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Le Front Populaire, pour une véritable alternative

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Après la grave crise politique subie par notre pays, la mobilisation des Tunisiennes et Tunisiens (qu'ils militent ou non au sein de partis ou d'associations) conjuguée aux pressions internationales ont permis d'entrevoir une éclaircie dans un ciel lourd de menaces. Pour autant, la situation demeure fragile voire préoccupante. La Troïka laisse derrière elle un bilan calamiteux: division des Tunisiens autour de la question de leur identité, assassinats politiques dont les commanditaires sont encore en liberté, faillite économique et sociale.

La fausse bonne idée d'une grande coalition

C'est dans ce contexte qu'auront lieu les prochaines élections, sans doute avant la fin de cette année. Elles seront cruciales pour l'avenir de notre pays. Même si le paysage politique reste confus, il s'en dégage au moins trois entités: les islamistes et leurs alliés qui bénéficient d'une implantation territoriale forte notamment dans certaines régions, la nébuleuse dominée par Nida Tounès qui a fédéré autour de son chef charismatique, M.Béji Caïd Essebsi, des personnalités aux parcours divers dont bon nombre de cadres de l'ancien RCD, et, enfin, une coalition de gauche représentée par le Front Populaire.

A l'initiative de celui-ci, ces deux dernières composantes ont réussi au sein du Front du Salut National à obtenir le départ de la Troïka du gouvernement. Certains souhaiteraient rééditer l'expérience sur le plan électoral dans le but d'éviter tout retour des islamistes au pouvoir. Il est clair qu'il s'agit là d'un souhait largement partagé. Sauf qu'une "grande coalition" pourrait bien s'avérer une fausse bonne idée.

D'abord, 2014 n'est pas 2011: la leçon semble avoir été retenue et des rapprochements ont déjà été actés. De ce fait, l'éparpillement des voix constaté lors des premières élections post-révolution étant improbable, le véritable risque est celui de l'abstention.

En effet, il est classique lors de toute transition démocratique que les citoyens boudent les urnes pour diverses raisons: lassitude voire colère vis-à-vis des politiques incapables de changer la vie quotidienne comme espéré, sentiment d'être éloignés de la prise de décision quoi qu'il arrive, indifférenciation des programmes.

Or la bipolarisation de la vie politique ne peut, à l'évidence, que renforcer cette désaffection. On ne mobilisera pas le peuple sur un projet dont le seul point commun serait le rejet de l'autre camp. Beaucoup de nos concitoyens ne veulent pas que le débat se résume à un référendum pour ou contre les islamistes. D'autres expriment même d'ores et déjà un double rejet, qui pourrait se traduire par un "ni Ennahdha ni Nida". En effet, si les islamistes risquent de pâtir de leur échec gouvernemental, Nida Touès, assimilé - à tort ou à raison - à une résurgence du RCD, aura fort à faire pour convaincre du contraire. De surcroit, certaines déclarations - sans doute imprudentes - de quelques uns de ses responsables ont laissé planer le doute quant à l'hypothèse d'un possible accord de gouvernement avec les islamistes, lesquels ne l'ont pas réfuté.

Même si la question du modèle de société est centrale, l'offre politique doit ainsi être diverse pour que l'ensemble des électeurs - notamment les plus jeunes d'entre eux - puissent se sentir concernés par l'enjeu du scrutin. Pour la gauche tunisienne qui a réussi, sous la bannière du Front Populaire, à rassembler bon nombre de ses composantes (même si "la photo de famille" n'est pas complète), l'occasion d'affirmer ses valeurs doit être saisie.

Le Front Populaire a démontré qu'il savait dire non

Pour la première fois depuis l'indépendance, une coalition regroupant des communistes, des socialistes ou sociaux-démocrates, des nationalistes démocrates, renforcés par des associatifs et des personnalités indépendantes, est en mesure de peser sur le cours des évènements. Ce qui n'empêche pas que dans les régions où le risque d'une domination des islamistes est présent, la formation d'une grande coalition puisse être envisagée.

De même, l'affirmation d'une force de gauche forte et rassemblée, n'exclut pas - après les élections - de gouverner avec d'autres entités, à la condition de s'accorder sur un programme qui tienne compte et de son poids électoral et de ses propositions pour le pays. C'est d'ailleurs sur ces questions programmatiques qu'est essentiellement attendu le Front Populaire.

Opposant le plus virulent aux islamistes, il a démontré qu'il savait dire non quand les circonstances l'exigeaient. Il en a d'ailleurs payé le prix fort en perdant deux de ses dirigeants les plus en vue, à savoir Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Mais le Front Populaire doit éviter le piège de la marginalisation dans lequel certains (inquiets de sa dynamique?) voudraient qu'il tombe. C'est en se montrant à la fois audacieux et crédible qu'il confirmera ses capacités de mobilisation dans la fidélité à ses valeurs qui sont, in fine, celles de la révolution: liberté, travail, justice sociale et dignité.

A titre d'exemples, quand le Front proposera l'accès de tous à des soins de qualité ou encore le développement d'une économie sociale et solidaire, riche en emplois et respectueuse de l'environnement, il lui faudra dire dans le même temps comment il compte s'y prendre. En allant vers les citoyennes et citoyens pour expliquer sa démarche, écouter celles et ceux qui depuis trop longtemps n'ont pas voix au chapitre, il convaincra ainsi de son sérieux. Lourde responsabilité. Le Front est prêt à l'assumer.

Et c'est bien en se conformant à ces exigences qu'une véritable alternative pourra être proposée. La Tunisie en a besoin.

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