Le groupe E de la Coupe du monde est exceptionnel. Non pas parce que c'est celui de la France, qui a terminé en tête devant la Suisse et s'est qualifiée pour les huitièmes de finale où elle affrontera le Nigeria. Il s'agit d'un groupe exceptionnel parce que c'est le seul dans lequel des équipes latino-américaines (en l'occurrence le Honduras et l'Equateur) ont échoué.
Si on les exclut, les sélections d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale ont effectivement réalisé un carton plein en se qualifiant dans tous les groupes où elles étaient représentées. Sans forcément briller, le Brésil a pris la première place de son groupe à égalité avec le Mexique.
L'Argentine, la Colombie et l'Uruguay ont également tenu leur rang, tandis que le Costa Rica et le Chili s'offraient tout simplement le scalp des deux derniers champions du monde, respectivement l'Italie (1-0) et l'Espagne (2-0).
De quoi éliminer deux des favoris et réduire le contingent européen à peau de chagrin. Avec les déroutes du Portugal et de l'Angleterre et les déceptions de la Bosnie, de la Russie et de la Croatie, il ne reste que six équipes (sur 13 partantes) pour défendre le Vieux Continent: la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, la France, l'Allemagne et la Grèce. Et ce sont pas moins de 7 équipes latino-américaines qui disputeront les huitièmes de finale à partir de ce samedi 28 juin. Au-delà du déclin européen, comment expliquer cette insolente réussite?
L'importance psychologique de jouer à domicile (ou en l'occurrence devant un public majoritairement acquis à sa cause) est bien connue. Elle a notamment été étudiée par Sophia Jowett et David Lavallee, auteurs de l'ouvrage "Psychologie sociale du sport". Pendant ce premier tour, les supporteurs venus d'Amérique du sud et d'Amérique centrale n'ont pas failli à leur réputation, "envahissant" le Brésil en voiture, en avion et en car. Au stade ou en ville, ils étaient de loin les plus bruyants et les plus nombreux, plusieurs dizaines de milliers d'entre eux se pressant à Rio, Belo Horizonte, Recife ou encore Brasilia pour assister aux exploits de leur sélection, même quand les matches se déroulaient à plusieurs milliers de kilomètres de chez eux.
"Il est clair que le Chili a joué à domicile le match décisif de l'élimination espagnole", note par exemple Patrick Favier, envoyé spécial au Brésil pour Sud Ouest, qui constate que cette Coupe du monde est aussi par procuration un peu celle de l'Argentine, qui n'a jamais eu un Mondial aussi proche de chez elle depuis celui qu'elle a organisé (et remporté) en 1978. Grands rivaux des Brésiliens, les Argentins étaient jusqu'à 100.000 à avoir fait le déplacement à Porto Alegre mercredi 25 juin pour assister à la victoire de la Celeste contre le Nigeria (3-2).
Au-delà du soutien des supporters, le pays où se dispute la Coupe du monde influe forcément sur le style de jeu que les équipes vont pratiquer. Certains prédisaient un Mondial ennuyeux, avec des joueurs ralentis par le décalage horaire, la moiteur du climat (dont l'influence est finalement moins importante que prévu) ou encore le piètre état des terrains. Il n'en est rien. Avec une moyenne de plus de 2,8 buts par match, cette Coupe du monde est même jusqu'ici la plus prolifique depuis le Mondial mexicain de 1970. Et cela réussit bien aux latino-américains, plutôt adeptes d'un style de jeu offensif et porté vers l'avant. "En Italie, on joue la défense et le contre, au Brésil on veut se montrer sous son meilleur jour techniquement, on veut montrer ce que les spectateurs attendent", note Edgardo Broner, journaliste de la radio argentine Futbol de Primera cité par Sud Ouest.
Peut-être faut-il aussi y voir une simple progression. En exportant de plus en plus de joueurs en Europe, les sélections latino-américaines même "mineures" commencent à se faire une place au soleil et (à l'exception du Costa Rica) possèdent des joueurs de classe internationale. Seulement trois d'entre elles avaient réussi à passer le cap du premier tour en 2002, ce total grimpant à quatre en 2006 et atteignant six en 2010. Plus prosaïquement, on peut aussi expliquer la réussite latino-américaine par le fait que les zones CONCACAF (Amérique du Nord, Centrale et Caraïbes) et CONMEBOL (Amérique du Sud) représentent cette année 10 des 32 équipes en lice, contre huit en 2010.
