"Ce gouvernement doit tomber"... "l'Assemblée constituante doit être dissoute"... immédiatement après l'assassinat de Mohamed Brahmi, le 25 juillet, l'opposition s'indignait d'une seule voix (ou presque) et affirmait que les mouvements de protestation ne s'achèveront que lorsque le pouvoir aura chuté. Finalement Ennahdha a réussi à désamorcer la crise et remonter la pente sur le dos d'une opposition agonisante.
La feuille de route ou la salut d'Ennahdha
La colère et la mobilisation retombées, notamment avec la suspension des travaux de l'Assemblée, les discours étaient devenus moins virulents: "nous ne dialoguerons avec Ennahdha que lorsque le gouvernement aura démissionné"... "nous ne retournerons à l'Assemblée que pour adopter la Constitution"...
Et puis vint la feuille de route du quartet de médiation, le 17 septembre 2013. Cette feuille de route irréaliste et irréalisable (qui aurait dû être réalisée en quatre semaines à compter du 25 octobre) a permis à Ennahdha d'amener progressivement les partis de l'opposition, jusque là unis, à la table du dialogue.
Cette feuille de route aura également permis le retour des élus de l'opposition à l'Assemblée, sans que ne soit réalisée la condition préalable, annoncée comme non négociable, de la démission immédiate du gouvernement Larayedh.
Et l'étau se resserre sur une opposition affaiblie, permettant au parti islamiste de s'en sortir avec les honneurs et de se repositionner en limitant considérablement les dégâts. Sans le consensus préalablement présenté comme une condition sine qua non, le quartet dos au mur, après une suspension et de multiples reports, annonce que le choix du futur Premier ministre s'est arrêté sur Mehdi Jomâa, ministre du gouvernement Larayedh.
Ennahdha se félicite de la réussite du dialogue, Ettakatol jubile en silence et une partie de l'opposition crie, encore une fois, son désarroi et son impuissance... tandis que l'autre partie rappelle à la première les défaillances dont elle s'est rendue coupable.
Une opposition décimée
Après l'assassinat du député Mohamed Brahmi, une partie de l'opposition annonce la formation du "Front du salut national", une union de circonstance entre les partis de l'Union pour la Tunisie et le Front populaire.
Mais avant même sa création, les premières dissensions éclatent. Le soir du 25 juillet, Saïd Aïdi et une centaine d'adhérents annoncent leur démission d'Al Joumhouri, après celle des membres d'Afek Tounes, quelques semaines plus tôt, faisant renaître de ses cendres le parti de Yassine Brahim.
Si les partis du FSN se montrent unis jusqu'au démarrage du dialogue national, l'Alliance démocratique, menée par d'anciens PDP ayant fait scission à la création d'Al Joumhouri, affichait ses désaccords. Le parti dissident n'a jamais appelé à la dissolution de l'Assemblée nationale constituante, privilégiant le retour à ladite Assemblée et le dialogue avec la Troïka.
Quelques jours après le démarrage du dialogue et alors que les participants butaient sur le nom du futur Premier ministre, c'est au tour d'Al Joumhouri de plier. Entre Mohamed Ennaceur et Ahmed Mestiri, le parti d'Ahmed Néjib Chebbi préfère ne pas faire de choix et s'attirera les foudres de ses alliés du FSN.
Par la suite, alors que la crise au FSN ne faisait que commencer, Afek Tounes et l'Alliance démocratique prennent leur distance et affichent leur soutien indéfectible pour Jalloul Ayed qu'ils essaieront d'imposer par tous les moyens, en vain.
Le vote en faveur de Mehdi Jomâa, soutenu par une partie de l'opposition et rejeté par l'autre, scellera définitivement les inimitiés entre ces deux parties.
Béji Caïd Essebsi sur le banc de touche
Le choix de Mehdi Jomâa représente également un revers pour Béji Caïd Essebsi, leader de Nida Tounes, qui avait multiplié les rencontres stratégiques avec son meilleur ennemi, Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha.
Alors que l'UGTT peinait à rapprocher les points de vue du pouvoir et de l'opposition... alors que la feuille de route du quartet de médiation n'était pas encore élaborée et que les partis du FSN refusaient de dialoguer avec Ennahdha, Béji Caïd Essebsi rencontrait secrètement Rached Ghannouchi, dans un hôtel parisien, un soir du 14 ou du 15 août (selon les versions).
Depuis, une idylle affichée était née entre les deux hommes et les alliés de chacun des deux camps craignaient qu'un accord bilatéral ne soit établi entre Ennahdha et Nida Tounes.
