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Le chômage est particulièrement élevé chez les jeunes (28%), les femmes (35%), et les diplômés de l'enseignement supérieur (41%). En 2011, la part des jeunes de 15-24 ans représentait 8,4% du total des effectifs occupés dans la région contre 17,3% à l'échelle nationale, alors que les actifs de plus de 35 ans représentaient 60,8% des actifs, contre 54,5% au niveau national. Ce qui prouve bien que ce sont les jeunes et les femmes qui sont touchés de plein fouet par la question de l'emploi et des débouchés professionnels.. En effet, les femmes sont particulièrement affectées par les difficultés d'accès à l'emploi, même celles qui détiennent un diplôme. La baisse du taux de féminisation de la population active est plus forte au Sahara occidental qu'au niveau national. Le chômage féminin s'est accru, passant de 26,7% en 2007 (9,8% à l'échelle nationale) à 35,1% en 2011 (10,2% à l'échelle nationale). Ces niveaux de chômage s'expliquent par la faiblesse de la structure économique des provinces du Sud ainsi que par la faible employabilité des jeunes en raison de l'absence d'une politique d'orientation vers des filières adaptées aux besoins du marché local du travail.
Le système d'aide et de subventions allouées aux plus démunis et aux jeunes sans travail a créé ce que nombre de militants associatifs Sahraouis appellent "des positions de rente", une façon selon eux d'acheter la paix sociale qu'ils considèrent comme contraire à l'édification d'une collectivité citoyenne. "Les jeunes veulent du travail et pas l'aumône" disent-ils. L'économie de ces provinces se trouve de fait marquée par la prédominance de l'esprit de rente et par une faible activité marchande.
Si le développement infrastructurel du Sahara occidental a jusqu'ici été capital pour doter le territoire de ses bases économiques, il a aussi été un instrument politique au service de la cause nationale. Il semble qu'aujourd'hui les efforts de l'Etat doivent tendre à corriger les effets mitigés, sociaux et politiques, de ce développement, entendu dans sa seule dimension économique et entrepris par transferts du Nord au Sud sans productivité induite sur place. De l'avis même du Conseil Economique et Social, "le décollage économique des provinces du Sud n'a pas eu lieu". Des points faibles et des motifs de préoccupation persistent et soulignent les limites du modèle socio-économique appliqué aux provinces du Sud dont les effets suscitent un sentiment d'injustice et d'opacité au niveau de la gestion des affaires publiques chez les citoyens.
L'effort politique doit porter en premier lieu sur l'absence de renouvellement des élites et la persistance de mécanismes de cooptation claniques, tribaux, ou clientélistes (en particulier électoraux pour obtenir des privilèges), qui bloquent l'accès des plus jeunes aux positions locales de pouvoir. Au départ, en choisissant délibérément de nommer aux postes de responsabilités des notables locaux qui n'avaient pas forcément la confiance ou le respect des Sahraouis, l'Etat a perverti le système de gestion politique locale. Ces notables ont servi de rempart contre les risques de dissensions et de tiraillements avec Rabat. Du coup, les chefs traditionnels considérés légitimes par les populations locales, et qui auraient pu rendre crédible le système de gouvernement local nouvellement mis en place, ont été évincés. Certains ont même adhéré aux thèses du Polisario soit par ressentiment soit par dépit. Ce système nobiliaire s'est renforcé et a peu à peu formé un plafond de verre, l'un des obstacles majeurs à la démocratisation que la nouvelle ère constitutionnelle entamée en 2011 était censée réaliser.
La perspective des premières élections régionales fixées au printemps 2015, demeure donc un enjeu majeur de l'alternance politique indispensable à l'apaisement social dans le territoire.
Le second effort doit cibler la nature des dispositifs d'inclusion et de solidarité, afin de rompre avec les politiques sociales passives. Alors qu'un nombre important de personnes et de familles nécessiteuses ne perçoivent pas les aides sociales existantes, les 118 000 personnes qui en bénéficient regroupent majoritairement les inactifs vulnérables et les populations des camps Al Wahda. Ce qui a eu pour résultat de créer un sentiment de favoritisme et d'injustice. De plus, la politique sociale telle qu'elle est pratiquée se révèle problématique à un triple niveau: la dépense n'est ni optimisée ni contrôlée, elle ne recueille pas le soutien des citoyens car insuffisamment ciblée et enfin, elle ne favorise pas la prise d'initiative et l'autonomisation.
Le déficit de confiance est un autre point d'achoppement du credo développementaliste. Les signes d'une crise de confiance sont multiples et questionnent aussi bien la capacité des acteurs sociaux à construire leur représentativité et leurs interventions sur des bases autonomes, que celle des pouvoirs publics à respecter cette autonomie et à en tenir compte. Comme le constate le rapport du CESE, "le déficit de confiance est dû à la perception, chez les administrés, du non-respect de l'autorité de la loi. La non application de la règle de droit conduit à de nombreux coûts cachés (déficit de confiance dans les institutions et entre les citoyens, corruption, conflits d'intérêts, non-participation à la vie publique, faiblesse de l'investissement, tensions et explosions de violence).... Plusieurs intervenants ont stigmatisé le « sentiment d'impunité des élites » comme un des facteurs préoccupants de désagrégation du tissu social et comme un des motifs de perte de confiance dans le fonctionnement des institutions".
Si la question du Sahara occidental est pour le Maroc l'occasion de repenser le contrat social et l'identité nationale, il reste encore à réfléchir à un projet de société dans lequel le développement ne se résume pas à maintenir ce territoire sous perfusion financière, créant ainsi sur le long terme une dépendance insoutenable et un sentiment d'exceptionnalité mal accepté.
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