Peut-on rire de tout? Certains humoristes diront que oui, mais pas avec n'importe qui. Et si c'était aussi une question de timing?
Si près de 70 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, on peut rire d'Adolf Hitler, pourrait-on par exemple faire une blague portant sur Nelson Mandela? En d'autres termes, à partir de quand peut-on faire de l'humour sur un événement tragique à l'image d'un décès, d'une guerre, d'une catastrophe naturelle, d'un génocide ou autre? C'est la question que se sont posés des psychologues de l'Université du Colorado dirigés par Peter McGraw.
Suite de l'article sous la vidéo:
Des critères très précis
Ce psychologue n'est autre que l'un des chefs de file d'une certaine théorie de l'humour (il y en a d'autres), dite théorie de la violation bénigne et selon laquelle est drôle ce qui satisfait trois critères:
Exemple avec cette blague, choisie au hasard: Qu'est-ce qui est tout rouge, qui hurle, qui gigote et qui fait des bulles? Réponse : un bébé plongé dans de l'acide. Ici, une norme est en effet menacée (le meurtre est proscrit, en particulier celui du bébé innocent), mais la menace semble en effet bénigne, à moins que vous ayez votre bébé dans les bras, le tout à côté d'un bidon d'acide auquel cas celle-ci ne serait plus bénigne mais bien réelle. Conséquence: la blague ne serait alors plus drôle puisque les deux conditions (menace d'une norme, caractère bénin de cette menace) ne seraient plus satisfaites (comme quoi tout s'explique).
Le cas de l'ouragan Sandy
C'est donc avec cette théorie en tête que les chercheurs ont voulu savoir s'il existait un moment optimum pour faire des blagues à propos d'une tragédie. Avec le temps, une menace réelle pourrait en effet devenir bénigne, et une blague pas drôle se révéler particulièrement efficace.
Pour ce faire, les chercheurs se sont donc intéressés à l'ouragan Sandy qui avait frappé la côte Est des États-Unis fin octobre 2012. Un peu plus d'un milliers de participants ont été recrutés sur Internet et sollicités à 10 moments différents. D'abord le 30 octobre 2012, soit le lendemain de l'arrivée de l'ouragan, puis périodiquement au cours des trois mois qui ont suivi, les 2, 7, 14, 21 et 28 novembre, le 5 décembre, le 2 janvier et le 6 février.
Tous les participants ont été invités à réagir et à évaluer sur une échelle de 1 à 7 le degré de drôlerie de trois tweets humoristiques. Sans surprise, c'est dans les jours ayant suivi la catastrophe que ceux-ci ont le moins fait rire les participants. En revanche, le 5 décembre, les chercheurs ont enregistré un excellent résultat. Rigolade qui s'est effritée avec le temps puisque 99 jours après la catastrophe, les tweets faisaient autant rigoler que le 14 novembre, c'est-à-dire pas du tout.
La conclusion des chercheurs? "Transformer de la tragédie en comédie prend du temps, mais ni trop, ni trop peu". Mais quid de la théorie de la violation bénigne? L'importance de la menace semble en tout cas vérifiée, mais là encore, il faut que celle-ci ne soit ni trop, ni pas assez importante.
Reste que, comme l'écrivent les psychologues, l'humour témoigne toujours "de cette capacité de l'homme à transformer une source de douleur en vecteur de plaisir". Une disposition, précisent-ils, "qui est une caractéristique critique de notre système immunitaire psychologique", et ils n'ont pas l'air de plaisanter.
Voir aussi:
Si près de 70 ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, on peut rire d'Adolf Hitler, pourrait-on par exemple faire une blague portant sur Nelson Mandela? En d'autres termes, à partir de quand peut-on faire de l'humour sur un événement tragique à l'image d'un décès, d'une guerre, d'une catastrophe naturelle, d'un génocide ou autre? C'est la question que se sont posés des psychologues de l'Université du Colorado dirigés par Peter McGraw.
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Des critères très précis
Ce psychologue n'est autre que l'un des chefs de file d'une certaine théorie de l'humour (il y en a d'autres), dite théorie de la violation bénigne et selon laquelle est drôle ce qui satisfait trois critères:
- Que la blague menace l'idée que le destinataire du gag se fait du monde, par exemple une norme sociale
- Que la menace créée par la blague paraisse néanmoins bénigne au destinataire du gag
- Que le destinataire perçoive ces deux premières conditions
Exemple avec cette blague, choisie au hasard: Qu'est-ce qui est tout rouge, qui hurle, qui gigote et qui fait des bulles? Réponse : un bébé plongé dans de l'acide. Ici, une norme est en effet menacée (le meurtre est proscrit, en particulier celui du bébé innocent), mais la menace semble en effet bénigne, à moins que vous ayez votre bébé dans les bras, le tout à côté d'un bidon d'acide auquel cas celle-ci ne serait plus bénigne mais bien réelle. Conséquence: la blague ne serait alors plus drôle puisque les deux conditions (menace d'une norme, caractère bénin de cette menace) ne seraient plus satisfaites (comme quoi tout s'explique).
Le cas de l'ouragan Sandy
C'est donc avec cette théorie en tête que les chercheurs ont voulu savoir s'il existait un moment optimum pour faire des blagues à propos d'une tragédie. Avec le temps, une menace réelle pourrait en effet devenir bénigne, et une blague pas drôle se révéler particulièrement efficace.
Pour ce faire, les chercheurs se sont donc intéressés à l'ouragan Sandy qui avait frappé la côte Est des États-Unis fin octobre 2012. Un peu plus d'un milliers de participants ont été recrutés sur Internet et sollicités à 10 moments différents. D'abord le 30 octobre 2012, soit le lendemain de l'arrivée de l'ouragan, puis périodiquement au cours des trois mois qui ont suivi, les 2, 7, 14, 21 et 28 novembre, le 5 décembre, le 2 janvier et le 6 février.
Tous les participants ont été invités à réagir et à évaluer sur une échelle de 1 à 7 le degré de drôlerie de trois tweets humoristiques. Sans surprise, c'est dans les jours ayant suivi la catastrophe que ceux-ci ont le moins fait rire les participants. En revanche, le 5 décembre, les chercheurs ont enregistré un excellent résultat. Rigolade qui s'est effritée avec le temps puisque 99 jours après la catastrophe, les tweets faisaient autant rigoler que le 14 novembre, c'est-à-dire pas du tout.
La conclusion des chercheurs? "Transformer de la tragédie en comédie prend du temps, mais ni trop, ni trop peu". Mais quid de la théorie de la violation bénigne? L'importance de la menace semble en tout cas vérifiée, mais là encore, il faut que celle-ci ne soit ni trop, ni pas assez importante.
Reste que, comme l'écrivent les psychologues, l'humour témoigne toujours "de cette capacité de l'homme à transformer une source de douleur en vecteur de plaisir". Une disposition, précisent-ils, "qui est une caractéristique critique de notre système immunitaire psychologique", et ils n'ont pas l'air de plaisanter.
Voir aussi: