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Le terrorisme n'a ni foi ni loi

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Les soubresauts terroristes que vit notre société ne doivent pas nous faire oublier que le conflit est le caractère immuable des manifestations de la vie, naturelles et sociales.

Comme le notait Julien Freund, le conflit est "de l'ordre du vécu"; c'est grâce à lui que tout vécu sain et équilibré trouve toujours "un accommodement spontanément machinal". Dit en termes juridiques et politiques, c'est la démocratie.

La vie est issue de la tension qui est à la base de son vitalisme. C'est ce qui caractérise notre socialité depuis la chute de la dictature qui n'était qu'une négation d'un tel vitalisme.

Certes, la violence atteint des degrés paroxystiques aujourd'hui; ils ne peuvent justement se garder de les exagérer; ils ne sont qu'à la mesure d'un degré similaire atteint par le pouvoir déchu; la seule différence est que les turpitudes d'antan se faisaient en catimini. En vrai, on n'a affaire qu'à un simple retour de balancier !

Le terrorisme n'a pas de religion

Le terrorisme se pare volontiers de tous les subterfuges et ruses possibles que l'art de la guerre offre. On voit bien les manigances et la langue de bois utilisées en politique qui est, au pire, une guerre noble; que dire du terrorisme qui n'est, au mieux, qu'une guerre abjecte?

Le terrorisme a trop de causes; les réduire à la seule religion est non seulement faux, mais indigne d'un esprit honnête et lucide, car trahissant indubitablement du terrorisme mental, raison d'être de toute dictature.

C'est une démocratie authentique - non purement formelle - et l'État de droit vécu au concret qui sont la meilleure parade au terrorisme.

Hier, au prétexte d'un désordre fatal à la sortie d'une dictature ayant trop duré et ne tenant que grâce à une supposée lutte contre le terrorisme islamique, on a entendu des voix regretter l'ordre des cimetières imposé par elle.

Ce faisant, ces voix oubliaient que le désordre est une création de l'esprit, qu'il n'existe pas en tant qu'unité, n'étant qu'une multiplicité d'ordres (des-ordres) à la recherche d'un ordre d'ensemble, un point d'équilibre.

Aujourd'hui, on dénonce la terreur comme un déséquilibre supplémentaire insupportable pour un État dont l'autorité est bafouée. Pareillement, il n'y a pas absence d'équilibre unitaire, mais bien pluralité (des équilibres), qui ne sont visibles qu'au niveau le plus bas, en des zones interstitielles du tissu social, ce niveau officieux palliant l'absence d'équilibre officiel et rééquilibrant l'illégalité manifeste des rapports entre les intérêts des groupes et de régions forcément contradictoires, devant être complémentaires.

Le terrorisme n'a pas de loi

C'est surtout de l'État de non-droit que se nourrit le terrorisme; et notre pays est loin de l'être! Aussi est-il une proie facile au terrorisme, cette forme d'appel paroxystique aux lois. C'est ce que traduit le comportement de ceux qui regrettent la dictature pour mater le terrorisme; ils n'appellent qu'à des lois. Comme ils sont habitués à ce que la loi s'accompagne de coercition, leur horizon mental croit le régime autoritaire indépassable.

Il est vrai que la contrainte, indépassable déjà dans le processus d'hominisation, l'est aussi dans celui de la socialisation; mais il ne s'agit que de cette contrainte intégrée à l'aspect structurel et anthropologique de la violence légitime.

Car toute violence d'État, bien que légale, n'est pas nécessairement légitime. Elle ne l'est que si elle est intériorisée par tout un chacun dans le cadre nécessaire d'un respect absolu de l'altérité.

En termes religieux, c'est ce qu'on qualifie d'effort maximal (Jihad Akbar), violence faite à soi, jamais à autrui, meilleure façon de changer l'autre en se changeant soi-même, je étant un autre pour revenir à l'expression rimbaldienne.

Si le terrorisme se pare aujourd'hui des atours de la religion, il est alimenté par des terrorismes divers, irréligieux, fascistes et fascisants, pour lesquels l'État de droit ne doit pas exister en Tunisie étant la négation même de leur raison d'être qui est l'illégalité et l'ordre du plus fort, propice aux plus fous.

Qu'on y prête donc attention et qu'on prenne garde de ne pas être les complices objectifs des terroristes, être terroristes en retour en prétendant lutter contre le terrorisme.

Cela ne saurait plus marcher, aujourd'hui, car il est assez de bon sens chez les peuples de distinguer le vrai du faux; et que dire du notre qui a trop souvent démontré sa lucidité? D'où la déconsidération de ses supposées élites, bien plus ignares que lui, qui se croient intelligentes quand elles ne sont, au mieux, que débiles.

La violence comme structure anthropologique

Il ne faut pas se faire d'illusions; la violence, en tant que structure anthropologique, est indépassable aux moments de rupture avec un ordre ancien dans l'attente de l'arrivée de l'ordre nouveau.

Aussi doit-on impérativement, pour l'apaisement qui finira par advenir, veiller à ne pas céder à la tentation pouvant être assez irrésistible de renouer avec l'ordre criminogène et mortifère que nous avons bien connu et que le peuple a vomi. Sinon, ce serait tirer de nouveau assez loin le balancier dans un sens appelant fatalement, au moindre relâchement toujours inévitable, la traction dans l'autre sens avec du tirage et des dégâts à la mesure des premiers.

En sciences sociales, Lupasco et Durand usent du terme "contradictoriel" qui suppose l'acceptation des contraintes comme étant complémentaires et non irréductiblement opposés, le pluriel salutaire se substituant au totalitarisme de l'Un avec l'acceptation de l'imperfection comme nécessaire au dynamisme de tout ce qui est en devenir. C'est d'un pareil polythéisme de valeurs qu'a besoin la Tunisie nouvelle République, notre démocratie en devenir.

Ceci est donc un appel à la raison à l'intention des bonnes consciences qui ne peuvent manquer sur cette terre ardente où le "vouloir-vivre" du Tunisien est un "vouloir-être" doublé d'un "pouvoir-être", et non plus un "devoir-être"; ce qui le caractérise - cette tunisianité dont l'empreinte est perceptible depuis la nuit des temps - étant foncièrement humaniste. Elle est aussi et surtout une volonté doublée d'une volupté de vivre. Que l'on y songe et qu'on agisse pour son épiphanie !


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