Alain Bauer est professeur de criminologie à Paris, New York et Beijing. Alain Juillet est président du CDSE.
Les expéditions post coloniales ont toujours un petit goût d'incertitude et d'aventure. Pour les meilleures raisons humanitaires, la plupart des critiques de l'impérialisme des années 60/70 se sont fait les chantres d'un interventionnisme parfois débridé.
Opérations de maintien de l'ordre ou de la paix, forces d'interposition, de rétablissement de la légalité électorale, de lutte contre le terrorisme,,.... Les néologismes de la bonne conscience s'appuyant régulièrement sur la méconnaissance de la réalité du terrain n'ont guère manqué, au Kosovo, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Cote d'Ivoire, au Mali et depuis peu en Centrafrique. Pour le meilleur et pour le moins bon.
Si, souvent, l'ennemi était a peu près clairement identifié (quoique souvent sous estimé ou mal analysé), il semble que la situation soit d'une toute autre nature à Bangui.
En effet, la Seleka, loin d'être une hétéroclite coalition de va-nu-pieds prête à se disloquer à tout moment, ressemble bien plus à un dispositif de talibans ayant conquis un pouvoir politique longtemps refusé à une élite économique minoritaire. On ne peut comprendre ce qui se passe si l'on oublie la longue domination sans partage des 80% de chrétiens sur les 20 % de musulmans. L'actuel Président de la République Michel Djotodia, longtemps expatrié en Union Soviétique puis au Soudan, est un cadre très expérimenté, rompu aux opérations de rébellion et aux situations de crise, qui est parfaitement capable de se maintenir au pouvoir tout en jouant des ficelles apprises en exil.
Certes la Centrafrique est une fiction administrative devenue réalité, composée de morceaux de territoires "à la découpe" qui ne pouvaient pas être rattachés aux voisins (Cameroun, Tchad, Soudans, Somalie et Congos). Mais c'est aussi un pôle central autour duquel chacun des voisins héberge bien involontairement des groupes terroristes particulièrement violents (Boko Haram, Al Qaida, Shebab, etc...) pour qui l'occidental est une cible de choix. Mais c'est un pays riche, ou diamants, mines, pétrole et forêt peuvent intéresser beaucoup d'acteurs. Tout ceci rend la situation locale bien plus inquiétante qu'en Afghanistan, qui fut un royaume organisé, même si les tribus locales (et la géographie torturée) finirent rapidement à se mettre d'accord sur le fait de ne jamais être d'accord.
Les opérateurs Tchadiens, convaincus de leur impunité relative du fait de leur engagement au Mali, ont pu ainsi se développer sur un espace de proximité, en utilisant les méthodes les plus efficaces et les plus définitives pour imposer un pouvoir minoritaire mais économiquement dominant. Ceci leur permet de redessiner leur zone d'influence au détriment des protecteurs traditionnels du pays.
Partout en Afrique, des katibas et des groupes hybrides, criminalo terroristes, s'installent, se regroupent, mutualisent leurs intérêts et leurs moyens. Par son positionnement et sa situation politique la Centre Afrique est particulièrement intéressante à leurs yeux. La position de la France, après les leçons de diplomatie reçues de Moscou sur les questions Syriennes ou Iraniennes, mériterait une plus grande prudence dans la préparation, le renseignement, la projection ou même le déplacement du chef de l'Etat sur des sites encore instables, malgré les efforts remarqués des militaires français.
Il y a de nombreuses façons de s'embourber pour les meilleures raisons du monde. Encore faut il avoir envisagé cette possibilité pour éviter qu'elle ne devienne une probabilité.
Les expéditions post coloniales ont toujours un petit goût d'incertitude et d'aventure. Pour les meilleures raisons humanitaires, la plupart des critiques de l'impérialisme des années 60/70 se sont fait les chantres d'un interventionnisme parfois débridé.
Opérations de maintien de l'ordre ou de la paix, forces d'interposition, de rétablissement de la légalité électorale, de lutte contre le terrorisme,,.... Les néologismes de la bonne conscience s'appuyant régulièrement sur la méconnaissance de la réalité du terrain n'ont guère manqué, au Kosovo, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Cote d'Ivoire, au Mali et depuis peu en Centrafrique. Pour le meilleur et pour le moins bon.
Si, souvent, l'ennemi était a peu près clairement identifié (quoique souvent sous estimé ou mal analysé), il semble que la situation soit d'une toute autre nature à Bangui.
En effet, la Seleka, loin d'être une hétéroclite coalition de va-nu-pieds prête à se disloquer à tout moment, ressemble bien plus à un dispositif de talibans ayant conquis un pouvoir politique longtemps refusé à une élite économique minoritaire. On ne peut comprendre ce qui se passe si l'on oublie la longue domination sans partage des 80% de chrétiens sur les 20 % de musulmans. L'actuel Président de la République Michel Djotodia, longtemps expatrié en Union Soviétique puis au Soudan, est un cadre très expérimenté, rompu aux opérations de rébellion et aux situations de crise, qui est parfaitement capable de se maintenir au pouvoir tout en jouant des ficelles apprises en exil.
Certes la Centrafrique est une fiction administrative devenue réalité, composée de morceaux de territoires "à la découpe" qui ne pouvaient pas être rattachés aux voisins (Cameroun, Tchad, Soudans, Somalie et Congos). Mais c'est aussi un pôle central autour duquel chacun des voisins héberge bien involontairement des groupes terroristes particulièrement violents (Boko Haram, Al Qaida, Shebab, etc...) pour qui l'occidental est une cible de choix. Mais c'est un pays riche, ou diamants, mines, pétrole et forêt peuvent intéresser beaucoup d'acteurs. Tout ceci rend la situation locale bien plus inquiétante qu'en Afghanistan, qui fut un royaume organisé, même si les tribus locales (et la géographie torturée) finirent rapidement à se mettre d'accord sur le fait de ne jamais être d'accord.
Les opérateurs Tchadiens, convaincus de leur impunité relative du fait de leur engagement au Mali, ont pu ainsi se développer sur un espace de proximité, en utilisant les méthodes les plus efficaces et les plus définitives pour imposer un pouvoir minoritaire mais économiquement dominant. Ceci leur permet de redessiner leur zone d'influence au détriment des protecteurs traditionnels du pays.
Partout en Afrique, des katibas et des groupes hybrides, criminalo terroristes, s'installent, se regroupent, mutualisent leurs intérêts et leurs moyens. Par son positionnement et sa situation politique la Centre Afrique est particulièrement intéressante à leurs yeux. La position de la France, après les leçons de diplomatie reçues de Moscou sur les questions Syriennes ou Iraniennes, mériterait une plus grande prudence dans la préparation, le renseignement, la projection ou même le déplacement du chef de l'Etat sur des sites encore instables, malgré les efforts remarqués des militaires français.
Il y a de nombreuses façons de s'embourber pour les meilleures raisons du monde. Encore faut il avoir envisagé cette possibilité pour éviter qu'elle ne devienne une probabilité.