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Karboulmania / Karboulphobie: Autopsie d'un phénomène

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Plus de dix jours se sont écoulés depuis la formation du nouveau cabinet ministériel dirigé par Mehdi Jomaa. Pendant plus d'une semaine, un nom est venu éclipser celui du chef du gouvernement et déchaîner toutes les passions, celui de la nouvelle ministre du Tourisme.

Elle a déchaîne les passions, polarisé l'attention des analystes politiques, des éditorialistes, des personnalités publiques et des simples citoyens. On ne compte plus le nombre de faux profils facebook (à ce propos, Mme Karboul a déclaré n'en posséder aucun), des pages de soutiens, des articles allant jusqu'à s'intéresser à son apparence et sa manière de se vêtir - le site de shems FM a troqué sa vocation de site d'informations à celui de magazine de mode en parlant de son style négligé lors de la prestation de serment ou encore la réconciliation de la modernité et de la tradition dans sa tenue vestimentaire. Bonne joueuse, la ministre a fait savoir qu'elle appréciait l'expertise de mode de ce média.

Mais au-delà des anecdotes, cet intérêt , qu'il soit anormalement enthousiaste (Karboulmania) ou pariculièrement virulent (Karboulphobie), interroge. Que dit cette affaire de nous, Tunisiens?

Une misogynie importante

Tout le monde se rappelle de la réaction outrancière de Brahim Gassas lors du vote de confiance au gouvernement Jomaa. Réagissant sur la visite en Israël de la ministre, le député a ces mots: "Si tu as vraiment visité Israël, je te conseille de prendre ton classeur et ta robe et de rentrer chez toi".

Ce que l'on retient moins, ce sont les applaudissements nourris d'une bonne partie des élus. M. Gassas ne s'est pas contenté d'attaquer Mme Karboul sur le flou entourant le voyage de la ministre dans les Territoires Occupés. Il s'est permis de l'attaquer dans sa féminité. Pareille attaque n'aurait pas été envisageable si la polémique avait concerné un ministre. Malgré tous les discours officiels sur les acquis de la femme et l'égalité dans notre pays, la société a encore du mal à accepter qu'une femme puisse occuper un portefeuille ministériel (la meilleure preuve reste le nombre très limités des femmes dans toutes les compositions gouvernementales). On insistera sur la féminité avant la compétence.

Ceci dépasse les seuls cercles conservateurs d'où est issu Gassas. Comme on l'a déjà évoqué, Shems FM, qui se veut moderniste, disserte sur les tenues de la responsable. Samir Ettaieb, élu sur les listes du Pôle Démocratique Moderniste (actuel Al Massar), a failli agresser sa collègue Lobna Jribi et refuse de s'excuser. Les modernistes si respectueux des femmes tunisiennes ne se gênent pas pour traiter les députées voilées d'Ennahdha de masseuse de hammam (horrez). Les exemples ne manquent pas pour rappeler la misogynie d'une société profondément patriarcale. Le dernier livre d'Olfa Youssef propose un bon état des lieux.

L'hypocrisie dans le traitement de la normalisation avec l'entité sioniste

Le reproche principal des détracteurs d'Amel Karboul est son voyage en Israël. La ministre évoque ce pays, en le nommant ainsi, sur son CV.

Prenant sa défense, Mehdi Jomaa explique qu'il s'agissait d'un simple transit par Tel Aviv et qu'elle devait se rendre dans les Territoires Occupés. Bien que le doute soit permis dans cette histoire floue, dans la mesure où Mme Karboul indique dans son CV un pays où elle n'a passé que 6 heures et où on l'aurait maltraitée, la colère d'une bonne partie des députés appartenant essentiellement à Ennahdha est totalement hypocrite.

Rappelons que le parti islamiste a renoncé à inscrire dans la Constitution la criminalisation de la normalisation avec Israël. Le chef de file de cette formation, Sahbi Atig, a même dit que le Hamas l'en avait dissuadé avant que des responsable du même Hamas viennent démentir cette affirmation (cas rare tant la solidarité entre islamistes est grande). Encore une fois, des forces politiques de tous bords agitent la Cause Palestinienne quand ça leur chante.

Le Conflit Arabo-Sioniste est toujours un bon alibi

Cette histoire d'escale a cristallisé les critiques sur Amel Karboul lors du vote de confiance. Pourtant, le gouvernement Jomaa inclut des personnalités autrement plus sulfureuses.

On citera la ministre de la Justice et des Droits de l'Homme, Hafedh Ben Salah, responsable, selon plusieurs militants, du torpillage de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme sous Ben Ali. Le même ministre fera partie, en 2009, de l'Observatoire des Elections et qui en attestera la régularité.

Ou alors le ministre des Affaires Religieuses, Mounir Tlili, favorable à la polygamie et idéologiquement proche de l'ancien ministre Noureddine Khadmi, pas spécialement connu pour sa modération. L'affaire Karboul a permis à ces ministres de passer comme une lettre à la poste sans trop de protestations des députés "révolutionnaire". La bonne vielle recette de l'invocation du conflit au Proche-Orient pour faire avaler des couleuvres au peuple fonctionne toujours à merveille.

Un a priori (trop) favorable au nouveau gouvernement

Les "fans" d'Amel Karboul ne tarissent pas d'éloges à son sujet. On vante son CV, son expérience, les 150 pays où elle s'est rendue, sa beauté, etc.

Ceci dépasse sa personne. En effet, les gens ont un a priori très favorable au gouvernement Jomaa. Que ce soit par rejet de la Troïka sortante ou par simple espoir, cette confiance, corroborée par certains événements positifs (remontée des cours du Dinar et de la Bourse, vote de la Constitution, aides et prêts internationaux qui pleuvent...), la morosité ambiante s'est très vite transformée en euphorie comme semblent l'indiquer les premiers sondages.

Curieusement, le qualificatif provisoire a disparu du lexique de la plupart des médias, qui s'en servaient pour désigner les gouvernements Jebali et Larayedh alors que les trois cabinets ont la même forme constitutionnelle. Cet optimisme ne doit en aucun cas entamer notre vigilance. Ce gouvernement a des tâches très importantes, et des CV si fournis soient-ils ne font pas à eux-seuls une politique.

Rappelez-vous que l'un des présidents les plus diplômés de l'histoire des Etats-Unis s'appelle George W. Bush...

LIRE AUSSI: La Karboulmania; Amel Karboul nouvelle star tunisienne


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