"Un petit poisson, un petit oiseau s'aimaient d'amour tendre, mais comment s'y prendre..."
L'Histoire la plus sordide semble parfois donner lieu aux plus belles histoires d’amour. La chanson de Juliette Gréco rappelle les contextes conflictuels subliment les amours autant qu’ils les compliquent. Comme un syndrome Roméo et Juliette, qui verrait le beau et le tragique naître dans l’adversité lorsque l’amour naît entre deux individus de camps opposés.
Dans les livres comme au cinéma, la contradiction entre bonheur individuel et tristesse collective est une recette récurrente. Dans la vraie vie, aussi, la guerre n’empêche pas l’amour.
Syrie: La fille de l’officier du Mukhabarat et le rebelle
Il s’appelle Abu Anas. Il est dur, sardonique et fait plus vieux qu’il ne l’est, car la vie l’a fatigué. Quant à la jeune femme, on ne connaît pas son prénom. Sur la photo qu’il garde sur lui, elle porte un haut scintillant et un jean serré.
La BBC rapporte une histoire dans un Damas en guerre.
"Je déteste le régime, mais j’aime une fille du régime", s’exclame Abu Anas. Le journaliste a changé son nom, parce qu’il est engagé dans la rébellion et que personne n’est au courant. Pas non plus le père de la fille. Il est officier haut-placé du Mukhabarat, le service de renseignement du régime.
Dans le quartier dominé par les rebelles, les amis d’Abu Anas ne sont pas au courant de sa relation. Ils pourraient le suspecter d’être un indic à la solde des services.
"C’est une histoire fabuleuse", raconte le jeune homme, "mais c’est une histoire pleine de conflit".
Bagdad: Le sergent américain et la médecin irakienne
2003, juste après l’invasion américaine en Irak. Cela fait à peine deux semaines que le sergent Sean Blackwell est en poste à Bagdad. Une jeune femme s’approche de son checkpoint. Elle veut offrir ses services de médecin.
Le magazine GQ a publié le récit, rapidement repris dans les médias américains, de leur histoire d’amour.
Ce jour-là, ils se draguent un peu sans le faire exprès. Il dit sur un ton léger: "Je suis divorcé. Mais si je devais me remarier, ce serait avec toi".
Elle revient tous les jours pour parler d’une éventuelle embauche, et ils finissent toujours par parler d’autre chose. Elle n’aura jamais le boulot.
Une fois, il l’invite dans le quartier du Palais républicain, où il accompagne ses hommes en jour de repos. Soudain, elle se rend compte qu’ils se tiennent par la main.
"Je sais que je devrais me convertir", lui glisse-t-il un jour alors qu’ils se sont réfugiés dans la salle somber d’un théâtre.
Dans les semaines qui suivent, ils vont commencer à s’embrasser.
Ils se cachent, mais les rumeurs courent. Les gens commencent à les observer. Elle se fait souvent réprimander par des hommes dans la rue, qui se doutent de quelque chose.
Finalement, il décide de l’épouser, pour légitimer leur relation. Hésitant, le capitaine, qui doit donner son aval, finit par accepter.
"Il n’y a de Dieu que Dieu, et Mohamed est son Prophète", récite-t-il devant un juge. La conversion est opportuniste, "mais c’est assez pour les tribunaux irakiens", explique le magazine.
Il sera rapidement démobilisé. Elle le rejoindra plus tard, passant la frontière à la Jordanie. Sans passeport. Des soldats la reconnaissent, la laisse passer. Il l’attend de l’autre côté.
Deuxième guerre mondiale: Le traître allemand et la Française de Bordeaux
Heinz, engagé dans l’armée allemande, la rencontre un jour de garde sur le port de Bordeaux. "On dirait que le fleuve coule à l’envers", commente-t-il. Elle se souvient qu’il avait "l’air émerveillé d’un enfant".
Mais l’histoire continue tout de même. Elle l’a raconté à France Dimanche en 2011, un an après la mort de son mari.
On est en 1941. Ils prennent l’habitude de se voir. "Plus le temps passait, et plus il devenait difficile de se séparer en fin de journée".
Leur relation commence, la guerre gronde. Au bout d’un moment, elle se décide même à le présenter à ses parents.
La guerre finit par aller vers sa fin, les Allemands sont en retraite. Heinz reçoit l’ordre de faire exploser le port de Bordeaux, lieu de leur rencontre. "Des milliers de gens vont mourir, me dit-il, mais si je n’obéis pas, on me fusillera".
Heinz se décidera en faveur de l’explosion. Mais pas du port: du dépôt de munitions allemand.
Peu après, elle reçoit ce mot:
Sa lettre se terminait par une demande en mariage.
La guerre terminée, ils craignent des représailles, lui pour son engagement dans l’armée, elle pour son engagement à ses côtés. Mais son acte de traîtrise vis-à-vis de l’armée allemande fera de lui un héros en France. Il sera naturalisé dès 1947.
"Nous nous sommes mariés deux ans plus et avons vécu heureux jusqu’à sa mort", en 2010.
