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La cité arabo-islamique

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Pour les grammairiens et lexicographes du Moyen-Âge arabe, le substantif "Madinat" مدينة avec le sens de cité se rattache à une racine "MDN" qui véhiculerait la notion de résidence, de séjour. Le verbe "Madana" signifierait résider, séjourner.

La "Madinat": Puissance, autorité et collectivité

Pour ma part, j'ai déjà eu l'occasion de récuser cette étymologie et de proposer de rattacher "Madinat" à une racine sémitique "DN ou DYN" دين أو دن dont le contenu sémantique se situe autour de la notion de puissance, qu'il s'agisse de domination ou de soumission, de prêt ou d'emprunt. On y saisit également la notion de jugement qui, implicitement relève de la puissance et implique l'autorité du juge.

Le nom de "Madinat" désignerait alors un lieu où résiderait une collectivité dotée d'une administration ou d'une constitution et dont les membres se sentent liés par d'autres liens que ceux du sang et de l'ethnie.

Yathreb ou la genèse de la communauté arabo-musulmane

Pour la société arabo-islamique, le Coran représente la constitution et la source du pouvoir par excellence. Après l'hégire du Prophète et de ses compagnons à Yathreb, cette ancienne agglomération arabe subit un changement toponymique: son vieux nom cède la place à un nouveau toponyme, celui de Madinat dont l'historiographie occidentale a fait Médine.

C'est là d'ailleurs un dossier qui pose une série de problèmes: A quelle date précise eut lieu ce changement toponymique? Pourquoi ce changement? Quel était le profil de Yathreb avant l'hégire? Quelles en furent les transformations urbanistiques après l'hégire et la suprématie du toponyme Madinat?

Sans vouloir trop nous hasarder sur un terrain qui reste, malgré tout, non exploré, peut-être pourrions-nous dire que le nom de "Madinat" s'imposa parce qu'il s'agissait alors d'une véritable cité au sens d'une communauté solidaire dont les membres se sentaient appartenir à la même famille culturelle, en l'occurrence religieuse, abstraction faite des liens tribaux et de l'ethnie.

Désormais, on est jugé à l'aune de la doxa coranique et des faits et gestes du Prophète.

Après l'hégire, Yathreb devient "Madinat el-nabi", la Cité par excellence, le siège de l'autorité où l'on suivait le même apôtre et adorait le même dieu. A Médine, on échappe aux aléas du vécu et des caprices et exigences de la tribu. Dès lors, "El-Madinat" se présente comme une ville d'une certaine importance par ses structures d'accueil. C'est le siège de l'autorité tant politique qu'administrative et juridique et la résidence des représentants du pouvoir: gouverneur, cadi, magistrats et autres commis qui gèrent le quotidien de la communauté et tranchent les différends entre les individus, non conformément aux us et coutumes de la Tribu, mais en vertu de lois valables pour tous.

Le passage de Yathreb à Médine traduit donc une transformation radicale au sein de la nouvelle communauté arabo-musulmane créée par le Prophète. Les historiographes tout comme les traditionnistes et les juristes arabes semblent avoir été tout à fait indifférents à ce changement toponymique.

Après la conquête arabe, la cité antique en Méditerranée dut adapter ses acquis et pour ainsi dire les recycler pour répondre aux nouveaux besoins et aux nouvelles réalités. Sans échapper aux contraintes du passé, le changement socio-politique et religieux génère l'inédit dans les architectures l'urbanisme les formes, les volumes, les parfums et les couleurs, etc.

Une meilleure connaissance du phénomène nécessite de multiples enquêtes historiographiques, épigraphiques, anthropologiques, sociologiques et archéologiques à grande échelle.

Quelles transformations au Maghreb?

L'historiographie arabe du moyen-âge recèle des informations nombreuses et diverses pour étudier le passage de la Cité antique à la cité arabo-islamique du Maghreb.

Où donc se situerait la rupture avec le passé? Elle est saisissable certes dans les manifestations de la vie quotidienne, dans la démarche générale, le costume, la cuisine, les couleurs. Les modes du Machreq s'infiltrent et s'imposent, étant l'expression de la prépondérance du geste et de la parole de ceux qui prétendent représenter le prophète.

Au Maghreb, on a dû essayer de reproduire l'archétype arabo-islamique sans pour autant exclure les composantes locales. A la notion de citoyen responsable, jouissant du droit de participation à la vie communautaire se substitue le Musulman dont les droits et les devoirs sont bien déterminés par le Coran, la tradition du prophète et surtout, par la jurisprudence et une exégèse qui refuse la discussion.

En principe et sans doute jusqu'à la fin du Moyen-Âge, le musulman pouvait se sentir virtuellement impliqué par ses devoir et ses droits partout en terre d'Islam, « Dar al-Islam » tant en Orient qu'en Occident.

Les frontières politiques et administratives ne s'opposaient pas en principe à la libre circulation des musulmans et ne touchaient ni au droits ni aux devoirs que l'Islam leur reconnaissait. Un musulman de Samarkand ou de Boukhara ne devait pas se sentir étranger à Kairouan ou à Fez. Il pouvait y pratiquer un métier, accéder au palais du Sultan ou du Gouverneur s'il en avait le mérite, assurer de hautes charges administratives, se marier sans le moindre risque de xénophobie.

Mais ce sont là des principes que l'historien a le devoir de contrôler et d'apprécier en les confrontant au réel et au vécu. Voilà donc le chemin qu'au Maghreb et en Méditerranée musulmane, la Cité a dû parcourir au fil des siècles et au rythme des révolutions qui peuvent paraitre exclusives alors qu'elles se tiennent, l'une ne se faisant pas sans référence à l'autre, fût-ce à ses dépens. Par leurs colonnes et leurs chapiteaux, les temples et les églises avaient contribué à la construction des mosquées.

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