Lieu de transit, la Tunisie abriterait tout un réseau de trafic d'armes entre la Libye et l'Algérie. "C'est repris régulièrement dans les médias tunisiens", regrette Moncef Kantas. Contacté par le HuffPost Maghreb, l'auteur du récent rapport de Small Arms Survey sur la frontière tuniso-libyenne affirme que ce n'est pas le cas. "L'existence d'un tel réseau n'est pas établie", rappelle Moncef. "Le trafic d'armes existe, mais en faible quantité", indique-t-il dans son rapport.
Il conçoit toutefois que les armes libyennes représentent un danger pour la sécurité de la Tunisie. Les saisies d'armes, bien qu'en faible quantité, se sont multipliées depuis début 2013. En 2012, déjà, un douanier avait confié à l'International Crisis Group (ICG) que l'existence de stocks d'armes à Ben Guerdane était un fait connu de tous.
Si la désintégration de la Libye, où l'Etat n'a aucun contrôle sur les milices loyalistes dominantes à la frontière, favorise l'amplification du trafic, la vraie source de danger réside dans l'affaiblissement des cartels de contrebande. En collaborant avec les forces de sécurité, ce sont eux qui empêchaient les armes de passer la frontière.
Mais aujourd'hui, l'Etat tunisien a choisi la tolérance zéro. Et peine à se débrouiller tout seul.
Zéro pointé
En septembre, le ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou affirmait que la zone tampon établie dans le sud était "la solution parfaite pour éviter l'entrée d'armes".
Alors qu'il y avait toujours eu une entente avec les cartels, International Crisis Group rapporte que des directives "orales" seraient parvenues aux agents début 2013, les enjoignant de "multiplier les patrouilles et les opérations de saisies".
"Il faut opposer des moyens exceptionnels" à la contrebande, affirme le directeur général des douanes Mohamed Meddeb à Leaders en juillet.
Mais le discours ne correspond pas toujours à la réalité sur le terrain. Alors qu'officiellement, des agents de l'autorité vont affirmer que "la contrebande ne doit en aucun cas être tolérée", l'application stricte conduirait, selon la plupart d'entre eux, à la paralysie économique.
Les "fils des frontières" n'ont plus de pères
Selon Moncef Kartas, "l'entente" tacite entre les autorités et les cartels n'a donc pas été renouvelée.
Les principaux cartels frontaliers, contrôlés en majorité par le clan des Touazine, doivent aujourd'hui faire face à la concurrence de nouveaux acteurs nés de la guerre en Libye. Depuis la chute de Kadhafi, "le trafic s'est accru de manière anarchique", raconte des contrebandiers à l'International Crisis Group.
"Les cartels sont très bien informés", explique Moncef Kartas. "La coopération avec la police était très efficace". Au fur et à mesure des années, les autorités légales et illégales se sont rapprochées, au point que les trafiquants "participent au divertissement des patrouilles et leur amènent à manger".
La relation était donnant-donnant. Les cartels régulaient les flux, interdisant le passage d'armes et de drogues. En retour, ils recevaient des passes-droit implicites pour denrées alimentaires et autres produits qui finissaient par atterrir sur les "souks libyens", comptoirs de contrebande.
Un conseiller du chef du gouvernement a révélé à l'ICG l'existence d'une véritable "carte de circulation" sur laquelle "les autorités s'entendaient avec les "boss".
Le contrat est rompu, et les mailles du filet collaboratif se sont desserrées.
Quand le pratique le dispute à l'éthique
La politique de tolérance zéro du gouvernement tunisien comporte le risque d'asphyxier la région et de provoquer des émeutes populaires. Les revenus locaux reposent fortement sur le trafic illégal. Lorsque le régime de Ben Ali a tenté de faire passer une "taxe de passage" en 2010, "c'est parti en flammes", rappelle Moncef Kartas.
"Nous ne vivrons plus jamais ça", déclare à l'ICG un habitant de Ben Guerdane en référence aux années noires précédant l’ouverture de la frontière en 1988.
Pour le moment, de nombreux agents douaniers continuent à laisser faire "le mal nécessaire", comme dirait l'un d'eux.
Mais la régulation des grands trafics, notamment de matériel militaire, est devenue plus difficile sans le coup de main des cartels. Interviewé par l'ICG, un conseiller en sécurité au cabinet du Premier ministre avoue que le "maillage avec les acteurs locaux" doit être "renouvelé" pour contrer les menaces sécuritaires.
L'enjeu est à la fois sécuritaire et économique. Si la contrebande est vouée à disparaître dans un futur idéal, certains contrebandiers semblent pour l'heure indispensables à la Tunisie.
