La première vraie bande-annonce de "Jurassic World" a été dévoilée ce 25 novembre. Deux décennies après les événements tragiques de 1993, un nouveau parc a ouvert ses portes sur Isla Nublar, au large du Costa Rica. Des dinosaures vivants recréés à partir de leur ADN fossilisé dans de lʼambre y gambadent.
Mais alors que tout le monde croyait les leçons du passé tirées, la présence d'un spécimen génétiquement modifié risque de mettre les visiteurs en péril. Le HuffPost a sauté sur l'occasion pour revenir sur les espèces visibles avec l'aide de deux paléontologues, Jean-Sébastien Steyer du Muséum d'Histoire Naturelle et Vincent Hault, maître de conférences à l'Université de Lorraine.
![jurassic world]()
Jean-Sébastien Steyer: "La bande-annonce de Jurassic World est intéressante en matière de reconstitutions paléontologiques. Il y a de vraies réussites dans la représentation de certaines espèces de dinosaures. On peut rapidement apercevoir un troupeau d'ornithomimosaures, des omnivores du Crétacé et non du Jurassique mais ce n'est pas le premier anachronisme de la saga."
Vincent Hault: "On remarque aussi la présence de diplodocus et de stégosaures comme dans les précédents volets. Il faut rappeler que certains dinosaures du Jurassique et du Crétacé ne se sont jamais côtoyés comme le stégosaure et le T-Rex, séparés de presque 100 millions d'années."
![jurassic]()
Jean-Sébastien Steyer: "Autre déception, dans la scène de randonnée en kayak, on voit toujours les mêmes dinosaures -stégosaures et grands herbivores de la famille des Sauropodes- alors qu'il y a une nouvelle espèce publiée chaque semaine. Il y a une telle diversité que c'est un peu dommage de tomber sur les mêmes têtes. Je suis un peu surpris par la forme de leur cou, 'en S', alors que les récentes études ont montré que cette partie de leur corps était plus raide."
![jurassic world video]()
Vincent Hault:: "Cet animal qui mange un requin n'est pas un dinosaure à proprement parler puisque le terme désigne un organisme terrestre. C'est un reptile marin de la même manière que le ptéranodon est un reptile volant. Il est sans doute inspiré du Mosasaure que les paléontologues américains apprécient, notamment parce que des fossiles de cette famille ont été retrouvés aux États-Unis."
Jean-Sébastien Steyer: "Le reptile marin visible peu après est un Mosasaure proche du genre Prognathodon, reconnaissable par certaines caractéristiques; une mâchoire bien triangulaire et des palettes natatoires à la place des pattes. D'après les fossiles, les plus grands spécimens mesuraient près de 20 mètres de long. On constate qu'il en fait au moins le double dans la vidéo. Ce n'est pas la première fois que Steven Spielberg triche sur la taille. Dans Les Dents de la mer, le requin avait des dents proportionnellement trop grandes par rapport à la taille du corps."
![jurassic world]()
Jean-Sébastien Steyer: "Le dinosaure menaçant qui reste invisible aux yeux du spectateur fait partie de la famille des théropodes. On le remarque grâce au plan sur les pattes arrières de la bête: les trois doigts et le petit ergot, caractéristiques de ce groupe de dinosaures bipèdes et plutôt carnivores. J'ai rencontré Jack Horner, paléontologue et conseiller scientifique de Spielberg à la grande messe de la Society of Vertebrate Paleontology (SVP) à Berlin, les Oscars de la profession. Il ne m'a absolument rien dit à propos de ce dinosauroïde issu de modification génétique mais à en croire certaines rumeurs qui circulent sur la toile et une figurine Lego dévoilée avant la bande-annonce, on aurait à faire à une sorte d'Allosaurus géant et albinos."
![jurassic world]()
Jean-Sébastien Steyer: "Pour répondre à votre question, il me paraît impossible d'apprivoiser un vélociraptor. Il est difficile d'effacer l'agressivité d'un dinosaure carnivore. Leur représentation en meute à la fin de la bande-annonce colle aux données paléontologiques qui les décrivent chassant en groupe -plusieurs squelettes ont été retrouvés près d'un cadavre d'un herbivore. Par contre, bémol de taille, ces vélociraptors n'ont pas de plumes alors que les conclusions scientifiques ne font plus de doutes à ce sujet. Dans Jurassic Park 3, l'idée avait commencé à faire son chemin. Là ils sont carrément à poil. Ou plutôt à écailles !" (rires).
Vincent Hault: "Apprivoiser des vélociraptors? Il y a bien des gens qui tentent de domestiquer des reptiles. Là question qui reste sans réponse c'est: est-ce qu'ils y parviennent?"
![jurassic world]()
Jean-Sébastien Steyer: "Ce dinosauroïde a tout à fait sa place dans Jurassic Park parce qu'au final, dans cette fiction, tous les dinosaures sont des mutants. Ils ont été reconstitués à partir de fragments d'ADN. Dans le premier volet, on apprend que cet ADN est même complété avec celui de grenouilles."
Vincent Hault: "Le postulat de base de la franchise Jurassic Park est abordé en paléontologie. Comment reconstituer un dinosaure à partir de son ADN? Pour que le film colle à la réalité, il aurait fallu que les moustiques de l'époque soient armés pour traverser la peau des reptiles, que ces moustiques aient ensuite décidé de finir leur repas sur une note de sucré pour finir englués dans la résine et que des gisements d'ambre aient été contemporains des dinosaures.
