Dans Nova Solyma, une utopie qu'on doit à Samuel Gott, la Palestine retrouve sa vocation millénaire de Terre promise, mais uniquement pour les juifs. En effet, les juifs s'y convertissent au christianisme et disparaissent en tant que peuple élu. Jérusalem est reconstruite et devient la clef de voûte de la réconciliation des trois religions révélées.
Il est inutile de dire que cet ouvrage comporte un relent d'antisémitisme, mais pas autant que chez Bacon dans sa Nova Atlantis où on lit "Les juifs sont transportés dans une île voisine... ils sont traités ainsi que tous les impies avec la rigueur la plus cruelle".
Le mythe du peuple élu
Dans ces deux fictions, on se retrouve avec une pensée qui est bien présente en Occident, consistant à remplacer les juifs dans la faveur divine. De fait, c'est le mythe de peuple élu qui fait problème, et c'est à un tel mythe récupéré par les musulmans qu'il est temps de nous attaquer en premier si l'on veut bâtir une nouvelle utopie pour la Palestine.
Quand on a une prétention d'élection, on en fait un complexe de persécution qui est son double. Ce fut le cas des juifs hier; c'est celui des musulmans aujourd'hui.
Il nous faut sublimer ces sentiments d'infériorité muant en complexe de supériorité afin d'oser réinventer le vivre-ensemble qu'impose la situation actuelle. D'autant qu'il est avéré qu'au moment où les juifs subissaient la plus odieuse persécution de leurs "frères" chrétiens, les musulmans étaient leurs plus sûrs soutiens, et leurs pays une terre de refuge.
Une paix des braves
J'ai déjà appelé ici à la reconnaissance de l'État d'Israël dans le cadre d'une paix des braves impliquant le juste et sensé retour au partage international, acte de naissance de l'État juif qui est couplé au frère jumeau monozygote qu'est l'État palestinien.
Jusqu'à quand nier l'évidence de la nécessité d'un droit que les faits imposent? Jusqu'à quand bafouer la loi internationale et l'éthique? Jusqu'à quand accepter ce qu'on se refuse, le maintien en des camps de la honte d'un peuple déraciné, chassé de terres qui lui appartiennent autant qu'aux juifs? Quelle morale, quelle loi judaïque commandent une telle profanation de l'acte premier de tout croyant monothéiste sincère: le respect d'autrui sur une terre qui n'est sacrée que parce que l'injustice y est proscrite?
Continuer à nier l'État de Palestine dans sa souveraineté plénière, c'est nier du même coup la légitimité de l'État d'Israël. Cela impose alors l'alternative d'un seul État où les citoyens sont absolument égaux en droits, quelles que soient leur confession et leurs origines.
Vers la «mondianité»
L'issue d'un État unique est évidemment meilleure pour mettre fin au conflit d'un autre temps, non seulement injuste, révoltant pour toute conscience éprise de justice et de justesse, mais aussi barbare, inhumain. Une Palestine reconstituée, creuset d'un oecuménisme salvateur des trois traditions issues d'Abram suppose toutefois du courage et un minimum de conscience pure.
Pour Israël, cela impose d'abandonner sa prétention anachronique d'un État juif en un monde évoluant vers la transculturalité, reléguant la foi dans la sphère privative de consciences ouvertes à l'altérité. Un temps où la nationalité est solidarité, où les frontières physiques comme culturelles disparaissent pour vivre ensemble en un monde plus humain, une "mondianité".
L'option minimaliste en Israël se recroquevillant sur le pire de ce que le nationalisme a généré ôte à sa démocratie toute assise sérieuse, la réduisant à une coquille vide, ne tenant que par défaut, du fait de son environnement arabe non démocratique.
Voix de justesse, voie de justice
À quand donc le retour des justes en Israël pour conforter ceux d'en face afin que s'élève en Palestine une voix de justesse rappelant la voie de la justice ?
Cela relève certes encore de l'utopie, mais notre temps postmoderne impose d'aller au-delà des utopies, le possible étant ce qui est encore irréel.