Béji Caïd Essebsi montrait ensuite des signes d'impatience envers un dialogue national loin d'être à la hauteur de ses attentes. Dimanche 8 décembre, il lance une contre-proposition comme alternative à ce dialogue: La création d'un Conseil supérieur de l'Etat dont la souveraineté et le pouvoir seraient supérieurs à toutes les autres institutions.
Cette initiative a été majoritairement rejetée par l'opposition et Al Joumhouri ne mâchait pas ses mots. "Il s'agit clairement d'une tentative de se partager le pouvoir", avait fustigé Ahmed Néjib Chebbi.
Finalement, rien ne se sera déroulé comme prévu pour Béji Caïd Essebsi et son parti a quitté le dialogue national quelques minutes avant le vote de dernière minute donnant la victoire à Mehdi Jomâa.
Ennahdha - UGTT: Une idylle est née
Un an après la crise ayant opposé l'UGTT à Ennahdha, à la suite de l'attaque du local de l'UGTT, le 4 décembre 2012, les rôles sont à présent inversés. Les rapports entre les islamistes et les leaders de la Centrale syndicale se sont en effet considérablement améliorés.
Souhaitant la réussite d'un dialogue qu'il a lui-même initié, Houcine Abassi joue les prolongations et cherche à tout prix une porte de sortie. Le samedi 14 décembre, alors qu'aucun consensus ne s'est dégagé, un vote de dernière minute donne Mehdi Jomâa vainqueur avec 11 voix sur 21 partis.
Les partis du Front du salut national s'indignent et déplorent des méthodes contraires au consensus, adoptées par le quartet de médiation: "Si on voulait procéder au choix du président du gouvernement par un vote, pourquoi n'a-t-on pas accepté Mohamed Ennaceur qui était largement arrivé en tête au démarrage du dialogue?", s'insurge Hamma Hammami, leader du Front populaire dont la position est partagée par Al Joumhouri et Nida Tounes. "Le quartet est sorti de sa neutralité", renchérit Ahmed Néjib Chebbi.
Le dimanche soir sur Nessma TV, c'est Noureddine Bhiri, conseiller auprès du chef du gouvernement, qui est venu à la rescousse du quartet, particulièrement Houcine Abassi et l'UGTT. Une fois n'est pas coutume, le responsable d'Ennahdha ne tarissait pas d'éloge sur l'UGTT, ses leaders et son esprit démocratique. "L'UGTT est une école de la démocratie", a-t-il répété.
Près de cinq mois après l'assassinat de Mohamed Brahmi, Ennahdha au départ affaibli remonte sûrement la pente et profite de la division de l'opposition pour, sinon imposer ses choix, au moins limiter les dégâts. Encore un sans-faute pour les islamistes au grand dam de ses détracteurs.
La feuille de route ou la salut d'Ennahdha
La colère et la mobilisation retombées, notamment avec la suspension des travaux de l'Assemblée, les discours étaient devenus moins virulents: "nous ne dialoguerons avec Ennahdha que lorsque le gouvernement aura démissionné"... "nous ne retournerons à l'Assemblée que pour adopter la Constitution"...
Et puis vint la feuille de route du quartet de médiation, le 17 septembre 2013. Cette feuille de route irréaliste et irréalisable (qui aurait dû être réalisée en quatre semaines à compter du 25 octobre) a permis à Ennahdha d'amener progressivement les partis de l'opposition, jusque là unis, à la table du dialogue.
Cette feuille de route aura également permis le retour des élus de l'opposition à l'Assemblée, sans que ne soit réalisée la condition préalable, annoncée comme non négociable, de la démission immédiate du gouvernement Larayedh.
Et l'étau se resserre sur une opposition affaiblie, permettant au parti islamiste de s'en sortir avec les honneurs et de se repositionner en limitant considérablement les dégâts. Sans le consensus préalablement présenté comme une condition sine qua non, le quartet dos au mur, après une suspension et de multiples reports, annonce que le choix du futur Premier ministre s'est arrêté sur Mehdi Jomâa, ministre du gouvernement Larayedh.
Ennahdha se félicite de la réussite du dialogue, Ettakatol jubile en silence et une partie de l'opposition crie, encore une fois, son désarroi et son impuissance... tandis que l'autre partie rappelle à la première les défaillances dont elle s'est rendue coupable.
Une opposition décimée
Après l'assassinat du député Mohamed Brahmi, une partie de l'opposition annonce la formation du "Front du salut national", une union de circonstance entre les partis de l'Union pour la Tunisie et le Front populaire.
Mais avant même sa création, les premières dissensions éclatent. Le soir du 25 juillet, Saïd Aïdi et une centaine d'adhérents annoncent leur démission d'Al Joumhouri, après celle des membres d'Afek Tounes, quelques semaines plus tôt, faisant renaître de ses cendres le parti de Yassine Brahim.