Le problème, c'est qu'une fois ingéré par le moustique, le sang est digéré et soumis au travail des enzymes. L'ADN s'en trouvera forcément détérioré. Quel œuf choisir ensuite pour la fécondation? C'est une problématique qui est d'actualité parce que la science tente d'appliquer une méthode similaire à la reconstitution de l'ADN des mammouths, une espèce disparue. Mais malgré l'aide des éléphants d'Asie, c'est une entreprise périlleuse."
Mais alors que tout le monde croyait les leçons du passé tirées, la présence d'un spécimen génétiquement modifié risque de mettre les visiteurs en péril. Le HuffPost a sauté sur l'occasion pour revenir sur les espèces visibles avec l'aide de deux paléontologues, Jean-Sébastien Steyer du Muséum d'Histoire Naturelle et Vincent Hault, maître de conférences à l'Université de Lorraine.
Jean-Sébastien Steyer: "La bande-annonce de Jurassic World est intéressante en matière de reconstitutions paléontologiques. Il y a de vraies réussites dans la représentation de certaines espèces de dinosaures. On peut rapidement apercevoir un troupeau d'ornithomimosaures, des omnivores du Crétacé et non du Jurassique mais ce n'est pas le premier anachronisme de la saga."
Vincent Hault: "On remarque aussi la présence de diplodocus et de stégosaures comme dans les précédents volets. Il faut rappeler que certains dinosaures du Jurassique et du Crétacé ne se sont jamais côtoyés comme le stégosaure et le T-Rex, séparés de presque 100 millions d'années."
Jean-Sébastien Steyer: "Autre déception, dans la scène de randonnée en kayak, on voit toujours les mêmes dinosaures -stégosaures et grands herbivores de la famille des Sauropodes- alors qu'il y a une nouvelle espèce publiée chaque semaine. Il y a une telle diversité que c'est un peu dommage de tomber sur les mêmes têtes. Je suis un peu surpris par la forme de leur cou, 'en S', alors que les récentes études ont montré que cette partie de leur corps était plus raide."
Vincent Hault:: "Cet animal qui mange un requin n'est pas un dinosaure à proprement parler puisque le terme désigne un organisme terrestre. C'est un reptile marin de la même manière que le ptéranodon est un reptile volant. Il est sans doute inspiré du Mosasaure que les paléontologues américains apprécient, notamment parce que des fossiles de cette famille ont été retrouvés aux États-Unis."
Jean-Sébastien Steyer: "Le reptile marin visible peu après est un Mosasaure proche du genre Prognathodon, reconnaissable par certaines caractéristiques; une mâchoire bien triangulaire et des palettes natatoires à la place des pattes. D'après les fossiles, les plus grands spécimens mesuraient près de 20 mètres de long. On constate qu'il en fait au moins le double dans la vidéo. Ce n'est pas la première fois que Steven Spielberg triche sur la taille. Dans Les Dents de la mer, le requin avait des dents proportionnellement trop grandes par rapport à la taille du corps."
Jean-Sébastien Steyer: "Le dinosaure menaçant qui reste invisible aux yeux du spectateur fait partie de la famille des théropodes. On le remarque grâce au plan sur les pattes arrières de la bête: les trois doigts et le petit ergot, caractéristiques de ce groupe de dinosaures bipèdes et plutôt carnivores. J'ai rencontré Jack Horner, paléontologue et conseiller scientifique de Spielberg à la grande messe de la Society of Vertebrate Paleontology (SVP) à Berlin, les Oscars de la profession. Il ne m'a absolument rien dit à propos de ce dinosauroïde issu de modification génétique mais à en croire certaines rumeurs qui circulent sur la toile et une figurine Lego dévoilée avant la bande-annonce, on aurait à faire à une sorte d'Allosaurus géant et albinos."
Jean-Sébastien Steyer: "Pour répondre à votre question, il me paraît impossible d'apprivoiser un vélociraptor. Il est difficile d'effacer l'agressivité d'un dinosaure carnivore. Leur représentation en meute à la fin de la bande-annonce colle aux données paléontologiques qui les décrivent chassant en groupe -plusieurs squelettes ont été retrouvés près d'un cadavre d'un herbivore. Par contre, bémol de taille, ces vélociraptors n'ont pas de plumes alors que les conclusions scientifiques ne font plus de doutes à ce sujet. Dans Jurassic Park 3, l'idée avait commencé à faire son chemin. Là ils sont carrément à poil. Ou plutôt à écailles !" (rires).
Vincent Hault: "Apprivoiser des vélociraptors? Il y a bien des gens qui tentent de domestiquer des reptiles. Là question qui reste sans réponse c'est: est-ce qu'ils y parviennent?"
Jean-Sébastien Steyer: "Ce dinosauroïde a tout à fait sa place dans Jurassic Park parce qu'au final, dans cette fiction, tous les dinosaures sont des mutants. Ils ont été reconstitués à partir de fragments d'ADN. Dans le premier volet, on apprend que cet ADN est même complété avec celui de grenouilles."
Vincent Hault: "Le postulat de base de la franchise Jurassic Park est abordé en paléontologie. Comment reconstituer un dinosaure à partir de son ADN? Pour que le film colle à la réalité, il aurait fallu que les moustiques de l'époque soient armés pour traverser la peau des reptiles, que ces moustiques aient ensuite décidé de finir leur repas sur une note de sucré pour finir englués dans la résine et que des gisements d'ambre aient été contemporains des dinosaures.
Le problème, c'est qu'une fois ingéré par le moustique, le sang est digéré et soumis au travail des enzymes. L'ADN s'en trouvera forcément détérioré. Quel œuf choisir ensuite pour la fécondation? C'est une problématique qui est d'actualité parce que la science tente d'appliquer une méthode similaire à la reconstitution de l'ADN des mammouths, une espèce disparue. Mais malgré l'aide des éléphants d'Asie, c'est une entreprise périlleuse."
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