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Constitution, ISIE, Gouvernement et consensus: Trois succès, une leçon

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La Tunisie a incontestablement marqué des points ces dernières semaines sur le plan de la reconquête de sa crédibilité sur la scène internationale, même si la situation demeure difficile au plan intérieur en matière économique et sociale et toujours incertaine sur le volet sécuritaire, malgré une accalmie que l'on voudrait espérer durable.

La donne a en effet changé avec l'adoption de la Constitution, qui plus est à une large majorité de 200 voix sur 216 et avec un contenu souvent jugé comme offrant de solides garanties en matière démocratique et de droits de l'Homme. Mais il y a aussi eu la mise en place de l'ISIE qui permet d'espérer des élections fin 2014, et, enfin, l'investiture du gouvernement de M. Mehdi Jomâa qui, avec 149 voix obtenues, se paye même le luxe de dépasser de 6 voix le score de son prédécesseur.

Consensus après les crises

La réussite de ce triple examen, qui s'est beaucoup fait attendre, était en effet la condition nécessaire pour que la Tunisie se donne une chance de sortir les voyants du rouge. C'est ce qu'attendaient ses partenaires potentiels et les acteurs économiques pour disposer de plus de lisibilité avant de s'engager sur des investissements ou une coopération plus approfondie.

Or, ces trois dernières réalisations ont un point commun essentiel: la capacité nouvelle de la classe politique tunisienne à parvenir au consensus, y compris quand il apparait irréalisable ou après de graves crises comme celles ayant suivi les assassinats de Chokri Bélaïd et Mohamed Brahmi. Autrement dit, si le consensus n'est jamais facile à atteindre lorsque les antagonismes sont forts, cette expérience montre qu'il reste le meilleur gage de restauration de la crédibilité internationale d'un pays en transition démocratique comme la Tunisie, comme de la confiance de sa population qui attend toujours un impact concret et positif sur son quotidien.

Dans ces conditions - et étant précisé qu'on ne négocie qu'entre adversaires - la méthode qui a fait ses preuve ne devrait-elle pas logiquement devenir celle à homologuer pour l'avenir?

Car à regarder de plus près comment se sont construits ces trois succès, on voit que chacun des processus est passé par une grave crise qui s'est au final avérée salutaire, puisqu'à chaque fois un consensus relativement large était au rendez-vous. Le tout sur fond de dialogue national chapeauté par le Quartet UGTT/UTICA/LTDH/Ordre des avocats parallèlement aux négociations entre forces en présence à l'ANC avec une représentation non négligeable du "front du refus" du dialogue national. Ce dernier ne manquera pas de susciter quelques fausses notes et démonstrations de force d'Ennahdha et ses alliés, d'ailleurs interchangeables au gré des situations. La modification du règlement intérieur de l'ANC, passée en force avant que le Quartet n'en impose le retrait, en est un bon exemple.

En effet, dans l'ordre de réalisation, l'élection de l'ISIE, avant d'aboutir à porter à sa tête le Professeur Chafik Sarsar, avait connu un premier blocage prolongé en raison de l'hostilité d'Ennahdha à celui qu'elle acceptera finalement de porter à sa présidence, en raison du soutien peut-être trop appuyé que lui apportait l'opposition, ceci bien qu'il s'agisse d'une personnalité unanimement reconnue pour sa compétence académique et son indépendance politique. S'ajoutait à cela un blocage persistant sur un des neufs sièges à pourvoir et la démission d'un des candidats fraîchement élus.

Puis, le processus sera gelé avec le retrait des députés de l'opposition de l'ANC, dont le retour en commission de tri des candidatures de l'ISIE trois mois plus tard, dans un contexte encore très tendu et sans que ne soit encore levé leur boycott des séances et autres commissions de l'ANC, a tout de même fini par aboutir à un accord entre blocs opposés sur les noms restants.

Négociation en amont et pragmatisme

Sur la Constitution aussi, le score final de 200 voix sur 217 était loin d'être acquis au départ, vu notamment les fortes crispations autour du volet de la justice, de la place de la religion dans l'ordre constitutionnel et du blocage révélé d'entrée entre partisans d'un régime parlementaire autour d'Ennahdha et ceux d'un régime mixte ralliant l'opposition et les deux autres partis de la troïka.

Encore une fois, c'est la négociation préalable qui a favorisé la solution plutôt à l'avantage de... l'opposition! Un scénario inespéré au vu du rapport de force de départ et du contenu de la copie finale. On peut alors se demander pour quelle raison Ennahdha, qui a largement prouvé sa capacité à dominer l'ANC par le jeu d'alliances interchangeables, pouvait céder autant par rapport à ses positions de départ dans le cadre d'une négociation entre quatre murs tout en faisant preuve d'une intransigeance absolue lors des votes en séance plénière. Peut-être en raison de son refus de "perdre la face" publiquement devant l'opinion en plénière retransmise en direct afin de continuer d'être vue comme une force dominante? L'opposition a en tous cas compris l'intérêt de négocier en amont pour se donner plus de chances de faire prévaloir ses positions. Il en a notamment était ainsi dans le "sprint final" sur le fameux article 6 et la difficile recherche d'équilibre entre interdiction du "takfir" (excommunication) et protection du sacré où, après d'âpres négociations et bien des remous, un texte a fini par être largement adopté en plénière.

Enfin, pour l'investiture du gouvernement Jomâa, qui doit aussi être vue comme l'aboutissement de la sortie de crise résultant de l'assassinat de Mohamed Brahmi, une crise d'un autre type est venue s'inviter lors de la séance d'investiture avec des accusations portées contre certains candidats qui auraient pu faire basculer le vote. Le chef du gouvernement proposé devait en effet déjà compter avec l'hostilité du "front du refus du dialogue national" et de plusieurs composantes de l'opposition dénonçant justement l'absence de réel consensus dans sa désignation. S'ajoutait à cela les doutes provoqués chez bon nombre d'élus, surtout indépendants, sur quatre ministres potentiels, et principalement les attaques portées contre la candidate au ministère du Tourisme, accusée de s'être rendue en Israël.

En effet, à défaut d'une explication claire et convaincante que le chef du gouvernement finira par apporter, ce point est très vite apparu au cours des débats comme le véritable talon d'Achille de cette équipe, bien plus que la mise en cause du candidat au ministère de la Justice pour avoir entretenu une certaine proximité avec le régime de Ben Ali, ou l'hostilité au code du statut personnel attribuée au ministre proposé pour les Affaires religieuse, ou encore le bilan du ministre de l'Intérieur dont la reconduction était proposée. En effet, une "coalition des contre" aurait pu coûter son investiture à ce gouvernement. Mais, encore une fois, le pragmatisme l'a sans doute emporté quand une large majorité de députés, malgré de réelles réserves, a sans doute préféré écarter le risque pour la Tunisie de rester sans gouvernement, tout en gardant à l'esprit qu'un ministre indésirable ou inefficace au sein de cette équipe reconnue comme comportant de grandes compétences, pouvait toujours être censuré par la suite, même si la majorité requise avait été portée aux 3/5èmes des élus de l'ANC au lieu de la majorité simple.

Si cette expérience confirme que les consensus se dégagent quasiment toujours dans la douleur sur les questions conflictuelles, elle apporte aussi une belle leçon de pragmatisme sans doute déjà prometteuse pour l'avenir de la Tunisie pour lequel on pourrait peut-être enfin se dire raisonnablement optimistes.

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