Le 23 octobre 2011, les Tunisiens ont élu une Assemblée constituante lors des premières élections "libres" organisées à la suite de la révolte populaire qui a conduit à la chute du régime dictatorial de Zine El-Abidine Ben Ali.
Trois ans et une nouvelle Constitution plus tard, les électeurs sont de nouveau appelés aux urnes pour élire les membres du futur Parlement, le 26 octobre 2014.
Avec le coup d'Etat militaire égyptien, le chaos libyen, la guerre civile syrienne, les révoltes réprimées au Bahrein ou encore l'Etat islamique en Irak et en Syrie, la Tunisie fait aujourd'hui figure de "modèle" ou de "dernière lueur d'espoir" de ce qui est communément appelé le "printemps arabe".
Alors que les observateurs étrangers et journalistes affluent pour suivre un scrutin jugé crucial pour l'avenir du pays, le HuffPost Maghreb a établi une liste ce qu'il faut savoir pour comprendre les enjeux de ces élections.
Trois ans et une nouvelle Constitution plus tard, les électeurs sont de nouveau appelés aux urnes pour élire les membres du futur Parlement, le 26 octobre 2014.
Avec le coup d'Etat militaire égyptien, le chaos libyen, la guerre civile syrienne, les révoltes réprimées au Bahrein ou encore l'Etat islamique en Irak et en Syrie, la Tunisie fait aujourd'hui figure de "modèle" ou de "dernière lueur d'espoir" de ce qui est communément appelé le "printemps arabe".
Alors que les observateurs étrangers et journalistes affluent pour suivre un scrutin jugé crucial pour l'avenir du pays, le HuffPost Maghreb a établi une liste ce qu'il faut savoir pour comprendre les enjeux de ces élections.
- Quelles sont les principales forces politiques?
- Comment sera formé le prochain gouvernement?
- Y aura-t-il des femmes à l'Assemblée?
- Le terrorisme menace-t-il les élections?
- Quels sont les sujets de la campagne électorale?
- Une campagne peu animée
- Qu'est-ce qui a changé depuis 2011?
- Comment ont évolué les islamistes trois ans après les élections?
- L'ancien régime fait-il partie du passé?
- Que reste-t-il à faire pour réussir le processus démocratique?
Le paysage politique tunisien reste éclaté malgré une tendance à la bipolarisation:
Les islamistes et leurs alliés potentiels
Le parti islamiste Ennahdha, vainqueur des élections de 2011, reste parmi les favoris de ce scrutin. Après trois années mouvementées et trois gouvernements, Ennahdha joue désormais la carte de la modération et du "consensus" politique avec toutes les forces politiques en place, y compris celles qui ont collaboré avec l'ancien régime.
Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR), partis dits séculiers, se sont alliés à Ennahdha après les élections de 2011 pour former les gouvernements de la "Troïka". Cette alliance leur a valu de nombreuses critiques et dissensions au sein de leurs partis respectifs. Dans une certaine mesure, les partis du Président Moncef Marzouki (CPR) et du président de l'Assemblée constituante Mustapha Ben Jaâfar (Ettakatol), risquent d'être sanctionnés pour cette alliance jugée "contre-nature".
L'opposition aux islamistes
Nida Tounes est le nouveau venu du paysage politique tunisien. Créé en 2012 par Béji Caïd Essebsi, ancien Premier ministre de la période de transition, il s'est rapidement positionné comme le leader de l'opposition aux islamistes. Il est le principal concurrent d'Ennahdha et pourrait lui ravir la première place, selon les sondages publiés avant la période électorale. Il est notamment composé de plusieurs figures de l'ancien régime de Ben Ali, dont Caïd Essebsi lui-même, mais englobe également des personnalités de gauche, des syndicalistes et d'anciens opposants.
Le Front populaire est une coalition de gauche et d'extrême gauche. Deux de ses leaders, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, ont été assassinés en 2013. Il bénéficie aujourd'hui d'un capital sympathie et se présente comme une possible alternative à Ennahdha et Nida Tounes, malgré une nette préférence pour ce dernier.