Il n'est jamais impossible de réaliser ce dont rêvait Samuel Gott: la réunion des chrétiens et des juifs, auxquels s'ajouteront les musulmans, pour faire de la Palestine une terre de toutes les vertus morales et religieuses. Son rêve que la tolérance y règne avec le respect des aspirations religieuses de chacun est plus que jamais possible si l'on décide de communier dans ce que Mercier qualifiait de "monothéisme des patriarches", le prévoyant pour L'an 2440.
Il s'agit, comme il le précise dans son utopie -- dont le titre complet est Rêve s'il n'en fut jamais -- d'un "catéchisme de la raison humaine", cette sorte de science-religion dont parlait Campanella dans sa Cité radieuse, où la raison devient sensible comme théorisée par Michel Maffesoli, pape actuel de la postmodernité.
"Poléthique", une politique compréhensive
Si dans ces utopies -- ainsi que dans l'ensemble ses utopies d'Occident et d'ailleurs -- il y a abandon de la théologie au profit d'une morale en déontologie de la vie sociale, une spiritualité populaire, il y a pour nous nécessité d'une religion qui soit une nouvelle conscience, une éthique en une politique compréhensive, une "poléthique". En démocratie, le vivre-ensemble ne peut s'accommoder d'exclusion aucune.
Plus que jamais, le mot de passe de notre temps, la clef de tout savoir, toute politique utile est celui qu'a donné il y a longtemps déjà, Avicenne dans son ouvrage mystique Hayy ibn Yaqthan (Récit du Vivant fils de Celui qui veille, tel que cité par Henry Corbin dans «Au pays de l'imam caché» in Eranos Jahrbuch 1963, p. 32) :
C'est ce qu'affirme la science contemporaine avec l'atemporalité et la non-localisation de la physique cantique; ce qui fait dire à Costa de Beauregard, éminent physicien, que
Aujourd'hui, cette fin est une faim de légalité en Palestine imposant le retour au partage international qui, à défaut d'être juste, a le mérite d'être légitime. Que ceux qui le nient en apportent la preuve ou se hâtent de s'y conformer!
Il est inutile de dire que cet ouvrage comporte un relent d'antisémitisme, mais pas autant que chez Bacon dans sa Nova Atlantis où on lit "Les juifs sont transportés dans une île voisine... ils sont traités ainsi que tous les impies avec la rigueur la plus cruelle".
Le mythe du peuple élu
Dans ces deux fictions, on se retrouve avec une pensée qui est bien présente en Occident, consistant à remplacer les juifs dans la faveur divine. De fait, c'est le mythe de peuple élu qui fait problème, et c'est à un tel mythe récupéré par les musulmans qu'il est temps de nous attaquer en premier si l'on veut bâtir une nouvelle utopie pour la Palestine.
Quand on a une prétention d'élection, on en fait un complexe de persécution qui est son double. Ce fut le cas des juifs hier; c'est celui des musulmans aujourd'hui.
Il nous faut sublimer ces sentiments d'infériorité muant en complexe de supériorité afin d'oser réinventer le vivre-ensemble qu'impose la situation actuelle. D'autant qu'il est avéré qu'au moment où les juifs subissaient la plus odieuse persécution de leurs "frères" chrétiens, les musulmans étaient leurs plus sûrs soutiens, et leurs pays une terre de refuge.
Une paix des braves
J'ai déjà appelé ici à la reconnaissance de l'État d'Israël dans le cadre d'une paix des braves impliquant le juste et sensé retour au partage international, acte de naissance de l'État juif qui est couplé au frère jumeau monozygote qu'est l'État palestinien.
Jusqu'à quand nier l'évidence de la nécessité d'un droit que les faits imposent? Jusqu'à quand bafouer la loi internationale et l'éthique? Jusqu'à quand accepter ce qu'on se refuse, le maintien en des camps de la honte d'un peuple déraciné, chassé de terres qui lui appartiennent autant qu'aux juifs? Quelle morale, quelle loi judaïque commandent une telle profanation de l'acte premier de tout croyant monothéiste sincère: le respect d'autrui sur une terre qui n'est sacrée que parce que l'injustice y est proscrite?