L'Histoire la plus sordide semble parfois donner lieu aux plus belles histoires d’amour. La chanson de Juliette Gréco rappelle les contextes conflictuels subliment les amours autant qu’ils les compliquent. Comme un syndrome Roméo et Juliette, qui verrait le beau et le tragique naître dans l’adversité lorsque l’amour naît entre deux individus de camps opposés.
Dans les livres comme au cinéma, la contradiction entre bonheur individuel et tristesse collective est une recette récurrente. Dans la vraie vie, aussi, la guerre n’empêche pas l’amour.
Syrie: La fille de l’officier du Mukhabarat et le rebelle
Il s’appelle Abu Anas. Il est dur, sardonique et fait plus vieux qu’il ne l’est, car la vie l’a fatigué. Quant à la jeune femme, on ne connaît pas son prénom. Sur la photo qu’il garde sur lui, elle porte un haut scintillant et un jean serré.
La BBC rapporte une histoire dans un Damas en guerre.
"Je déteste le régime, mais j’aime une fille du régime", s’exclame Abu Anas. Le journaliste a changé son nom, parce qu’il est engagé dans la rébellion et que personne n’est au courant. Pas non plus le père de la fille. Il est officier haut-placé du Mukhabarat, le service de renseignement du régime.
Dans le quartier dominé par les rebelles, les amis d’Abu Anas ne sont pas au courant de sa relation. Ils pourraient le suspecter d’être un indic à la solde des services.
"C’est une histoire fabuleuse", raconte le jeune homme, "mais c’est une histoire pleine de conflit".
Bagdad: Le sergent américain et la médecin irakienne
2003, juste après l’invasion américaine en Irak. Cela fait à peine deux semaines que le sergent Sean Blackwell est en poste à Bagdad. Une jeune femme s’approche de son checkpoint. Elle veut offrir ses services de médecin.
Le magazine GQ a publié le récit, rapidement repris dans les médias américains, de leur histoire d’amour.
Ce jour-là, ils se draguent un peu sans le faire exprès. Il dit sur un ton léger: "Je suis divorcé. Mais si je devais me remarier, ce serait avec toi".
Elle revient tous les jours pour parler d’une éventuelle embauche, et ils finissent toujours par parler d’autre chose. Elle n’aura jamais le boulot.
Une fois, il l’invite dans le quartier du Palais républicain, où il accompagne ses hommes en jour de repos. Soudain, elle se rend compte qu’ils se tiennent par la main.
"Je sais que je devrais me convertir", lui glisse-t-il un jour alors qu’ils se sont réfugiés dans la salle somber d’un théâtre.
Dans les semaines qui suivent, ils vont commencer à s’embrasser.
Ils se cachent, mais les rumeurs courent. Les gens commencent à les observer. Elle se fait souvent réprimander par des hommes dans la rue, qui se doutent de quelque chose.
Finalement, il décide de l’épouser, pour légitimer leur relation. Hésitant, le capitaine, qui doit donner son aval, finit par accepter.
"Il n’y a de Dieu que Dieu, et Mohamed est son Prophète", récite-t-il devant un juge. La conversion est opportuniste, "mais c’est assez pour les tribunaux irakiens", explique le magazine.
Il sera rapidement démobilisé. Elle le rejoindra plus tard, passant la frontière à la Jordanie. Sans passeport. Des soldats la reconnaissent, la laisse passer. Il l’attend de l’autre côté.
Deuxième guerre mondiale: Le traître allemand et la Française de Bordeaux
Heinz, engagé dans l’armée allemande, la rencontre un jour de garde sur le port de Bordeaux. "On dirait que le fleuve coule à l’envers", commente-t-il. Elle se souvient qu’il avait "l’air émerveillé d’un enfant".
"J’étais séduite mais il fallait me rendre à l’évidence: C’était un Boche!" (mot péjoratif désignant l’Allemand)
Mais l’histoire continue tout de même. Elle l’a raconté à France Dimanche en 2011, un an après la mort de son mari.
On est en 1941. Ils prennent l’habitude de se voir. "Plus le temps passait, et plus il devenait difficile de se séparer en fin de journée".
Leur relation commence, la guerre gronde. Au bout d’un moment, elle se décide même à le présenter à ses parents.
La guerre finit par aller vers sa fin, les Allemands sont en retraite. Heinz reçoit l’ordre de faire exploser le port de Bordeaux, lieu de leur rencontre. "Des milliers de gens vont mourir, me dit-il, mais si je n’obéis pas, on me fusillera".
Heinz se décidera en faveur de l’explosion. Mais pas du port: du dépôt de munitions allemand.
Peu après, elle reçoit ce mot:
"Mon Amour, je voulais juste te dire que je suis en lieu sûr. Je t’aime profondément, de tout mon cœur. Et à jamais".
Sa lettre se terminait par une demande en mariage.
La guerre terminée, ils craignent des représailles, lui pour son engagement dans l’armée, elle pour son engagement à ses côtés. Mais son acte de traîtrise vis-à-vis de l’armée allemande fera de lui un héros en France. Il sera naturalisé dès 1947.
"Nous nous sommes mariés deux ans plus et avons vécu heureux jusqu’à sa mort", en 2010.
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