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Tunisie: La nouvelle Constitution offre-t-elle les garanties d'un Etat démocratique?

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Les auteurs ont soutenu le processus constitutionnel tunisien depuis 2011 en offrant de l'expertise comparée aux rédacteurs de la Constitution tunisienne


Initiatrice des Printemps arabes, la révolution tunisienne a représenté, vue de l'intérieur, l'espoir d'une nation qui a risqué l'échec à de nombreuses reprises. Les médias tunisiens ont relayé cette impression en décrivant une élite politique teintée d'incompétence et d'immobilisme et incapable de faire face aux échéances d'une transition difficile. L'enthousiasme des premières heures de la Révolution tunisienne a laissé place à un scepticisme grandissant au fur et à mesure que la crise politique des derniers mois de 2013 s'approfondissait.

Un texte ni copié, ni imposé

Le processus de rédaction constitutionnelle a été à l'image des difficultés de cette transition: très critiqué et teinté d'incertitude quant à son résultat jusqu'à son adoption. Les transitions politiques et constitutionnelles se réalisent rarement dans une euphorie révolutionnaire permanente. La désillusion générée par le temps nécessaire à la réforme remplace rapidement l'enthousiasme des premiers jours.

Si beaucoup ont décrié un processus constituant chaotique, il serait injuste d'oublier qu'il s'est voulu participatif et contradictoire. Le résultat n'est ni un texte copié, imposé de l'extérieur, ni le produit d'une réflexion isolée d'un groupe restreint d'experts et de politiciens, comme en Egypte ou au Maroc.

La rédaction de la Constitution a permis à la majorité et à l'opposition de débattre sur le fond, à de nombreux acteurs de la société civile de se faire entendre directement au sein de l'Assemblée nationale constituante ou par réverbération, depuis les rues tunisiennes. Il s'est par ailleurs inscrit dans la durée moyenne de rédaction des constitutions postrévolutionnaires.

Imparfaite, mais humaine et honnête

Cette nouvelle Constitution tunisienne offre-t-elle toutes les garanties essentielles d'un Etat démocratique?

Elle fait partie des textes modernes, rattachés à ce que l'on appelle le néo-constitutionnalisme, développé au début des années 1990. Elle favorise à la fois un processus de rédaction participatif qui permet de développer l'appropriation du texte constitutionnel et garantit, sur le fond, l'ensemble des exigences inhérentes à l'Etat de droit et au fonctionnement démocratique des institutions. Cinq grands axes en témoignent.

En premier lieu, le nouveau texte garantit la séparation et l'équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif. Le choix retenu offre le visage d'un régime mixte, fondé sur un contrôle respectif des institutions et une obligation réciproque de collaboration pour le Parlement, le Chef de l'Etat et le Chef du gouvernement. Ce nouveau régime politique réserve une place importante au Parlement, il reconnait les rôles de la majorité et de l'opposition, dont le statut a été constitutionnalisé pour renforcer le jeu démocratique.

En deuxième lieu, la nouvelle Constitution assure la cohérence des règles de droit et de l'ensemble normatif. La Constitution tunisienne est la norme suprême: elle s'impose à tous, y compris aux organes de l'Etat. Elle impose au législateur de respecter ses dispositions, qu'il s'agisse des principes généraux ou des droits et libertés consacrés. La nouvelle Constitution est la matrice de l'organisation juridique de la Tunisie. Tout autre texte de loi devra y être compatible. La Constitution aurait certainement pu être plus explicite à l'égard des engagements internationaux que la Tunisie a conclu, mais cela ne signifie pas, a priori, qu'elle ne s'y conformera pas. La logique globale du texte adopté incite au contraire à penser que les obligations seront respectées.

En troisième lieu, le nouveau texte contient un chapitre novateur garantissant les droits et libertés fondamentaux. Si son élaboration et son contenu révèle les tensions et contradictions de la société tunisienne, il traduit également la volonté des citoyens d'avoir leur propre déclaration des droits fondamentaux. Que ce soit à l'égard de l'égalité ou des droits individuels et collectifs, des droits politiques, des droits économiques et sociaux ou des droits à destination des générations futures, le texte constitutionnel nouveau les englobe. De plus, la nouvelle Constitution offre des garanties de mise en œuvre. Ce ne sera plus uniquement le législateur qui organisera et limitera ces libertés selon son bon plaisir mais l'ensemble des autorités de l'Etat dans le respect des principes de l'absolue nécessité d'une limitation en respectant la proportionnalité des limitations de ces droits et libertés. La loi ne pourra plus tout faire, y compris vider un droit de son essence.

En quatrième lieu, une nouvelle Cour constitutionnelle est également créée. Indépendante, elle sera chargée de garantir la conformité des lois à la Constitution et offrira également au citoyen la possibilité de contester, au cours d'un litige, la constitutionnalité d'une loi en vigueur, notamment lorsqu'elle menace ses droits et libertés.

En cinquième lieu, le texte constitutionnel a favorisé le développement d'autorités indépendantes des pouvoirs exécutif et législatif. Si cette garantie est consacrée à l'égard de l'autorité judiciaire, sont créées des instances constitutionnelles indépendantes en matière d'élections ou de l'audiovisuel dont les membres seront élus par une majorité qualifiée.

Le texte constitutionnel tunisien constitue une œuvre humaine et, comme telle, recèle des imperfections. Toutefois, l'honnêteté intellectuelle et la complexité d'une transition politique accélérée dans un contexte sensible imposent de regarder l'ensemble au même titre que le détail. De ce point de vue, la seconde Constitution tunisienne apparaît cohérente et représente le résultat d'un processus démocratique participatif destiné à garantir le développement d'un Etat de droit.

Le plus dur reste cependant à accomplir: faire vivre la démocratie tunisienne au quotidien sur le fondement de ce nouveau contrat constitutionnel. Celui-ci n'est rien si celles et ceux qui seront chargés de faire fonctionner la démocratie tunisienne oublient les raisons qui les ont amené à descendre dans la rue au mois de janvier 2011.

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