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Le viol avec extrême violence: une arme de destruction massive

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Le Kivu dans l'est de la République Démocratique du Congo est l'une des plus grande réserve de minerais précieux du monde, comprenant notamment l'or, le diamant et le coltan nécessaire à nos portables.

Loin d'être une manne pour ses habitants, c'est une malédiction qui attire toutes les convoitises. Multinationales, pouvoirs occidentaux, voisins africains, élites locales, tous ont intérêt à ce que le Kivu reste un désordre, sans foi ni loi, où l'on peut piller loin des yeux du monde.

Depuis quinze ans, des bandes armées ravagent les villages du Kivu. Ils utilisent le viol avec extrême violence comme arme de destruction massive pour terroriser la population et la réduire en esclavage. Le viol ne coute pas cher et est extrêmement efficace. Aux villageois du Kivu, on ne peut rien voler, ils ne possèdent pratiquement aucun effet personnel. On peut détruire les maisons, ils en reconstruiront d'autres. On peut les assassiner, ils serreront les rangs et resteront solidaires. En revanche la société congolaise place la fertilité au dessus de toutes les autres valeurs : avoir des enfants, c'est la seule vraie richesse au Congo. On se marie jeune et l'on ne tarde pas à fonder une famille.

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Le viol et la mutilation de la femme devant son mari touche le point faible des congolais. La femme perd sa capacité à porter des enfants. Elle sera rejetée par son mari. Si celui-ci la soutient, ce sont les autres hommes qui feront pression sur lui : ils le mépriseront car sa compagne "est devenue la femme de l'ennemi". Dans la société traditionnelle des villages du Kivu, en perdant sa fertilité, la femme perd tout. L'homme aussi est déshonoré car il n'a pas pu protéger sa femme. Tout le tissu social est ainsi désintégré.

Une fois leurs crimes commis, les bandes armées ont le champ libre. Dans le village persécuté, la population est asservie, les maris honteux rejoignent la mine contrôlée par les violeurs eux-mêmes. Les bourgs voisins terrorisés se soumettent spontanément pour éviter de subir le même sort, les enfants orphelins sont réduits en esclavage. Ce que le meurtre et les flammes ne pouvaient donner au pillard, le viol et la mutilation le leur offre : un peuple déshonoré, désespéré qui courbe l'échine et obéit.

Le Dr Mukwege, gynécologue, a fondé un hôpital au sud du Kivu. Cet hôpital nommé Panzi était destiné à être une maternité. Cependant, en 1999, il opère sa première victime de viol et de mutilation. Très vite il saisit l'ampleur du phénomène et Panzi se transforme en centre spécialisé dans l'accueil de victimes de viol. Depuis, il a soigné plus de quarante mille victimes.

Les mutilations concernent le rectum et l'appareil génital qui remonte loin dans le ventre. Pour Denis Mukwege reconstruire le vagin et l'anus en surface quand les blessures sont bas situées est relativement facile. Mais pour rentrer plus profondément dans le corps quand la perforation est plus haute, il est obligé d'ouvrir tout le ventre, ce qui est dangereux pour la victime.

Lors d'un voyage en Belgique, Denis Mukwege a visité notre Service de Chirurgie Digestive au Centre Hospitalier Universitaire Saint Pierre de Bruxelles. Notre Service est spécialisé dans la technique de la laparoscopie. Grâce à cette technique, il n'est pas nécessaire d'ouvrir largement le ventre, il suffit de 3 à 4 incisions de 5 mm pour introduire une caméra et des instruments chirurgicaux dans le ventre. Le chirurgien contrôle ce qu'il réalise à l'intérieur du ventre grâce à un écran de télévision. Denis s'est montré très enthousiaste à l'idée d'utiliser cette technique dans son hôpital. C'était la solution pour les lésions profondes.

Depuis je me rends 1 semaine tout les 3 mois à Panzi avec mon équipe et nous opérons à quatre mains, lui entre les jambes de la malade et moi au dessus du ventre. Le premier cas que nous avons opéré ensemble fut l'un des pires jamais rencontrés. Un soldat avait introduit un pieu en bois dans le vagin de la victime et avait perforé le rectum. Il n'y avait plus aucune cloison entre le vagin et le rectum. C'était un cloaque.

Le Dr Mukwege non seulement répare chirurgicalement le vagin et l'anus mais œuvre aussi à la réinsertion de ses patients dans la société. Cela implique la chirurgie, le soutien psychologique, la formation professionnelle pour que les femmes deviennent autonomes, la prise en charge de leurs enfants, mais aussi une démarche active dans les villages pour sensibiliser les populations et leur apprendre à entourer les victimes au lieu de les stigmatiser, à ne pas céder au terrible chantage de ceux qui viennent piller leur sous-sol.

Denis s'est d'abord cantonne à la salle d'opération, puis il a pris en charge les patients d'une manière holistique, ce qui a élargit son champ d'action. Ensuite, il a fondé son propre hôpital, devenu une véritable cité. Il gère tout son personnel, commence chaque journée par le rassembler et lui expliquer sans relâche comment vivre en harmonie et devenir meilleur. Il a crée une véritable communion autour des valeurs telles que la solidarité, la fraternité et l'amour.

Face à cette barbarie qui dure depuis 15 ans, Denis est devenu militant des Droits de l'Homme et de la Femme.

Son combat contre la barbarie, je l'ai épousé immédiatement, car le drame du Kivu n'est rien d'autre que l'illustration parfaite de ce vers quoi nous nous dirigeons. L'aboutissement d'un système capitaliste débridé. D'un libéralisme sans conscience. Panzi est la vitrine du monde dans lequel vivront nos enfants si nous ne réagissons pas !

Nos parcours sont complètement différents. Il est congolais, pasteur protestant et je suis belge athée, rationaliste. Pourtant, je pense que toute personne avant d'appartenir à un sexe, une nationalité ou une religion, appartient d'abords à l'humanité. Le vrai combat est la défense des valeurs humaines, des droits de l'homme et de la femme. Nous avons longuement parlé de nos motivations face à l'horreur et décidé d'écrire un livre dans l'urgence.

Réduire les violences envers les femmes est l'un des principaux défis du siècle à venir. J'inclus dans ces agressions le trafic humain, les crimes d'honneur, le mariage forcé et précoce, les sévices domestiques, le viol collectif, et cette forme ultime de l'horreur qu'est un génocide basé sur la destruction de l'appareil génital féminin.

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