Un scandale de corruption risque de provoquer la plus grave crise politique que la Turquie ait connu depuis l’avènement du Parti pour la justice et le développement (AKP), au pouvoir depuis 2002.
Mardi 17 décembre, la police turque a procédé à l’arrestation d’une cinquantaine de personnes dont trois fils de ministres (Intérieur, Economie et Environnement), le directeur d’une grande banque publique, Halkbank, le maire du district de Fatih à d’Istanbul, des hommes d’affaires et des fonctionnaires des ministères de l’Economie et de l’Environnement.
Parmi les principaux chefs d’inculpation, on compte la corruption active, le blanchiment d’argent et la fraude dans des appels d’offres publics pour la construction de logements sociaux.
Trois enquêtes, quatre procureurs et des dizaines d'interpellés
Cette opération anti corruption a été dirigée par le bureau du procureur adjoint d’Istanbul, Zekeriya Öz , accompagné des procureurs Celal Kara et Mehmet Yüzgeç. Deux nouveaux procureurs sont venus s’ajouter à l’équipe initiale en raison de "la portée des enquêtes, du nombre de suspects et de la nécessité de mettre fin aux procédures durant la période de détention légale " selon un communiqué du bureau du procureur en chef d’Istanbul.
Elle se divise en trois enquêtes distinctes:
Ces trois enquêtes ont été ouvertes en septembre 2012 lorsque le bureau de lutte contre la contrebande et le crime organisé du département de la police nationale a reçu une lettre expliquant que le ministre de l'Environnement et de l’Urbanisation est intervenu pour changer le statut de terrains appartenant à la municipalité d’Istanbul afin de les rendre constructibles au profit de certains proches du ministre.
Cette lettre aurait ensuite été transmise à la direction des enquêtes du département financier de la police qui aurait procédé à des écoutes téléphoniques sous la supervision de plusieurs procureurs.
La lutte des frères ennemis
Cette opération policière intervient sur fond de lutte fratricide entre l’AKP et la puissante confrérie Hizmet dirigée par l’imam Fetullah Gülen qui a, jusque là, soutenu le parti islamiste dans sa prise du pouvoir et sa lutte contre "l’Etat profond".
Hizmet est une nébuleuse active dans l'éducation, les médias et la finance ayant de nombreuses ramifications à l’étranger et réputée très influente dans les milieux de la justice et de la police.
En novembre dernier, le gouvernement s’est prononcé en faveur de la fermeture d'un réseau de soutien scolaire (les dershane) appartenant à la confrérie et lui procurant d’importants revenus.
La décision du gouvernement de différer ces fermetures à 2015 n’est vraisemblablement pas parvenue à apaiser les tensions entre l’AKP et la confrérie.
La veille de ce coup de filet, l’ancien footballeur et député de l’AKP, Hakan Sükür, a démissionné du parti en dénonciation de "l'ingratitude" de ce dernier envers le chef de la confrérie à laquelle il appartient. Sükür a déclaré qu’il prenait personnellement "tous les actes, les diffamations et les insultes hostiles contre Fethullah Gülen" car il est membre de son mouvement "qui n'a d'autre objectif que de servir cette nation et l'humanité".
L'opposition s'en mêle et le gouvernement contre-attaque pendant que l'économie trinque
Erdogan n’a été informé de ces interventions policières que lorsque les interpellations ont débuté. La réaction du premier ministre a été rapide et sans concession. Face à ses supporters rassemblés lors d’un meeting à Konya, il a dénoncé des "cercles obscures qui menacent la nation" tout en invitant ses détracteurs à "rencontrer la nation" à l’occasion des municipales de mars.
Mercredi 18 décembre, ce sont cinq chefs de la police d’Istanbul (Yakup Saygili, unité des délits financiers, Tugrul Turhal, unité de lutte contre la contrebande, Nazmi Ardıç, unité de lutte contre le crime organisé, Ömer Köse, unité de lutte contre le terrorisme et Ertan Erçikti, unité de la sécurité publique) qui ont été démis de leurs fonctions en représailles à ces arrestations.
Suite à ce scandale politique sans précédent l’opposition a réclamé la démission du gouvernement. Le chef du groupe parlementaire du CHP (Parti républicain du peuple, principal parti d’opposition), Engin Altay, a qualifié ces évènements de "plus grand scandale de l’histoire de la république".
Son homologue du MHP (parti d'action nationaliste, opposition nationaliste) a, quant à lui, désigné le premier ministre de "plus grand agent immobilier au monde".
Ces soubresauts politico-judiciaires ont fortement affectés la bourse d’Istanbul qui pour la seule journée du mardi a perdu 5,2% de sa valeur soit près de 12.7 milliards de dollars.
Mardi 17 décembre, la police turque a procédé à l’arrestation d’une cinquantaine de personnes dont trois fils de ministres (Intérieur, Economie et Environnement), le directeur d’une grande banque publique, Halkbank, le maire du district de Fatih à d’Istanbul, des hommes d’affaires et des fonctionnaires des ministères de l’Economie et de l’Environnement.
Parmi les principaux chefs d’inculpation, on compte la corruption active, le blanchiment d’argent et la fraude dans des appels d’offres publics pour la construction de logements sociaux.
Trois enquêtes, quatre procureurs et des dizaines d'interpellés
Cette opération anti corruption a été dirigée par le bureau du procureur adjoint d’Istanbul, Zekeriya Öz , accompagné des procureurs Celal Kara et Mehmet Yüzgeç. Deux nouveaux procureurs sont venus s’ajouter à l’équipe initiale en raison de "la portée des enquêtes, du nombre de suspects et de la nécessité de mettre fin aux procédures durant la période de détention légale " selon un communiqué du bureau du procureur en chef d’Istanbul.
Elle se divise en trois enquêtes distinctes:
- La première est centrée sur l’homme d’affaire azéri Reza Zarrab accusé d’avoir monnayé aux fils des ministres de l’Intérieur et de l’Economie ainsi qu’au directeur de HalkBank une couverture pour ses transactions financières suspectes entre l’Iran, la Turquie et la Russie.
- La seconde vise le fils du ministre de l’Environnement et de l’Urbanisme, Oğuz Bayraktar, soupçonné d'avoir reçu des pots de vins de grandes entreprises en échange de permis de construction dans des zones relevant du ministère dirigé par son père. Parmi les personnes incriminés dans cette affaire on compte les magnats de l’immobilier Ali Ağaoğlu, Osman Ağca et Emrullah Turanlı, des fonctionnaires et conseillers du ministère de l’Environnement et des responsables de l'Administration du développement de l'habitat collectif (TOKI).
- La dernière enquête porte sur l’octroi rémuneré d’autorisations de construction dans des zones protégées du district de Fatih par le maire de ce quartier.
Ces trois enquêtes ont été ouvertes en septembre 2012 lorsque le bureau de lutte contre la contrebande et le crime organisé du département de la police nationale a reçu une lettre expliquant que le ministre de l'Environnement et de l’Urbanisation est intervenu pour changer le statut de terrains appartenant à la municipalité d’Istanbul afin de les rendre constructibles au profit de certains proches du ministre.
Cette lettre aurait ensuite été transmise à la direction des enquêtes du département financier de la police qui aurait procédé à des écoutes téléphoniques sous la supervision de plusieurs procureurs.
La lutte des frères ennemis
Cette opération policière intervient sur fond de lutte fratricide entre l’AKP et la puissante confrérie Hizmet dirigée par l’imam Fetullah Gülen qui a, jusque là, soutenu le parti islamiste dans sa prise du pouvoir et sa lutte contre "l’Etat profond".
Hizmet est une nébuleuse active dans l'éducation, les médias et la finance ayant de nombreuses ramifications à l’étranger et réputée très influente dans les milieux de la justice et de la police.
En novembre dernier, le gouvernement s’est prononcé en faveur de la fermeture d'un réseau de soutien scolaire (les dershane) appartenant à la confrérie et lui procurant d’importants revenus.
La décision du gouvernement de différer ces fermetures à 2015 n’est vraisemblablement pas parvenue à apaiser les tensions entre l’AKP et la confrérie.
La veille de ce coup de filet, l’ancien footballeur et député de l’AKP, Hakan Sükür, a démissionné du parti en dénonciation de "l'ingratitude" de ce dernier envers le chef de la confrérie à laquelle il appartient. Sükür a déclaré qu’il prenait personnellement "tous les actes, les diffamations et les insultes hostiles contre Fethullah Gülen" car il est membre de son mouvement "qui n'a d'autre objectif que de servir cette nation et l'humanité".
L'opposition s'en mêle et le gouvernement contre-attaque pendant que l'économie trinque
Erdogan n’a été informé de ces interventions policières que lorsque les interpellations ont débuté. La réaction du premier ministre a été rapide et sans concession. Face à ses supporters rassemblés lors d’un meeting à Konya, il a dénoncé des "cercles obscures qui menacent la nation" tout en invitant ses détracteurs à "rencontrer la nation" à l’occasion des municipales de mars.
Mercredi 18 décembre, ce sont cinq chefs de la police d’Istanbul (Yakup Saygili, unité des délits financiers, Tugrul Turhal, unité de lutte contre la contrebande, Nazmi Ardıç, unité de lutte contre le crime organisé, Ömer Köse, unité de lutte contre le terrorisme et Ertan Erçikti, unité de la sécurité publique) qui ont été démis de leurs fonctions en représailles à ces arrestations.
Suite à ce scandale politique sans précédent l’opposition a réclamé la démission du gouvernement. Le chef du groupe parlementaire du CHP (Parti républicain du peuple, principal parti d’opposition), Engin Altay, a qualifié ces évènements de "plus grand scandale de l’histoire de la république".
Son homologue du MHP (parti d'action nationaliste, opposition nationaliste) a, quant à lui, désigné le premier ministre de "plus grand agent immobilier au monde".
Ces soubresauts politico-judiciaires ont fortement affectés la bourse d’Istanbul qui pour la seule journée du mardi a perdu 5,2% de sa valeur soit près de 12.7 milliards de dollars.