002, pourtant plus que jamais contesté dans certaines franges de la population.
En effet, traditionnellement attachées à la laïcité, une certaine bourgeoisie urbaine et étudiante ainsi que la principale minorité religieuse, les alévis, ont radicalisé leur discours vis-à-vis de l'AKP. Entre autres éléments, la décision de nommer le troisième pont du Bosphore "Yavuz Sultan Selim" -premier sultan à avoir porté le titre de Calife et auquel on attribue le massacre de milliers d'alévis entre 1512 et 1520-, a particulièrement choqué cette partie de la population percevant l'AKP comme leur étant de plus en plus hostile.
La pertinence de cette grille de lecture est démontrée par l'analyse des votes au regard du fait ethnico-religieux: l'électorat de l'AKP est essentiellement sunnite, tandis que les alévis votent majoritairement pour le CHP ou les partis plus à gauche. Le vote kurde est, quant à lui, une réalité dans certaines zones, le parti pro-kurde obtenant plusieurs mairies importantes dans l'est du pays.
Un pouvoir légitimé mais face à des dangers
La stratégie d'Erdogan depuis quelques mois, consistant à unifier sa base sans chercher le compromis avec les minorités (politique ou religieuse), s'est révélée payante à court terme, mais elle n'est pas sans danger pour la fragile démocratie turque. Le pouvoir, enivré par ses indéniables succès électoraux reposant sur ses nombreuses réussites (économiques, sociales et même démocratiques jusqu'à la fin du deuxième mandat), risque d'attiser les tensions entre les différentes Turquie, la radicalisation menaçant la stabilité du pays.
Si le soutien populaire à l'AKP et son maintien au pouvoir pour quelques années encore ne fait aucun doute, la prochaine échéance électorale sera déterminante pour l'avenir de la Turquie: en août prochain, le peuple turc sera appelé à choisir un président de la République. Pour la première fois, il s'agira d'un scrutin au suffrage universel direct à deux tours: l'opposition a l'opportunité de se structurer en élaborant une large alliance au second tour, impossible lors des autres élections durant lesquelles le scrutin est à la proportionnelle.
Une opposition qui, faute de remporter les élections, ferait douter l'AKP, permettrait de limiter les dérives autoritaires, car comme l'écrit Raymond Aron, "la tolérance naît du doute".
Tarik Yildiz est notamment président du think tank l'IRPAM