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Les vœux pieux d'une détente avec l'Iran?

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Plus de deux mois après sa signature à Genève avec les pays du groupe 5 + 1 (États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne), comment jauger l'accord intérimaire sur le programme nucléaire iranien et les retombées géopolitiques positives qui en étaient initialement escomptées?

Alors que les plus optimistes ont voulu voir dans cette percée diplomatique historique le début d'un rapprochement entre la République islamique et l'Occident - favorisé par la relative modération du nouveau président en exercice, Hassan Rohani - et l'horizon longtemps repoussé d'une détente régionale, l'assouplissement des positions de Téhéran semble encore loin d'être acquis. Plusieurs développements récents convergeraient plutôt pour l'heure vers un maintien du statu quo au Moyen-Orient, voire d'un durcissement potentiel de la diplomatie iranienne, toujours assise sur trois "fondamentaux" ayant informé toute sa politique étrangère au cours de la dernière décennie: le rejet inconditionnel d'Israël, la quête d'un hégémon passant par la promotion du chiisme politique en opposition aux États sunnites de la région (l'Arabie saoudite en tête) et la préservation, coûte que coûte, de ses partenaires stratégiques (Irak, Syrie, Liban).

Certes, la décision du gouvernement iranien et des représentants de l'Union européenne, le 20 janvier à Bruxelles, de procéder à l'application concrète des principes de l'accord de Genève sanctionne une étape clé sur la voie d'un règlement durable de la crise du nucléaire. Sous contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'Iran devrait commencer à éliminer son stock d'uranium enrichi et à démanteler une partie de ses infrastructures, une avancée indiscutable aux yeux de tous ceux qui souhaitent empêcher Téhéran de se doter de l'arme nucléaire. Dans la foulée des déclarations du président américain Barack Obama et de son secrétaire d'État John Kerry, la porte-parole de l'UE, Catherine Ashton, représentant les six médiateurs internationaux et chargée depuis plusieurs mois de conduire les pourparlers, saluait la mise en œuvre "cohérente, solide et graduelle" de l'accord qui gèle pour une durée de six mois les activités nucléaires de l'Iran en contrepartie d'une levée partielle des sanctions -en l'occurrence un déblocage séquencé des 4,2 milliards de dollars d'avoirs iraniens.

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Ce progrès, et la fenêtre d'opportunité significative ouverte par l'accord de Genève en termes d'espace de discussion et de négociation, ne sauraient cependant occulter la persistance d'un certain nombre d'obstacles quant à la notion de détente régionale qui s'y voit souvent associée. Parmi ceux-ci se trouve, au premier plan, la stratégie même de l'Iran qui, ces dernières semaines, semble avoir renoué avec une posture plus passéiste que véritablement tournée vers la fin de son isolement international.

Le 8 janvier dernier, à l'occasion d'une visite à Téhéran de Jack Straw, ancien secrétaire britannique aux Affaires étrangères, le chef de la diplomatie iranienne, Mohammed Javad Zarif, déclarait ainsi que les sanctions contre son pays (y compris dans leur forme "allégée") ne constitueraient jamais un moyen de pression suffisant pour le faire "succomber". Trois jours auparavant, Téhéran réitérait son soutien à l'un de ses alliés clés dans la région, l'Irak, en offrant des renforts militaires au Premier ministre Nouri al-Maliki dans son combat contre la menace "takfirie" d'Al-Qaïda (un terme signifiant l'excommunication en arabe et visant les musulmans considérés comme ayant dévié de l'orthodoxie sunnite, les chiites plus particulièrement). Fin novembre 2013, quelques jours après la conclusion de l'accord de Genève, Al-Maliki s'était lui-même rendu chez son voisin iranien pour évoquer les moyens de consolider les relations bilatérales entre les deux États anciennement rivaux.