D'autres partis et coalitions centristes opposés à Ennahdha participent au scrutin mais seront certainement victimes d'un "vote utile" au profit de Nida Tounes. Seul Afek Tounes, parti libéral créé après la révolution, semble faire la différence et pourrait espérer faire plus qu'en 2011.
Les partis issus de l'ancien régime et les milliardaires
Plusieurs partis ont été créés par d'anciens ministres de Ben Ali appartenant au RCD, parti du Président déchu. Ils marquent leur retour sur le devant de la scène mais sont eux-mêmes divisés et peinent à mobiliser.
D'autres formations politiques peuvent relativement peser sur les résultats des élections, comme l'Union patriotique libre (UPL), du milliardaire Slim Riahi ou encore le Courant de l'amour, parti de l'homme d'affaires Hechmi Hamdi, résidant à Londres et dont les 26 candidats élus en 2011 avaient déjà surpris la grande majorité des observateurs et des sondeurs.
Avec cette configuration et un mode de scrutin favorable à une diversification de la représentation au Parlement, il est quasiment impossible pour un parti d'obtenir une majorité absolue des sièges.
Des alliances seront donc nécessaire pour pouvoir former le prochain gouvernement. Il n'est pas exclu que les deux principaux adversaires, Ennahdha et Nida Tounes, s'allient après les élections ou forment avec d'autres un "gouvernement d'union nationale".
Comme en 2011, les listes de candidats sont paritaires, avec une alternance homme-femme. Mais la grande majorité des têtes de liste sont des hommes, y compris parmi les partis opposés aux islamistes qui avaient défendu le principe de la parité.
L'Assemblée constituante était donc composée de 30% de femmes. Une représentation féminine équivalente pourrait être obtenue en 2014.
Depuis les élections, les affrontements entre les forces de sécurité et des groupes armés se sont multipliés.
Avec l'assassinat de deux opposants à six mois d'intervalle, l'année 2013 a connu une recrudescence de la violence attribuée par les autorités tunisiennes à la mouvance jihadiste. Depuis, le gouvernement annonce régulièrement l'arrestation de présumés "terroristes".
Par ailleurs, selon les autorités, plus de 2400 Tunisiens ont quitté le territoire pour le jihad en Syrie et en Irak.
A la frontière algérienne, le gouvernorat de Kasserine est régulièrement le théâtre d'attaques sanglantes, par des embuscades ou l'explosion de mines antipersonnel. Ces attaques visent généralement les forces de l'ordre ou les militaires.
Selon un récent rapport publié par Crisis Group, ces violences "jihadistes" seraient étroitement liées à la contrebande frontalière.
A l'Est, les autorités craignent que la crise libyenne ne s'exporte en Tunisie, par la circulation d'armes et de groupes extrémistes. Pour des raisons de sécurité, le gouvernement a décidé d'interdire l'accès au territoire tunisien par la Libye pendant les élections.
Le rétablissement de la sécurité est devenu un des thèmes de prédilection de la campagne électorale, particulièrement pour les opposants aux islamistes.
Les attaques de groupes armés et un contexte régional difficile participent aussi à l'aggravation de la crise économique. Le taux de chômage toujours très élevé, une forte inflation et un tourisme en berne font des questions économiques une des préoccupations majeures des candidats aux élections.
Après plusieurs années d'une crise économique qui perdure, le désintérêt pour les échéances électorales s'est accru, de même que la défiance vis-à-vis de la classe politique, ce qui fait craindre un fort taux d'abstention.
Exceptés quelques cas d'agressions isolées, la campagne s'est déroulée dans le calme, avec un démarrage difficile et une faible mobilisation.
Les craintes liées à la sécurité ont également limité les rassemblements en plein air et cantonné la campagne électorale dans des lieux clos, les médias ou encore sur les réseaux sociaux.
