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Ahmed Manai, une des principales figures de l'opposition à Ben Ali

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Parmi ceux qui ont lutté contre la dictature de Ben Ai, il y en a deux, et qui ne sont pas des moindres, dont la lutte a été éclipsée: Mondher Sfar et Ahmed Manai.

Je ne connais Mondher Sfar qu'à travers ses écrits. Il est un homme comme il y en a peu. Il a consacré sa vie à la lutte pour ses convictions. Je tiens à lui rendre hommage, et ce malgré nos différends idéologiques.

En revanche, je connais très bien Ahmed Manai que j'ai côtoyé pendant son exil à Paris et que je côtoie toujours pendant mes rares séjours en Tunisie. Ces modestes lignes lui sont dédiées.

Ciblé physiquement, famille prise en otage

Ahmed Manai est un intellectuel et opposant tunisien qui a passé 17 ans d'exil forcé en France. Il est, avec Mondher Sfar, Ali Saïdi, Saleh Karkar, de ceux dont le despote Ben Ali avait décidé de décimer physiquement. Les sbires de Ben Ali ont attenté à sa vie à deux reprises.

Avant son exil à Paris, en 1991, il a passé une quinzaine de jours dans les sous-sols du ministère de l'Intérieur, où il fut torturé. Son crime était de s'être opposé au pouvoir de Carthage en présentant sa candidature indépendante aux élections législatives d'avril 1989, et d'avoir milité âprement pour la légalisation du mouvement de tendance islamique mutée aujourd'hui en mouvement d'Ennahdha.

Au bout de 15 jours de tortures, Ahmed Manai est libéré. On lui a rendu son passeport et on a gardé sa famille en otage. En s'envolant vers Paris, il se trouvait devant deux choix: rejoindre son poste d'expert international auprès de l'ONU (Ahmed Manai est docteur d'État en stratégie économique) ou témoigner du supplice de son peuple. L'homme n'a pas pu trahir ses convictions et ses valeurs. Il convoque une conférence de presse et témoigne de la souffrance de son peuple et de la réalité du pouvoir de Ben Ali.

Sa famille est prise en otage, elle est harcelée jour et nuit par la police politique, jusqu'à sa fuite en France après un détour par l'Algérie.

Il démissionne de son poste très confortable à l'ONU et se consacre à la lutte contre le régime de Ben Ali. Il publie le premier ouvrage sur le calvaire des Tunisiens intitulé "Supplice tunisien, le jardin secret de Ben Ali", qui est l'un des témoignages les plus émouvants de la réalité du pouvoir du général Ben Ali.

Il fonde avec Mondher Sfar le "Comité Tunisien d'Appel à la Démission de Ben Ali ». Il présente aussi sa candidature à la présidentielle en 1994. Et surtout, il n'a cessé pendant ces 17 ans d'exil forcé de faire connaitre, par sa plume, par ses colloques et ses manifestations, la cause des prisonniers politiques tunisiens, notamment ceux d'Ennahdha.



En 2008, le 9 octobre exactement, Ahmed Manai décide de rompre l'exil et rentre parmi les siens. Nous ouvrons les guillemets et nous laissons Ahmed Manai raconter son retour:

"Curieusement, ma décision de rompre avec ce long exil et d'en finir avec un statut de réfugié que j'ai toujours perçu comme celui du 'Dhimmi' semble avoir dérangé beaucoup d'individus, habitués à régenter la vie et les choix des gens, et les plus arrogants d'entre eux n'ont pas hésité à poser publiquement des questions sur le prix politique que j'aurai payé en contrepartie de mon retour. Ils ont sûrement oublié que le soutien actif que je leur ai apporté pendant de longues années, aux personnes et à leur organisation, était tout à fait gratuit, parce que motivé par le seul souci d'accomplir un devoir et de porter assistance à des personnes en danger.

Avant mon retour et tout au long des vingt-huit jours que j'ai passés en Tunisie dans la stricte intimité de ma famille élargie, j'étais habité par la crainte que quelqu'un vienne me dire que j'étais la cause de son emprisonnement ou de sa torture et que je m'étais enfui. Dieu merci rien de tel ne s'est produit et les seuls désagréments qui me furent rapportés l'étaient à l'encontre de proches parents, auprès desquels je m'étais empressé de m'excuser quoiqu'ils aient déjà tout pardonné et oublié.

Aujourd'hui, dans mes conditions de santé et à mon âge, je me sens incapable de faire quoi que ce soit pour mes compatriotes et mon pays, sauf de leur livrer mon expérience intellectuelle, spirituelle et politique, si modeste soit-elle, et d'apporter mon témoignage sur les événements de ces vingt dernières années en Tunisie. N'étant pas formé au 'Livre des Ruses' et à la discipline de la Takya et en fidélité aux recommandations du Prophète (SAM), je promets de dire ma part de vérité, si amère soit-elle et quoiqu'elle me coûte".


"L'argent n'a pas plus d'importance que le sable"

Nous nous sommes liés d'amitié avec Ahmed Manai à Paris. Nous avons appris énormément à ses côtés et son amitié nous honore toujours. C'est un homme intègre et d'une grande culture.

Quand des collaborateurs de Saladin lui reprochent sa prodigalité, il leur répond avec un sourire désinvolte: "Il est des gens pour qui l'argent n'a pas plus d'importance que le sable". Ahmed Manai est de ceux pour qui l'argent n'a pas plus d'importance que le sable. De fait, il a un mépris sincère pour la richesse et le luxe.

Ahmed Manai est aussi un homme de foi et de pardon. Dans un texte publié en 2004, qui résume les tentatives d'assassinats dont il a été victime, il écrivait : "Je prie Allah d'avoir pitié de l'âme de l'homme de main, auquel j'avais déjà tout pardonné le soir où j'avais appris sa mort et bien longtemps avant que ne me parviennent les échos de ses regrets tardifs, étant bien convaincu 'qu'il y a des cieux dans l'âme qui gouvernent les cieux de ce monde' comme l'enseignent les Soufis".

Ahmed Manai a parlé quand tout le monde ou presque se taisait. Sa parole est devenue rare quand la parole des autres s'est libérée. Aujourd'hui, son principal souci, c'est la Syrie, un pays qu'il affectionne particulièrement et où persiste une guerre civile larvée. Il œuvre de toutes ses forces pour réconcilier les Syriens. Il est également président de l'Institut tunisien international, qu'il a fondé en exil. Il continue son combat loin des lumières.

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