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La loi de finance complémentaire ou le tunisien en guise de vache à lait!

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Quelques semaines après sa prise de fonction, le gouvernement vient de pondre un projet de loi de finance complémentaire histoire de relancer une situation économique morose.

La lecture des mesures fiscales de ce projet confirme le principe sur lequel se fonde la politique économique suivie par ce gouvernement de transition: le citoyen comme argentier des finances publiques. Ainsi après la hausse des prix de produits de base, laquelle hausse risque de continuer selon les rumeurs et l'emprunt national, le gouvernement décide d'imposer à ses "sujets" des "contributions" supplémentaires.

La mesure phare est certainement la contribution sur les salaires qui consiste à déduire une part du salaire mensuel au profit du budget de l'Etat. Cette contribution est concomitante avec la suppression d'autres contributions imposées par la loi de finances pour la gestion 2014 nommant la taxe sur les immeubles et la tant contestée redevance sur les véhicules de transport de marchandise.

Des mesures incohérentes, injustes et politiquement "sournoises"

Le projet des mesures fiscales manque de cohérence. Si l'objectif est de lever plus de ressources fiscales au profit du budget de l'Etat, alors logiquement, il fallait soit maintenir les taxes et contributions déjà instituées par la loi de finance pour la gestion 2014, soit, si vraiment on est en manque de ressources, y ajouter, en sus, des contributions supplémentaires dont la contribution salariales, évidemment sujettes au respect de certains principes et conditions dont la sacro-sainte "équité fiscale".

Remplacer les unes par les autres montre en fait que le gouvernement s'est suffi à un mouvement de chaises musicales des contributions en déplaçant la charge de l'impôt d'une catégorie de contribuables vers une autre et que finalement ce qui a été prévu par la loi de finance initiale, du moins en ce qui concerne les contributions aux recettes de l'Etat aurait dû être maintenu.

Outre l'incohérence, le déplacement du curseur de la charge fiscale est injuste. Le gouvernement a choisi, encore une fois la solution de facilité, à savoir demander aux "meilleurs payeurs" et pas aux "mieux-lotis" des contribuables d'assumer à eux seuls le fardeau de l'impôt. Les salariés qui sont les contribuables exemplaires, grâce notamment au système de la retenue à la source, vont encore mettre la main dans la poche, du moins ce qu'il leur reste pour "soutenir" le budget du pays! Cela aurait pu paraitre une évidence dans ces temps difficiles, sauf qu'il faut prendre la question de la contribution des salariés dans sa globalité.

Ainsi, il faut savoir que le barème d'imposition introduit depuis 1989 n'a jamais été actualisé pour tenir compte de l'inflation et des niveaux des salaires. Or, au cours de ces dernières 25 années, les salaires ont connu une augmentation substantielle compte tenu, essentiellement, de l'inflation, ce qui a impliqué que des contribuables se sont vu évoluer dans le barème de l'impôt en changeant des tranches d'imposition, sans pour autant évoluer dans l'échelle sociale, puisque l'augmentation de leurs revenus ne s'est pas traduite, forcément, par un enrichissement personnel.

La résultante était donc la hausse du taux d'impôt effectif (qui est le quotient de la charge d'impôt par le revenu) qui passera, à cause de la nouvelle contribution, un palier supplémentaire. A la stagnation du barème de l'impôt, il faut ajouter le fait que les déductions, déjà ridicules, pour charges de famille, n'ont pas non plus été haussées suffisamment pour tenir compte du coût de la vie!

Evidemment, on peut nous rétorquer, que l'Etat a fait des efforts en faveur des smicards en atténuant la charge fiscale (cela consiste à maintenir les smicards dans la première tranche du barème de l'impôt dont le taux est 0%), mais cet argument est léger vu que, fort heureusement, la grande masse des tunisiens n'est pas "smicarde".

Alors, on peut conclure que cette incohérence injuste est synonyme d'un suicide politique?

Absolument pas et là tout le génie de la sournoiserie politique et elle est double de surcroit.

Primo, les salariés ne sont pas organisés en corporations, contrairement aux propriétaires de véhicules de transport qui ont pu faire reculer la Troïka sur la redevance. Ainsi, les nouvelles mesures ne verront pas de contestations, en tout cas pas dans une ampleur qui permettra leur abandon.

Secundo, et comme je l'avais écrit auparavant, le gouvernement de M. Jomaa, du fait qu'il est "neutre" politiquement et qu'il s'est engagé à ne pas se présenter aux prochaines élections, n'est pas comptable politiquement. Il peut faire ce qu'il voudra, il ne risque rien. Partir? Il partira de toute façon.

Il ne faut pas non plus perdre de vue aussi que ces mesures pourraient arranger les vainqueurs des prochaines élections car le "sale boulot" a été déjà fait! Il serait d'ailleurs intéressant, de voir la réaction de ceux qui prendront les rênes du pouvoir et qui auraient contesté ces mesures.


Un gouvernement "apolitique", point de politique

Au fond, outre l'aspect contribution, les mesures fiscales montrent que le gouvernement et compte-tenu du fait qu'il ne soit pas "politique" n'a aucune politique économique. Il ne fait que grappiller à gauche et à droite. Selon le document en question, la mesure rapporterait 64 millions de dinars, soit environ 0.22% du budget de l'Etat (question peanuts, on peut tout de même mieux faire). Ajoutons à cela les 35 millions de dinars économisés sur le dos des fonctionnaires et on est encore loin de 1%!

La richesse se crée par la production et cela se réalise par l'investissement. Non seulement il faut encourager les investissements privés, mais aussi publics (une dose de keynésianisme nous ne fera pas de mal). Il fallait aussi encourager la consommation et a défaut l'épargne, et cela nécessite le maintien du revenu disponible du ménage et non le lui prendre pour le mettre dans les caisses de l'Etat.

Aux limites de la politique économique s'ajoute le fait que le gouvernement utilise le mauvais levier. Notre système fiscal est compliqué, mais surtout inefficace car une de ses composantes essentielles fonctionne mal, à savoir le contrôle fiscal. On ne peut pas demander plus de contributions (et cela où réside aussi l'erreur de la redevance "Fakhfakh") si cela n'est pas accompagné par une volonté réelle, mais surtout visible de lutte contre l'évasion fiscale. Un véritable fléau qui touche notre économie.

A un jour ou un autre, il faut se décider à s'attaquer aux racines du mal si on veut l'éradiquer. Pour le moment, on ne fait que se soulager, pourvu qu'on évite l'amputation.



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