Il conçoit toutefois que les armes libyennes représentent un danger pour la sécurité de la Tunisie. Les saisies d'armes, bien qu'en faible quantité, se sont multipliées depuis début 2013. En 2012, déjà, un douanier avait confié à l'International Crisis Group (ICG) que l'existence de stocks d'armes à Ben Guerdane était un fait connu de tous.
Si la désintégration de la Libye, où l'Etat n'a aucun contrôle sur les milices loyalistes dominantes à la frontière, favorise l'amplification du trafic, la vraie source de danger réside dans l'affaiblissement des cartels de contrebande. En collaborant avec les forces de sécurité, ce sont eux qui empêchaient les armes de passer la frontière.
Mais aujourd'hui, l'Etat tunisien a choisi la tolérance zéro. Et peine à se débrouiller tout seul.
Zéro pointé
En septembre, le ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou affirmait que la zone tampon établie dans le sud était "la solution parfaite pour éviter l'entrée d'armes".
Alors qu'il y avait toujours eu une entente avec les cartels, International Crisis Group rapporte que des directives "orales" seraient parvenues aux agents début 2013, les enjoignant de "multiplier les patrouilles et les opérations de saisies".
"Il faut opposer des moyens exceptionnels" à la contrebande, affirme le directeur général des douanes Mohamed Meddeb à Leaders en juillet.
Mais le discours ne correspond pas toujours à la réalité sur le terrain. Alors qu'officiellement, des agents de l'autorité vont affirmer que "la contrebande ne doit en aucun cas être tolérée", l'application stricte conduirait, selon la plupart d'entre eux, à la paralysie économique.
Les "fils des frontières" n'ont plus de pères
Selon Moncef Kartas, "l'entente" tacite entre les autorités et les cartels n'a donc pas été renouvelée.
Les principaux cartels frontaliers, contrôlés en majorité par le clan des Touazine, doivent aujourd'hui faire face à la concurrence de nouveaux acteurs nés de la guerre en Libye. Depuis la chute de Kadhafi, "le trafic s'est accru de manière anarchique", raconte des contrebandiers à l'International Crisis Group.
"Les cartels sont très bien informés", explique Moncef Kartas. "La coopération avec la police était très efficace". Au fur et à mesure des années, les autorités légales et illégales se sont rapprochées, au point que les trafiquants "participent au divertissement des patrouilles et leur amènent à manger".
LIRE AUSSI: L'interview avec Michael Ayari, analyste Tunisie de l'International Crisis Group
La relation était donnant-donnant. Les cartels régulaient les flux, interdisant le passage d'armes et de drogues. En retour, ils recevaient des passes-droit implicites pour denrées alimentaires et autres produits qui finissaient par atterrir sur les "souks libyens", comptoirs de contrebande.
Un conseiller du chef du gouvernement a révélé à l'ICG l'existence d'une véritable "carte de circulation" sur laquelle "les autorités s'entendaient avec les "boss".
"Pendant longtemps, le contrat était clair: nous n'intervenons pas dans vos activités, même si elles sont illégales, mais en échange vous vous engagez à ne pas laisser circuler de la drogue, des armes et des jihadistes".
Le contrat est rompu, et les mailles du filet collaboratif se sont desserrées.
Quand le pratique le dispute à l'éthique
La politique de tolérance zéro du gouvernement tunisien comporte le risque d'asphyxier la région et de provoquer des émeutes populaires. Les revenus locaux reposent fortement sur le trafic illégal. Lorsque le régime de Ben Ali a tenté de faire passer une "taxe de passage" en 2010, "c'est parti en flammes", rappelle Moncef Kartas.
"Nous ne vivrons plus jamais ça", déclare à l'ICG un habitant de Ben Guerdane en référence aux années noires précédant l’ouverture de la frontière en 1988.
Pour le moment, de nombreux agents douaniers continuent à laisser faire "le mal nécessaire", comme dirait l'un d'eux.
"On tolère les petites importations. On considère tacitement les marchandises qu’il transporte sur lui ou dans son véhicule comme ses affaires personnelles".
Mais la régulation des grands trafics, notamment de matériel militaire, est devenue plus difficile sans le coup de main des cartels. Interviewé par l'ICG, un conseiller en sécurité au cabinet du Premier ministre avoue que le "maillage avec les acteurs locaux" doit être "renouvelé" pour contrer les menaces sécuritaires.
L'enjeu est à la fois sécuritaire et économique. Si la contrebande est vouée à disparaître dans un futur idéal, certains contrebandiers semblent pour l'heure indispensables à la Tunisie.
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