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Le défi du camp "progressiste"

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Trois ans après le 14 janvier, notre nouvelle Constitution est promulguée et un nouveau gouvernement formé d'indépendants, aux CV pour le moins conséquents, est accueilli favorablement par de nombreux Tunisiens.

Malheureusement, une majorité d'entre eux est en crise avec la classe politique. Plus particulièrement dans le camp des démocrates et progressistes, qui se trouvent confrontés à deux questions existentielles en vue des prochaines échéances électorales:

  1. Que faire? Y aller seul? S'allier avec les ex-RCD? Avec la gauche de la gauche? S'allier à Ennahdha?

  2. Que proposer aux citoyen(ne)s? Un "tous contre Ennahdha"? Un bilan de la gouvernance de la troïka? Des propositions concrètes répondant aux aspirations légitimes des citoyen(ne)s visant un mieux vivre?


Que constate-t-on aujourd'hui sur l'échiquier politique tunisien?

A tout seigneur tout honneur, Ennahdha a eu "l'intelligence" de tirer sa révérence de la gestion du pays, tout en gardant le contrôle du législatif. Cette mouvance islamiste "non violente" a lâché les salafistes et joue, en apparence, la carte de la démocratie et des élections.

Le problème essentiel avec Ennahdha est celui de leur volonté d'exclure une bonne partie des Tunisiens. Ce parti considère que l'islamisation de la société doit passer par l'éducation et l'enseignement. Leur victoire aux futures élections se jouera à l'échelle locale et législative. Dans cette optique, Ennahdha serait capable d'offrir son soutien à celle ou celui qui, dans le camp démocrate, lui permettra de lisser son projet et de mettre en œuvre son idéal, à savoir modeler les générations futures de Tunisien(ne)s.

Alors, ce seront les enfants qui exigeront des parents un comportement plus islamiste que musulman. Les porteurs de l'alliance avec Ennahdha devront assumer la responsabilité historique d'avoir participé à ce projet de transformation de la société tunisienne.

Le projet de parti-Etat des ex-RCD

Les ex-RCD. Leur tare majeure réside dans leur volonté d'institutionnaliser un système basé sur le culte de la personnalité, l'intérêt personnel, la paupérisation de l'éducation et surtout sur un contrôle de notre société par la milice et la police. Sans oublier une administration et des médias se devant d'être aux ordres du parti.

Il s'agit donc aussi d'un projet rétrograde, celui d'un parti-Etat.

Dans ce cas, le risque d'un retour à un passé douloureux est à évaluer. La disparition officielle dans les premiers mois du parti RCD a permis à nombres de ses adhérents actifs de se fondre dans différents partis autorisés, particulièrement Ennahdha, Nida Tounes et les partis destouriens de Messieurs Morjane et Karoui. Toute alliance avec ces partis passera par une épreuve de force, dont ils sortiront fort probablement gagnants grâce à leur expérience. L'exemple récent de la lutte ouverte au sein de Nida entre les "indépendants" et les ex-RCD est à méditer.

Les slogans porteurs mais rigides de l'extrême-gauche

La Jabha. Le problème de l'extrême gauche est plus complexe. Elle a eu ses martyrs, elle a évolué sur le plan des idéaux démocratiques et a été à l'avant garde pour la défense des citoyens dans les régions. Enfin, son message est devenu plus nationaliste "tunisien".

Toutefois, elle aussi est dans ce jeu d'exclusion d'une partie de nos concitoyen(ne)s. Ses slogans sont porteurs mais rigides: pauvre contre riche, région contre région, fonction publique versus profession libérale... Leur programme économique risque de tirer le pays vers le bas et les premiers qui en pâtiraient seraient alors cette tranche de la population qui souffre le plus financièrement.

Il est incontestable que leurs actions courageuses sur le terrain et les messages de non violence de leurs dirigeants (Allah Yerham Chokri Belaid) leur attire une bonne partie des jeunes. C'est leur force réelle.

Mais au fond n'y a-t-il pas deux Jabha? L'une ouverte vers les idéaux démocratiques qui donne cette envie de s'allier à elle, et l'autre plus sectaire, avec un programme à la gauche du socialisme, basé sur la lutte des classes, et qui risque de diviser un peu plus les Tunisiens.

Les mouvements "démocrates" se lynchent les uns les autres

Quant aux partis et mouvements "démocrates", qui se sont présentés aux élections du 23 octobre - Massar et Pôle Démocratique, Joumhouri et Alliance Démocratique, Afek, Ettakatol, voir le CPR historique ainsi que les mouvements issus de la société civile comme Doustourna - ils doivent trouver un tempo nouveau pour les élections futures.

Il y va de leur survie. Aujourd'hui, le problème majeur d'une alliance des partis et mouvements "progressistes" réside dans la propension de certains à essayer de plaire aux partis des "puissants", Ennahdha et Nida, plutôt qu'à travailler ensemble pour former un front électoral capable de faire rêver de nouveau les Tunisiens avec un programme qui soit plus cohérent.

En effet, ils ont tous des programmes très proches basés sur les principes de liberté, de partage, d'équité et de séparation du religieux et du politique. Malheureusement, ils ont passé, au cours de la première campagne électorale, plus de temps à se lyncher les uns les autres qu'à convaincre les citoyens.

Aujourd'hui, auront-ils le courage de tourner la page, de remiser leurs rancunes, de dépasser les égos respectifs et de s'unir pour devenir une vraie force de proposition?

OUI, c'est possible. Pour cela il faudra que leurs bases s'y attèlent, que les chefs fassent leur autocritique et que la société civile participe activement à les rapprocher. Ce n'est que tous ensemble qu'ils pourront peser et atteindre les 20 a 30%. Ce score, actuellement utopique, peut être atteint s'ils travaillent à une feuille de route transparente, réaliste, fondée sur la participation citoyenne et le renforcement de la Tunisie "moyenne".

Cette Tunisie, qui a été la réelle force de progrès dans les premières décennies de l'indépendance, celle qui a fait que le Tunisien travaille pour permettre à ses enfants d'évoluer par le savoir et l'éducation et non par les combines et le marche parallèle. Cette Tunisie du partage qui refuse de laisser sur le bord de la route les plus démunis. Mais pour cela, il faut être capable de travailler ensemble pour proposer des solutions aux véritables problèmes qui sont d'ordre socio-économiques.

Cette Tunisie fière de son combat pour la liberté, la dignité et le travail acquis sans violence. Cette Tunisie qui a valeur d'exemple pour les populations qui souffrent de la tyrannie.

C'est cette dernière voie qui me semble la plus porteuse d'espoir pour l'avenir de notre fragile démocratie. Elle peut sembler idéaliste. Mais sans rêve peut-on avancer?

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