L'autre dossier brûlant sur lequel l'Iran paraît peu enclin à obtempérer demeure bien entendu la Syrie. De ce point de vue, sous couvert de garantir la stabilité et la paix régionales, il ne fait aucun doute que Téhéran maintiendra un soutien de long terme au régime alaouite de Bachar al-Assad, auquel il procure déjà depuis 2011 armes et conseillers militaires. La décision des Nations Unies de refuser à l'Iran un siège à la table des négociations de la conférence de paix dite Genève II, dont le premier tour s'est achevé sans résultat probant le 31 janvier, ne peut en ce sens qu'endurcir Téhéran qui continue de rejeter tout rôle secondaire et l'idée d'un gouvernement transitoire syrien doté des pleins pouvoirs. Or, il s'agit là d'une exigence maîtresse tant pour l'opposition syrienne que pour ses parrains occidentaux. Fidèle à Damas, la Russie s'est quant à elle, sans surprise, rebiffée contre l'exclusion des responsables iraniens, qualifiée d'"erreur impardonnable", alors que ces derniers n'ont jamais réellement exprimé la volonté d'un règlement pacifique du conflit.

Téhéran conserve enfin un soutien infaillible au Hezbollah, son grand relais contre Israël au Proche-Orient. Depuis la fin de la guerre du Liban en 2006, l'influence de la milice chiite n'a cessé de croître, de même que l'armement qui lui est fourni par l'Iran. Mi-janvier, le général Amir Ali Hajizadeh, haut-gradé du Corps des gardiens de la révolution islamique, affirmait que le Hezbollah pourrait frapper l'État hébreu par le biais de missiles à longue portée transférés depuis la Syrie. Ces déclarations sont évidemment de nature à attiser les tensions au Sud-Liban ainsi que l'anxiété des dirigeants israéliens qui n'ont cessé de dénoncer, depuis novembre, un compromis inacceptable et inutile avec l'Iran; la condamnation récente de l'Holocauste par Rohani et certains de ses ministres, aux antipodes des propos négationnistes qui avaient été tenus par l'ancien président Mahmoud Ahmadinejad, n'apaisera sans doute guère les esprits, surtout après la visite d'une délégation officielle iranienne dans les territoires palestiniens pour dénoncer l'occupation, les "crimes sionistes" et prôner un retour à la résistance armée contre Israël.

À nouveau, le contexte actuel pose raisonnablement la question de l'articulation -ou non- entre l'accord sur le dossier nucléaire et la perspective -ou non- d'une détente avec l'Iran. La corrélation établie entre ces deux aspects n'aurait-elle pas, à cet égard, été quelque peu hâtive? Force est d'observer qu'en lieu et place d'une atténuation des conflits au Moyen-Orient, c'est plutôt un cycle infernal de remilitarisation qui semble aujourd'hui à l'œuvre, et dont Téhéran reste l'un des principaux protagonistes. L'optique d'un Iran plus fort a d'ailleurs d'ores et déjà incité le royaume saoudien, son plus farouche adversaire, à se rapprocher de ses voisins du Conseil de coopération du Golfe (GCC) dans l'objectif de former une alliance militaire unifiée apte à répondre à toute agression potentielle -de Téhéran, en l'espèce...

La prudence est donc de mise, et ce d'autant que la posture occidentale, celle des États-Unis en particulier, manque aussi de clarté. Tout en fermant les yeux sur l'appui militaire offert par Téhéran à Bagdad, Washington dénonçait récemment la poursuite de l'appui iranien à la répression conduite par le régime d'Al-Assad en Syrie. Barack Obama est surtout confronté à un Congrès américain qui menace de voter de nouvelles sanctions. Dans ce contexte, l'Europe pourrait continuer à endosser un rôle diplomatique de premier ordre, comme en atteste déjà l'invitation faite à Ashton de se rendre en Iran au terme du second round des négociations sur la crise nucléaire prévu le 18 février à Vienne. Cette position d'interlocuteur privilégié doit absolument être saisie par les Européens pour inciter l'Iran à tenir ses engagements, tant sur la question du nucléaire que sur l'inflexion des aspects les plus controversés de sa politique régionale, sans laquelle toute détente future sera probablement vaine.

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