Si les partis du FSN se montrent unis jusqu'au démarrage du dialogue national, l'Alliance démocratique, menée par d'anciens PDP ayant fait scission à la création d'Al Joumhouri, affichait ses désaccords. Le parti dissident n'a jamais appelé à la dissolution de l'Assemblée nationale constituante, privilégiant le retour à ladite Assemblée et le dialogue avec la Troïka.
Quelques jours après le démarrage du dialogue et alors que les participants butaient sur le nom du futur Premier ministre, c'est au tour d'Al Joumhouri de plier. Entre Mohamed Ennaceur et Ahmed Mestiri, le parti d'Ahmed Néjib Chebbi préfère ne pas faire de choix et s'attirera les foudres de ses alliés du FSN.
Par la suite, alors que la crise au FSN ne faisait que commencer, Afek Tounes et l'Alliance démocratique prennent leur distance et affichent leur soutien indéfectible pour Jalloul Ayed qu'ils essaieront d'imposer par tous les moyens, en vain.
LIRE:
Le vote en faveur de Mehdi Jomâa, soutenu par une partie de l'opposition et rejeté par l'autre, scellera définitivement les inimitiés entre ces deux parties.
Béji Caïd Essebsi sur le banc de touche
Le choix de Mehdi Jomâa représente également un revers pour Béji Caïd Essebsi, leader de Nida Tounes, qui avait multiplié les rencontres stratégiques avec son meilleur ennemi, Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha.
Alors que l'UGTT peinait à rapprocher les points de vue du pouvoir et de l'opposition... alors que la feuille de route du quartet de médiation n'était pas encore élaborée et que les partis du FSN refusaient de dialoguer avec Ennahdha, Béji Caïd Essebsi rencontrait secrètement Rached Ghannouchi, dans un hôtel parisien, un soir du 14 ou du 15 août (selon les versions).
Depuis, une idylle affichée était née entre les deux hommes et les alliés de chacun des deux camps craignaient qu'un accord bilatéral ne soit établi entre Ennahdha et Nida Tounes.
Béji Caïd Essebsi montrait ensuite des signes d'impatience envers un dialogue national loin d'être à la hauteur de ses attentes. Dimanche 8 décembre, il lance une contre-proposition comme alternative à ce dialogue: La création d'un Conseil supérieur de l'Etat dont la souveraineté et le pouvoir seraient supérieurs à toutes les autres institutions.
Cette initiative a été majoritairement rejetée par l'opposition et Al Joumhouri ne mâchait pas ses mots. "Il s'agit clairement d'une tentative de se partager le pouvoir", avait fustigé Ahmed Néjib Chebbi.
Finalement, rien ne se sera déroulé comme prévu pour Béji Caïd Essebsi et son parti a quitté le dialogue national quelques minutes avant le vote de dernière minute donnant la victoire à Mehdi Jomâa.
Ennahdha - UGTT: Une idylle est née
Un an après la crise ayant opposé l'UGTT à Ennahdha, à la suite de l'attaque du local de l'UGTT, le 4 décembre 2012, les rôles sont à présent inversés. Les rapports entre les islamistes et les leaders de la Centrale syndicale se sont en effet considérablement améliorés.
Souhaitant la réussite d'un dialogue qu'il a lui-même initié, Houcine Abassi joue les prolongations et cherche à tout prix une porte de sortie. Le samedi 14 décembre, alors qu'aucun consensus ne s'est dégagé, un vote de dernière minute donne Mehdi Jomâa vainqueur avec 11 voix sur 21 partis.
Les partis du Front du salut national s'indignent et déplorent des méthodes contraires au consensus, adoptées par le quartet de médiation: "Si on voulait procéder au choix du président du gouvernement par un vote, pourquoi n'a-t-on pas accepté Mohamed Ennaceur qui était largement arrivé en tête au démarrage du dialogue?", s'insurge Hamma Hammami, leader du Front populaire dont la position est partagée par Al Joumhouri et Nida Tounes. "Le quartet est sorti de sa neutralité", renchérit Ahmed Néjib Chebbi.
Le dimanche soir sur Nessma TV, c'est Noureddine Bhiri, conseiller auprès du chef du gouvernement, qui est venu à la rescousse du quartet, particulièrement Houcine Abassi et l'UGTT. Une fois n'est pas coutume, le responsable d'Ennahdha ne tarissait pas d'éloge sur l'UGTT, ses leaders et son esprit démocratique. "L'UGTT est une école de la démocratie", a-t-il répété.
Près de cinq mois après l'assassinat de Mohamed Brahmi, Ennahdha au départ affaibli remonte sûrement la pente et profite de la division de l'opposition pour, sinon imposer ses choix, au moins limiter les dégâts. Encore un sans-faute pour les islamistes au grand dam de ses détracteurs.