Bien sûr, il y a aussi une émulation qui a sans doute poussé les sélections latino-américaines à se dépasser, non seulement parce qu'elles jouaient devant leurs supporteurs mais aussi parce que leurs voisins réussissaient. "Ce tournoi est très exigeant, il y a une rivalité continentale", reconnaissait Reinaldo Ruena, sélectionneur de l'Equateur, avant le match nul face à la France. "L’Amérique réussit bien, ajoutait-il. Nous ne voulons pas rester à la traîne. Nous voulons confirmer la place de l’Amérique du Sud dans cette Coupe du monde."
Si cela n'a pas fonctionné pour l'Equateur, qui a tout de même fait un beau Mondial, il semble bien que les autres sélections avaient le même état d'esprit en tête. Metronews évoque à ce propos la "Garra Charrua". Ce "fighting spirit" local venu d'Uruguay a impressionné le sélectionneur belge Marc Wilmots et été interprété un peu excessivement par un certain Luis Suarez, suspendu 9 matches pour avoir mordu l'Italien Giorgio Chiellini. Sans aller jusqu'à une telle extrémité, l'état d'esprit combatif des joueurs latino-américains est sans aucun doute une des clés de leur réussite jusqu'ici.
Sans vouloir jouer les superstitieux, il est enfin utile de rappeler que l'Amérique ne réussit pas vraiment aux sélections venues d'ailleurs, et notamment à l'Europe. C'est bien simple: aucune nation du Vieux Continent n'a remporté un Mondial organisé en Amérique, note 20minutes: l'Uruguay, l'Argentine et le Brésil se sont partagés les six Coupes du monde disputées dans un pays d'Amérique latine, tandis que le Mondial 1994 aux Etats-Unis est revenu au Brésil. Aucune équipe européenne n'a d'ailleurs été capable de remporter la moindre compétition "à l'extérieur" à l'exception de l'Espagne en Afrique du sud.
À propos de cette loi des séries qui avantage les latino-américains, Metronews va jusqu'à parler de "malédiction" qui toucherait les équipes européennes. Sur son site, le quotidien gratuit évoque notamment les éliminations de la Tchécoslovaquie au Chili, de l'Italie puis de la RFA au Mexique ou encore des Pays-Bas en Argentine, alors même qu'elles étaient au sommet du football mondial. Le Brésil, lui, a déjà su s'imposer en Europe et en Asie. Et compte bien laver l'affront de 1950, où la Seleçao avait été battue en finale de "sa" Coupe du monde... par l'Uruguay.
Si on les exclut, les sélections d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale ont effectivement réalisé un carton plein en se qualifiant dans tous les groupes où elles étaient représentées. Sans forcément briller, le Brésil a pris la première place de son groupe à égalité avec le Mexique.
L'Argentine, la Colombie et l'Uruguay ont également tenu leur rang, tandis que le Costa Rica et le Chili s'offraient tout simplement le scalp des deux derniers champions du monde, respectivement l'Italie (1-0) et l'Espagne (2-0).
De quoi éliminer deux des favoris et réduire le contingent européen à peau de chagrin. Avec les déroutes du Portugal et de l'Angleterre et les déceptions de la Bosnie, de la Russie et de la Croatie, il ne reste que six équipes (sur 13 partantes) pour défendre le Vieux Continent: la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, la France, l'Allemagne et la Grèce. Et ce sont pas moins de 7 équipes latino-américaines qui disputeront les huitièmes de finale à partir de ce samedi 28 juin. Au-delà du déclin européen, comment expliquer cette insolente réussite?
La ferveur du public
L'importance psychologique de jouer à domicile (ou en l'occurrence devant un public majoritairement acquis à sa cause) est bien connue. Elle a notamment été étudiée par Sophia Jowett et David Lavallee, auteurs de l'ouvrage "Psychologie sociale du sport". Pendant ce premier tour, les supporteurs venus d'Amérique du sud et d'Amérique centrale n'ont pas failli à leur réputation, "envahissant" le Brésil en voiture, en avion et en car. Au stade ou en ville, ils étaient de loin les plus bruyants et les plus nombreux, plusieurs dizaines de milliers d'entre eux se pressant à Rio, Belo Horizonte, Recife ou encore Brasilia pour assister aux exploits de leur sélection, même quand les matches se déroulaient à plusieurs milliers de kilomètres de chez eux.
