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Une coupe du Monde contestée

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Au Brésil, depuis son importation par un fils d'Ecossais, le Futebol est bien une passion nationale. Et pourtant, à la veille de la Coupe du monde, il semblerait bien qu'il ait perdu de son pouvoir identitaire.

Depuis le XIXe siècle, le futebol fait partie intégrante de la vie sociale et culturelle brésilienne, au point même d'en être un ferment de l'identité nationale comme le montre le dernier numéro de la revue de l'IRIS consacré au Football. L'Empire pacifique. Une communauté peut être imaginée certes, mais une communauté néanmoins transcendée par la Coupe du monde.


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Retransmise sur les ondes radiophoniques à partir de 1938, elle constitue un moment de passion et d'émotions collectives qu'aucun autre événement ne concurrence, un événement d'autant plus puissant qu'il expose l'identité brésilienne au plan international. Par ses stades mythiques -le Maracana- nouveaux temples de la Nation, par ses joueurs de légende, par ses Torcerdores, les supporters de l'équipe nationale la Seleçao, par ses cinq coupes du monde remportées entre 1958 et 2002, "le Brésil est un état où l'identité nationale sans le football est impensable" écrit l'anthropologue Simoni Lahud Guesdes.

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Flickr//CC: natalia.robles


Ainsi la défaite du Brésil face à l'Uruguay, sur le sol national, lors de la coupe de 1950, est vécue comme un drame de la Nation. Et lorsque pour le premier mondial télévisé, en 1958, le roi Pelé fait gagner la coupe au Brésil, l'adolescent de 17 ans fait figure de véritable héros.




Une coupe du monde pourrie par le climat social

Depuis un an, des millions de brésiliens envahissent régulièrement les rues avec des slogans "Fifa, rentre chez toi", "Pour qui est cette Coupe du monde ?", ou encore "La Coupe du monde n'aura pas lieu". En cause, son coût faramineux, plus de 10 milliards de dollars. Alors que le gouvernement s'attend à un impact positif sur la croissance de 0,4% par an jusqu'en 2019 et à la création d'environ 600.000 emplois une large partie de la population juge, quant à elle, ces dépenses somptuaires bien malvenues... Et se demande s'il ne serait pas plus urgent d'investir dans les services publics comme la santé et l'éducation. Plusieurs joueurs de l'équipe de football du Brésil ont apporté leur soutien au mouvement, à l'inverse de la phrase maladroite de Michel Platini, le président de l'UEFA.


Mondial 2014 / Platini : "Le Brésil, faites un... par rmcsport


The Wall Street Journal livre un chiffre éloquent: d'après un récent sondage, seuls 48% des Brésiliens pensent qu'accueillir la Coupe du monde est une bonne chose. En 2008, ils étaient 79%. En six ans, raconte le journal, l'espoir s'est envolé: explosion des budgets, scandales de corruption, le tout sur fond de ralentissement économique, d'augmentation du coût de la vie, et de mauvaise qualité des services publics. Sans jeux de mots: la coupe est pleine!
http://www.france24.com/fr/20140529-2114-revue-presse-inter-liban-syrie-presidentielle-bresil-coupe-du-monde-football-maya-angelou/



Et sur le plan symbolique, ce n'est pas mieux: les Brésiliens n'aiment pas beaucoup, d'après The Guardian, l'hymne officiel, "We are One", choisi pour cette Coupe du monde. C'est une chanson interprétée par le rappeur Pitbull et Jennifer Lopez. Une sorte de caricature de musique brésilienne, chantée en anglais et en espagnol.



Les opposants au Mondial 2014 de foot, eux, ont leur hymne, qu'ils clament haut et fort. Le chanteur brésilien Edu Krieger a mis en musique sa dénonciation des "voleurs qui nous dirigent" et des sommes dépensées pour la compétition organisée au Brésil. Cette chanson, mise en ligne le 14 mars et déjà visionnée plusieurs dizaines de milliers de fois sur YouTube, traduit la déception du fan de football.




Qui veut pourrir cette coupe du monde?

Face à un Etat capable de dépenser des milliards pour construire 11 stades tout en augmentant le prix du ticket de métro et de bus, le mouvement étudiant, dit passage libre (MPL), pour la gratuité des transports, s'est étendu à une partie des classes moyennes, atteintes par la dégradation économique du pays, et aussi les plus modestes contraints, en tout 250 000 personnes, de quitter leur logement pour se réfugier dans des campements de tentes rebaptisé « Coupe du peuple ». Il y a aussi des opposants politiques de Dilma Roussef et les black bloc, des militants, pour la plupart anarchistes, vêtus de noir et qualifiés de "casseurs" qui prônent sabotages et autres "attaques contre (...) cette coupe du monde de merde.". Les ONG internationales, elles, dénoncent le nettoyage social et les violences policières.

De là à penser, comme l'auteur du livre Le sport barbare, de l'universitaire Marc Perelman, que cette Coupe du monde se fait contre les Brésiliens, il n'y a qu'un pas. Force est de constater que par ses excès, elle a perdu, pour le moins, de son pouvoir de cohésion nationale tandis que l'attribution controversée, entachée de corruption, des Mondiaux 2018 à la Russie et 2022 au Qatar finissent de donner raison aux contestataires... Et pour l'heure, ce ne sont pas les prédictions des scientifiques et des statisticiens qui annoncent, calculs à l'appui, que le Brésil sortira vainqueur de ce Mondial, qui suffiront à redonner à la Coupe un peu de son soft power.

Vous pouvez retrouver cette chronique sur France Culture.


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