Les tensions d'ordre idéologique se sont apaisées par rapport à la période électorale des précédentes élections. La menace "jihadiste" a contraint les islamistes d'Ennahdha à modérer leur propos, tout en réduisant la marge de manoeuvre de l'opposition. L'adoption d'une constitution dite "consensuelle" et approuvée par la grande majorité de la classe politique en est le résultat.
Les défis sécuritaires ont également favorisé la recrudescence d'un discours autoritaire et le retour de figures de l'ancien régime.
Le discours agressif contre leurs opposants qualifiés de "laïcs" et un certain laxisme envers la mouvance salafiste, en plus d'une gestion du pouvoir parfois chaotique ont contribué à affaiblir le mouvement islamiste.
L'attaque de l'ambassade des Etats-Unis le 14 septembre 2012 coïncidant avec l'assassinat de l'ambassadeur américain en Libye a constitué un tournant décisif et contribué plus tard à l'adoption d'un discours plus modéré et "consensuel".
Les deux assassinats politiques perpétrés en 2013 ont ensuite contraint Ennahdha à se défaire du pouvoir au profit d'un gouvernement "non partisan". Ces concessions, encouragées par le sort réservé aux Frères musulmans en Egypte après le coup d'Etat d'Al Sissi, ont toutefois permis à Ennahdha de se repositionner sur l'échiquier politique.
Aujourd'hui, Ennahdha prône un consensus large et assure ne pas vouloir gouverner seul dans les cinq à dix prochaines années.
A 88 ans, Béji Caïd Essebsi, leader de Nida Tounes, est le favori de l'élection présidentielle. Il a été plusieurs fois ministre sous Bourguiba (figure de la lutte pour l'indépendance et premier président de la République tunisienne) et président de la chambre des députés sous Ben Ali, pendant un an. Il a également occupé le poste de Premier ministre transitoire avant les élections de l'Assemblée constituante.
Cinq anciens ministre de l'ancien Président Ben Ali seront également en lice pour la présidentielle dont une partie a présenté des listes pour les élections législatives.
Malgré l'organisation d'élections jugées libres et transparentes, de nombreux chantiers doivent encore être entrepris pour la réussite de la transition "démocratique".
Près de quatre ans après la révolution, la Tunisie s'est dotée d'une nouvelle constitution, d'instances constitutionnelles indépendantes et d'une loi sur la justice transitionnelle. Cependant, de nombreuses réformes restent à entreprendre, notamment pour que la législation tunisienne soit conforme aux normes internationales et à la Constitution.
Par ailleurs, l'Instance en charge de la justice transitionnelle n'a pas encore débuté ses travaux et les responsables des exactions commises par l'ancien régime n'ont pas été jugés. Une réforme au sein du ministère de l'Intérieur et de la Justice seront également nécessaires pour l'établissement d'un Etat de droit. En plus de la corruption toujours élevée, des actes de torture sont régulièrement constatés par des organisations non gouvernementales nationales et internationales, et les coupables rarement jugés.
Quelques chiffres:
- 11 millions d'habitants
- 5,3 millions d'électeurs inscrits
- 217 députés à élire
- 33 circonscriptions
- 1500 listes électorales présentées
- 15.000 candidats.
Les dates clés:
- 17 décembre 2010: Mohamed Bouaziz, vendeur ambulant, s'immole par le feu, point de départ de la révolution
- 14 janvier 2011: Départ du dictateur Zine El-Abidine Ben Ali
- 23 octobre 2011: Election de l'Assemblée nationale constituante
- 14 septembre 2012: Attaque de l'ambassade des Etats-Unis
- 6 février 2013: Assassinat de Chokri Belaïd, un des leaders de l'opposition
- 25 juillet 2013: Assassinat du député Mohamed Brahmi
- 26 janvier 2014: Adoption de la Constitution
- 29 janvier 2014: Le gouvernement dominé par Ennahdha laisse place à un gouvernement "non partisan" chargé, en priorité, d'organiser les élections
- 26 octobre 2014: Elections législatives
- 23 novembre 2014: Election présidentielle
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