"Il est clair que le Chili a joué à domicile le match décisif de l'élimination espagnole", note par exemple Patrick Favier, envoyé spécial au Brésil pour Sud Ouest, qui constate que cette Coupe du monde est aussi par procuration un peu celle de l'Argentine, qui n'a jamais eu un Mondial aussi proche de chez elle depuis celui qu'elle a organisé (et remporté) en 1978. Grands rivaux des Brésiliens, les Argentins étaient jusqu'à 100.000 à avoir fait le déplacement à Porto Alegre mercredi 25 juin pour assister à la victoire de la Celeste contre le Nigeria (3-2).
Du jeu et des buts
Au-delà du soutien des supporters, le pays où se dispute la Coupe du monde influe forcément sur le style de jeu que les équipes vont pratiquer. Certains prédisaient un Mondial ennuyeux, avec des joueurs ralentis par le décalage horaire, la moiteur du climat (dont l'influence est finalement moins importante que prévu) ou encore le piètre état des terrains. Il n'en est rien. Avec une moyenne de plus de 2,8 buts par match, cette Coupe du monde est même jusqu'ici la plus prolifique depuis le Mondial mexicain de 1970. Et cela réussit bien aux latino-américains, plutôt adeptes d'un style de jeu offensif et porté vers l'avant. "En Italie, on joue la défense et le contre, au Brésil on veut se montrer sous son meilleur jour techniquement, on veut montrer ce que les spectateurs attendent", note Edgardo Broner, journaliste de la radio argentine Futbol de Primera cité par Sud Ouest.
Peut-être faut-il aussi y voir une simple progression. En exportant de plus en plus de joueurs en Europe, les sélections latino-américaines même "mineures" commencent à se faire une place au soleil et (à l'exception du Costa Rica) possèdent des joueurs de classe internationale. Seulement trois d'entre elles avaient réussi à passer le cap du premier tour en 2002, ce total grimpant à quatre en 2006 et atteignant six en 2010. Plus prosaïquement, on peut aussi expliquer la réussite latino-américaine par le fait que les zones CONCACAF (Amérique du Nord, Centrale et Caraïbes) et CONMEBOL (Amérique du Sud) représentent cette année 10 des 32 équipes en lice, contre huit en 2010.
La "Garra Charrua", le fighting spirit latino
Bien sûr, il y a aussi une émulation qui a sans doute poussé les sélections latino-américaines à se dépasser, non seulement parce qu'elles jouaient devant leurs supporteurs mais aussi parce que leurs voisins réussissaient. "Ce tournoi est très exigeant, il y a une rivalité continentale", reconnaissait Reinaldo Ruena, sélectionneur de l'Equateur, avant le match nul face à la France. "L’Amérique réussit bien, ajoutait-il. Nous ne voulons pas rester à la traîne. Nous voulons confirmer la place de l’Amérique du Sud dans cette Coupe du monde."
Si cela n'a pas fonctionné pour l'Equateur, qui a tout de même fait un beau Mondial, il semble bien que les autres sélections avaient le même état d'esprit en tête. Metronews évoque à ce propos la "Garra Charrua". Ce "fighting spirit" local venu d'Uruguay a impressionné le sélectionneur belge Marc Wilmots et été interprété un peu excessivement par un certain Luis Suarez, suspendu 9 matches pour avoir mordu l'Italien Giorgio Chiellini. Sans aller jusqu'à une telle extrémité, l'état d'esprit combatif des joueurs latino-américains est sans aucun doute une des clés de leur réussite jusqu'ici.
La loi des séries américaine
Sans vouloir jouer les superstitieux, il est enfin utile de rappeler que l'Amérique ne réussit pas vraiment aux sélections venues d'ailleurs, et notamment à l'Europe. C'est bien simple: aucune nation du Vieux Continent n'a remporté un Mondial organisé en Amérique, note 20minutes: l'Uruguay, l'Argentine et le Brésil se sont partagés les six Coupes du monde disputées dans un pays d'Amérique latine, tandis que le Mondial 1994 aux Etats-Unis est revenu au Brésil. Aucune équipe européenne n'a d'ailleurs été capable de remporter la moindre compétition "à l'extérieur" à l'exception de l'Espagne en Afrique du sud.
À propos de cette loi des séries qui avantage les latino-américains, Metronews va jusqu'à parler de "malédiction" qui toucherait les équipes européennes. Sur son site, le quotidien gratuit évoque notamment les éliminations de la Tchécoslovaquie au Chili, de l'Italie puis de la RFA au Mexique ou encore des Pays-Bas en Argentine, alors même qu'elles étaient au sommet du football mondial. Le Brésil, lui, a déjà su s'imposer en Europe et en Asie. Et compte bien laver l'affront de 1950, où la Seleçao avait été battue en finale de "sa" Coupe du monde... par l'Uruguay.
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