Continuer à nier l'État de Palestine dans sa souveraineté plénière, c'est nier du même coup la légitimité de l'État d'Israël. Cela impose alors l'alternative d'un seul État où les citoyens sont absolument égaux en droits, quelles que soient leur confession et leurs origines.
Vers la «mondianité»
L'issue d'un État unique est évidemment meilleure pour mettre fin au conflit d'un autre temps, non seulement injuste, révoltant pour toute conscience éprise de justice et de justesse, mais aussi barbare, inhumain. Une Palestine reconstituée, creuset d'un oecuménisme salvateur des trois traditions issues d'Abram suppose toutefois du courage et un minimum de conscience pure.
Pour Israël, cela impose d'abandonner sa prétention anachronique d'un État juif en un monde évoluant vers la transculturalité, reléguant la foi dans la sphère privative de consciences ouvertes à l'altérité. Un temps où la nationalité est solidarité, où les frontières physiques comme culturelles disparaissent pour vivre ensemble en un monde plus humain, une "mondianité".
L'option minimaliste en Israël se recroquevillant sur le pire de ce que le nationalisme a généré ôte à sa démocratie toute assise sérieuse, la réduisant à une coquille vide, ne tenant que par défaut, du fait de son environnement arabe non démocratique.
Voix de justesse, voie de justice
À quand donc le retour des justes en Israël pour conforter ceux d'en face afin que s'élève en Palestine une voix de justesse rappelant la voie de la justice ?
Cela relève certes encore de l'utopie, mais notre temps postmoderne impose d'aller au-delà des utopies, le possible étant ce qui est encore irréel.
Il n'est jamais impossible de réaliser ce dont rêvait Samuel Gott: la réunion des chrétiens et des juifs, auxquels s'ajouteront les musulmans, pour faire de la Palestine une terre de toutes les vertus morales et religieuses. Son rêve que la tolérance y règne avec le respect des aspirations religieuses de chacun est plus que jamais possible si l'on décide de communier dans ce que Mercier qualifiait de "monothéisme des patriarches", le prévoyant pour L'an 2440.
Il s'agit, comme il le précise dans son utopie -- dont le titre complet est Rêve s'il n'en fut jamais -- d'un "catéchisme de la raison humaine", cette sorte de science-religion dont parlait Campanella dans sa Cité radieuse, où la raison devient sensible comme théorisée par Michel Maffesoli, pape actuel de la postmodernité.
"Poléthique", une politique compréhensive
Si dans ces utopies -- ainsi que dans l'ensemble ses utopies d'Occident et d'ailleurs -- il y a abandon de la théologie au profit d'une morale en déontologie de la vie sociale, une spiritualité populaire, il y a pour nous nécessité d'une religion qui soit une nouvelle conscience, une éthique en une politique compréhensive, une "poléthique". En démocratie, le vivre-ensemble ne peut s'accommoder d'exclusion aucune.
Plus que jamais, le mot de passe de notre temps, la clef de tout savoir, toute politique utile est celui qu'a donné il y a longtemps déjà, Avicenne dans son ouvrage mystique Hayy ibn Yaqthan (Récit du Vivant fils de Celui qui veille, tel que cité par Henry Corbin dans «Au pays de l'imam caché» in Eranos Jahrbuch 1963, p. 32) :
"Si longtemps que tu ailles, c'est au point de départ que tu arriveras de nouveau."
C'est ce qu'affirme la science contemporaine avec l'atemporalité et la non-localisation de la physique cantique; ce qui fait dire à Costa de Beauregard, éminent physicien, que
"les paradoxes sont devenus paradigmes", et le paradigme logique aujourd'hui est "qu'il faut commencer par la fin"!
Aujourd'hui, cette fin est une faim de légalité en Palestine imposant le retour au partage international qui, à défaut d'être juste, a le mérite d'être légitime. Que ceux qui le nient en apportent la preuve ou se hâtent de s'y conformer!
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